Liège Museum n°1

Sémiramis, reine de légende
Le sujet que représente Köhler en 1852
tient tout autant du domaine biblique
que de la légende. Sémiramis est la reine
légendaire de Babylone, créatrice des
Jardins suspendus (une des sept merveilles
du monde antique). Son histoire
est relatée par plusieurs auteurs dont
Diodore de Sicile et Hérodote, ainsi que
par les textes bibliques. Son existence
historique est assimilée à la reine assyrienne
Sammuramat (ix e siècle av. J.-C.).
Femme de pouvoir, elle entreprend
d’élargir son royaume et organise des
expéditions jusqu’en Égypte ou en Inde.
Sa soif d’entreprendre la pousse à bâtir
de nouveaux édifices à Babylone avec
une munificence sans réserve. La cité
acquiert dans le monde antique une incroyable
popularité. Plusieurs fois durant
son règne, elle fait face aux soulèvements
de son peuple qu’elle réprime violemment.
Sa seule présence charismatique
suffit à calmer toute sédition. Rentrée de
campagne militaire, son fils Ninias ourdit
contre elle une conspiration qui la contraint
à céder son empire, sans opposer
de résistance. Après son abdication, elle
se retire de toute vie publique.
Sémiramis ne cessera d’inspirer les
artistes de tout temps. L’image d’une femme
guerrière, entreprenante, autoritaire et bâtisseuse
donne à sa personnalité un relief
propre à stimuler l’imagination des auteurs
mais aussi des peintres 3 .
La Sémiramis du MAMAC
Le drame littéraire La fille de l’air de
Caldéron de la Barca, auteur espagnol du xvii e siècle, aurait inspiré Köhler pour
son tableau. Les théoriciens du mouvement ro-mantique allemand (Schlegel,
Lessing, Goethe) redécouvrent les textes de l’écrivain et les popularisent. Goethe
faisait d’ailleurs grand cas de La fille de l’air.
Différents personnages de la toile constituent un répertoire de figures bibliques
que Köhler traite couramment. Les dames de cour entourant Sémiramis sont ainsi
représentées sous les traits d’Agar et de Myriam. La reine est face au spectateur,
sur un trône décoré de riches tissus. Elle s’apprête à empoigner le glaive que lui
tend une servante. Les traits du visage expriment l’inquiétude et la peur, les corps
se crispent. Sur la partie supérieure droite, au travers d’une fenêtre, on distingue un
soldat qui pointe du doigt la ville de Babylone en feu, en proie au soulèvement du
peuple. En arrière-plan, au pied du temple de Bâle, la population s’échauffe.
Le mouvement de révolte évoqué ici trouve un écho évident dans les événements
révolutionnaires de 1848-49. Incontestablement, l’actualité inspire les peintres
et constitue une réserve inépuisable, en ces temps de désordre et de bouleversement.
Le patriotisme se développe et fonde les sujets que la peinture évoque.
Liège•museum
n° 1, hiver 2010
11