Liège Museum n°1
Le Bulletin des musées de la Ville de Liège. A lire notamment : acquisitions et conservations des œuvres, le service éducatif....
Le Bulletin des musées de la Ville de Liège.
A lire notamment : acquisitions et conservations des œuvres, le service éducatif....
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Les ateliers Jean Falla, utilisant ici un acier Cap (actif à partir de 1904 ; la<br />
marque de fabrique « Acier Comprimé Cap » fut déposée en 1906) sont actifs de<br />
1931 à 1945, continués par Falla Fils jusqu’en 1953. Le poinçon du Banc d’Épreuves<br />
indiquant le calibre nominal et la longueur de la douille, « 20-70 » inscrit dans un C<br />
allongé, a été en usage à partir de 1924.<br />
À l’évidence, il ne s’agit pas (ou plus) ici d’une arme réalisée dans sa totalité<br />
par Émile Masquelier, dont le nom disparaît après 1925 au plus tard. Les canons ne<br />
seraient pas antérieurs aux années 1930, et la lettre annale du Banc d’Épreuves<br />
indique l’année 1950. Deux explications sont possibles : soit nous sommes en présence<br />
d’une arme fabriquée par Émile Masquelier, mais réparée ou reconditionnée<br />
(après avoir reçu de nouveaux canons) et éprouvée en 1950, soit nous sommes face<br />
à un assemblage de pièces disparates, comme il s’en pratiquait régulièrement à<br />
<strong>Liège</strong>. Ainsi pourrait s’expliquer notamment la différence de tonalité entre la crosse<br />
et la longuesse. Ces opérations ont du reste fort bien pu être réalisées dans les ateliers<br />
de Charles Masquelier. Quoi qu’il en soit, un fascinant puzzle !<br />
Un pistolet FN-Browning<br />
Autre entrée de choix, pourtant à première vue banale, un pistolet semi-automatique<br />
FN-Browning modèle 1900, de calibre 7,65 mm (.32). Son mérite est de porter un<br />
numéro de série très bas – 7509 –, ce qui le place dans les toutes premières années<br />
de production. Avant 1903 en tout cas, car il ne porte pas la marque d’épreuve à la<br />
poudre vive. De plus, il s’agit d’un pistolet destiné à l’armée belge, comme l’indiquent<br />
les poinçons EGB dans un ovale, un FL couronné, marque de réception du contrôleur<br />
gouvernemental et la lettre W sur le pontet. Les plaquettes de crosse, réalisées à<br />
l’origine en ébonite, ne sont sans doute pas originales mais elles sont conformes au<br />
modèle d’époque, sans sigle FN et simplement quadrillées. Fragiles, ces pièces ont<br />
souvent été sujettes à remplacement par des modèles en bois ou semblables à<br />
celles desti-nées au marché civil. Autre indice d’ancienneté, les mentions « FEU » et<br />
« SUR » (pour sûreté) se détachent sur un cercle plus clair, une fioriture qui disparaîtra<br />
dans la suite 3 . Quelque 724 550 pistolets modèle 1900 ont été fabriqués en onze<br />
années de production.<br />
L’armée belge, qui l’adopta en 1900 pour ses officiers, était la deuxième armée<br />
au monde à opter pour le pistolet semi-automatique, précédée de peu par la Suisse<br />
qui avait choisi le célèbre pistolet Luger. Ailleurs, le revolver gardait droit de cité.<br />
1. Les donatrices souhaitent conserver<br />
l’anonymat. Par un heureux<br />
hasard, nous avons cette même<br />
année reçu en don un autre fusil<br />
Masquelier, tout à fait original, datant<br />
de 1947 mais en moins bon état.<br />
2. Ces données proviennent notamment<br />
des archives du Banc d’Épreuves<br />
et ont été en grande partie publiées.<br />
On peut lire : Michel Druart et Guy<br />
Gadisseur, Le Qui est Qui de l’armurerie<br />
liégeoise, Éditions du Pécari, 2005 ;<br />
Bruno Joos De Ter Beest, Marques et<br />
poinçons d’armes à feu en Belgique,<br />
Anvers, Pandora, 1998.<br />
3. Anthony Vanderlinden, The Belgian<br />
Browning Pistols 1889-1949,<br />
Greensboro, 2001, p. 8-16 et 72-99.<br />
4. A. Francotte, C. Gaier et<br />
R. Karlshausen, Ars<br />
Mechanica : le grand livre<br />
de la FN, Herstal Group -<br />
La Renaissance du Livre,<br />
2007, p. 35-69.<br />
Les relations étroites qui unissent la FN et Browning sont familières à nombre d’entre<br />
nous. Nous y revenons brièvement ici, dans la mesure où le pistolet modèle 1900<br />
inaugurait une longue et fructueuse collaboration entre l’entreprise et l’inventeur 4 .<br />
La Fabrique Nationale d’Armes de Guerre, dont l’usine fut érigée à Herstal, a<br />
été fondée en 1889 par l’association de fabricants d’armes liégeois, dans le but de<br />
satisfaire à la commande par l’État belge de 150 000 fusils à répétition système<br />
Mauser, de calibre 7,65 mm. Une commande de trente millions de cartouches devait<br />
suivre. L’outillage – dont la technicité dépassait les capacités des armuriers liégeois<br />
– fut acquis auprès de la firme berlinoise Ludwig Loewe et C°, la licence de fabrication<br />
étant obtenue auprès des Mauser Waffenwerke (propriété de L. Loewe). Une fois le<br />
contrat initial rempli, certains actionnaires, peu désireux de susciter un concurrent<br />
en leur sein, se retirèrent. La FN cependant, acquit rapidement une réputation de<br />
qualité et reçut diverses commandes de l’étranger. De graves difficultés toutefois<br />
surgirent avec Mauser dans l’octroi des licences de fabrication. Face à cette situation,<br />
la plupart des administrateurs démissionnèrent, une brèche dans laquelle Loewe<br />
se précipita en rachetant une bonne partie des titres de la société, devenant ainsi<br />
actionnaire majoritaire et incorporant de facto la FN dans le groupe allemand. Les<br />
activités de l’entreprise herstalienne dans le domaine des armes de guerre s’en trouvèrent<br />
singulièrement contingentées.<br />
<strong>Liège</strong>•museum<br />
n° 1, hiver 2010<br />
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