23.06.2020 Views

syndicom magazine No.17

Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!

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Dossier<br />

La jeunesse européenne paie<br />

le prix de la crise économique<br />

13<br />

Le chômage des jeunes était, bien avant le<br />

coronavirus et la crise mondiale économique,<br />

le problème le plus grave en Europe.<br />

Aujourd’hui, il explose. Plus encore, le crash de<br />

la formation professionnelle prive les jeunes<br />

de leur avenir.<br />

Texte : Oliver Fahrni<br />

Photos : Sandro Mahler<br />

L’OM, le club de l’Olympique de Marseille, c’est son truc.<br />

Elle porte du blanc et du bleu ciel. Son autre passion, ce<br />

sont les conteneurs. En particulier les petits conteneurs<br />

d’1 EVP, 20 pieds de long (6,1 mètres), avec lesquels elle a<br />

décoré ses vœux du Nouvel An pour 2020. Parfois, lorsqu’elle<br />

traîne dans le port de marchandises, elle essaie<br />

d’estimer le nombre d’EVP qu’elle pourrait charger dans<br />

la péniche là-bas. Nadia, 17 ans, aurait aimé devenir gestionnaire<br />

des affaires logistiques.<br />

D’ailleurs, elle dit souvent : « Dans quelques minutes,<br />

l’Atlantique Ouest, en provenance de La Spezia sous pavillon<br />

libérien, arrivera à Fos-Marseille. » Elle le sait grâce au<br />

site internet Live Map sur marinetraffic.com. Mais le rêve<br />

de Nadia s’est brisé. Elle n’arrive plus à imaginer ce qu’elle<br />

va devenir. L’épidémie du coronavirus l’a déviée de sa trajectoire.<br />

Les bateaux continuent leur chemin, beaucoup de bateaux.<br />

Et non, elle n’est pas contaminée. Mais pour suivre<br />

une formation de gestionnaire des opérations logistiques,<br />

il lui faudrait d’abord le « bac », l’équivalent de la maturité.<br />

Puis, deux années d’université technique. Enfin, 18 mois<br />

de formation sous contrat d’apprentissage en entreprise.<br />

Elle pourra désormais difficilement passer la maturité<br />

en juin. Son lycée est fermé depuis mi-mars. Elle a tout<br />

d’abord continué à se connecter à l’enseignement à distance.<br />

Mais ses parents, qui subviennent à peine aux besoins<br />

de la famille de cinq personnes avec leur salaire, ont<br />

eu besoin de l’ordinateur portable de Nadia pour le télétravail<br />

à domicile, le seul ordinateur de la maison. Lorsque<br />

le professeur de français a envoyé 42 pages de matériel pédagogique<br />

par e-mail à imprimer, Nadia a mis fin à sa tentative<br />

de suivre les leçons avec son iPhone.<br />

Elèves sortis du radar<br />

Maintenant, il lui manque la note de « présence », le bonus<br />

pour tous ceux qui se sont régulièrement connectés. Dans<br />

sa classe, 6 sur 17 l’ont fait. Quoi qu’il en soit, l’inscription<br />

à l’université était déjà en cours. Pour cela, elle aurait dû<br />

passer des heures sur une plateforme internet, choisir dix<br />

facultés et remplir dix dossiers de candidature. Et même<br />

si elle l’avait fait, cela aurait peut-être été vain, la plateforme<br />

Parcoursup ayant laissé 2 72 000 candidats sans<br />

avoir reçu de réponse jusqu’à la mi-mai.<br />

En à peine trois mois de quarantaine, le système éducatif<br />

français a perdu de vue un cinquième à un quart des<br />

élèves. Ils sont tout simplement sortis du radar. Certains<br />

temporairement, d’autres, comme Nadia, définitivement.<br />

Elle devrait rapidement venir augmenter le nombre des<br />

jeunes chômeurs. Un désastre.<br />

Le ministre de l’éducation essaie de minimiser la situation.<br />

Mais la vérité, c’est qu’une bombe sociale à retardement<br />

s’amorce et grossit. La plupart des laissés pour<br />

La génération Covid,<br />

première victime de<br />

la pandémie<br />

compte viennent des couches inférieures de la société, où<br />

les ordinateurs, les imprimantes et les abonnements à<br />

l’internet haut débit ne vont pas de soi. C’est ce que les<br />

sociologues appellent la fracture numérique. Dans le<br />

passé, le système français d’éducation et de formation<br />

professionnelle se vantait de promouvoir l’égalité des<br />

chances. Le démantèlement néolibéral du service public<br />

en a fait une machine qui produit de la discrimination.<br />

Aujourd’hui, le coronavirus prive ces jeunes de la dernière<br />

opportunité de vivre de manière indépendante. Le ressentiment<br />

grandit. La psychiatrie d’urgence et les Renseignements<br />

généraux tirent la sonnette d’alarme.<br />

Ce qui est vrai pour la France se déroule dans la plupart<br />

des pays européens. La génération Covid est la première<br />

victime de la pandémie. Les millions de jeunes qui vont se<br />

lancer sur le marché du travail cet automne seront doublement<br />

pénalisés : leur droit à la formation a été coupé. Et<br />

même s’ils parviennent à obtenir leur qualification, ils auront<br />

du mal à lancer leur carrière. Une économie qui procède<br />

actuellement à des licenciements massifs n’embauchera<br />

pas de travailleurs sans expérience.<br />

Selon Eurostat, 3,21 millions de personnes de moins<br />

de 25 ans dans l’UE étaient déjà à la recherche d’un gagnepain<br />

en Europe avant le virus. En Italie : 31,4 %. En Espagne,<br />

un sur trois. Presque 40 % en Grèce. En France, au<br />

Portugal, en Belgique, en Suisse, en Finlande, environ

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