Extrait Mémento Sociétés Civiles 21 - Editions Francis Lefebvre
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© Éd. <strong>Francis</strong> <strong>Lefebvre</strong> DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ<br />
droit de vote est exercé par l’usufruitier (Cass.<br />
com. 4-1-1994 : RJDA 5/94 n o 526 ; Cass. 2 e civ.<br />
13-7-2005 n o 1252 : RJDA 11/05 n o 1224 ; Cass. com.<br />
2-12-2008 n o 08-13.185 : RJDA 3/09 n o 231).<br />
La Cour de cassation avait toutefois refusé de<br />
reconnaître ce droit à l’usufruitier, jugeant<br />
qu’une assemblée générale ayant pour objet<br />
des décisions collectives pour lesquelles le<br />
droit de vote est exercé par le nu-propriétaire<br />
ne peut pas être annulée au motif que l’usufruitier<br />
n’y a pas été convoqué (Cass. 3 e civ. 15-9-2016<br />
n o 15-15.172 FS-PB : RJDA 12/16 n o 869). Cette jurisprudence<br />
est désormais caduque, la loi ayant<br />
consacré le droit de l’usufruitier de participer à<br />
toutes les décisions collectives, même s’il n’y<br />
vote pas.<br />
DÉMEMBREMENT ET DROIT DE VOTE<br />
Répartition du droit de vote entre les titulaires de droits démemembrés<br />
Lorsque des parts de société civile font l’objet d’un démembrement de propriété, le droit de vote<br />
appartient à l’usufruitier pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices et au<br />
nu-propriétaire pour toutes les autres décisions. Ce critère légal de répartition fondé sur l’objet de<br />
la décision est commun à toutes les sociétés dont le capital est divisé en parts sociales (C. civ.<br />
art. 1844, al. 3).<br />
Les règles légales de répartition du droit de vote entre nu-propriétaire et usufruitier exposées<br />
n o 62081 ne sont pas impératives. En effet, les statuts peuvent organiser une répartition différente<br />
(C. civ. art. 1844, al. 4). Le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent, par convention, s’accorder pour<br />
que le droit de vote soit exercé par l’usufruitier (C. civ. art. 1844, al. 3), sans que les statuts puissent<br />
interdire ou limiter cette convention.<br />
Le nu-propriétaire pourrait ainsi être totalement privé de son droit de vote, sous les limites suivantes<br />
:<br />
– même s’il ne doit pas prendre part au vote, le nu-propriétaire doit être convoqué aux assemblées<br />
et il doit lui être fourni les mêmes documents d’information qu’au titulaire du droit de vote<br />
(n o 62080);<br />
– les engagements du nu-propriétaire ne peuvent pas être augmentés sans son accord (C. civ.<br />
art. 1836, al. 2). Ainsi, la société civile ne pourrait pas être transformée en société en nom collectif<br />
sans l’accord du nu-propriétaire ;<br />
– les décisions collectives nécessitant l’unanimité des associés devraient à notre avis être soumises<br />
à l’accord du nu-propriétaire puisque celui-ci a la qualité d’associé.<br />
L’usufruitier ne peut pas, pour sa part, être privé du droit de voter les décisions concernant l’affectation<br />
des bénéfices. La clause des statuts qui conférerait au nu-propriétaire le droit de vote pour<br />
toutes les décisions collectives et priverait ainsi l’usufruitier du droit de voter l’affectation des<br />
bénéfices serait nulle car contraire à l’article 578 du Code civil, qui attache à l’usufruit le droit<br />
d’user du bien et d’en percevoir les fruits (Cass. com. 31-3-2004 n o 03-16.694 : RJDA 6/04 n o 711). Par<br />
ailleurs, même lorsqu’il est privé du droit de vote par les statuts, l’usufruitier conserve le droit de<br />
participer aux décisions collectives (n o 62080).<br />
Exercice du droit de vote par les titulaires de droits démemembrés<br />
Le<br />
titulaire du droit de vote, selon le cas usufruitier ou nu-propriétaire, doit en tout état de cause<br />
exercer son droit dans le respect des droits fondamentaux de l’autre titulaire de droits démembrés.<br />
Le nu-propriétaire « ne peut, par son fait, ni de quelque manière que ce soit, nuire aux droits de<br />
l’usufruitier » (C. civ. art. 599). La Cour de cassation a jugé que le nu-propriétaire n’avait pas un<br />
comportement abusif lorsqu’il s’opposait à la prorogation d’une société qui devait prendre fin par<br />
arrivée du terme initialement prévu (Cass. 1 e civ. 8-3-1988 n o 86-11.144 : Bull. civ. I n o 67). La solution<br />
aurait peut-être été différente si, au lieu d’avoir une attitude passive (ne pas proroger), le<br />
nu-propriétaire avait eu une démarche active (dissoudre la société de manière anticipée) car, dans<br />
cette situation, la jouissance de l’usufruitier aurait été modifiée par rapport au contrat initial.<br />
Réciproquement, l’abus de jouissance de son droit par l’usufruitier permettrait au nu-propriétaire<br />
d’en demander la déchéance sur le fondement de l’article 618 du Code civil. Jugé que n’a pas un<br />
comportement abusif l’usufruitier qui, conformément aux droits que lui reconnaissent les statuts,<br />
vote la fusion de la société, dès lors qu’il n’est pas établi que la décision a été prise dans un intérêt<br />
contraire à celui de la société, dans le seul dessein de favoriser les intérêts personnels de l’usufruitier<br />
au détriment de ceux des autres associés ; peu importe à cet égard que l’usufruitier n’ait pas<br />
tenu compte de l’opposition exprimée par le nu-propriétaire et que la délibération adoptée ait fait<br />
perdre au nu-propriétaire une prérogative essentielle sur la société (Cass. com. 2-12-2008<br />
n o 08-13.185 : RJDA 3/09 n o 231). Dans la lignée de cette jurisprudence, jugé que l’usufruitier de la<br />
quasi-totalité des actions d’une SA à qui les statuts réservaient le droit de voter toute décision<br />
collective et qui avait approuvé en assemblée la transformation de la société en société en commandite<br />
par actions n’avait pas abusé de son droit, l’usufruitier n’ayant été animé que par la<br />
volonté de préserver et voir prospérer la société (CA Douai 13-2-2013 n o 11/05224 : RJDA 11/13 n o 905).<br />
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