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« On a tous une équipe de pompiers<br />
dans le corps mais si elle ne s’entraîne<br />
pas, c’est comme si elle mangeait<br />
des chips devant Netflix. Si on<br />
la coache, tout devient possible ! »<br />
Rien ne le prédisposait à quotidiennement s’immerger<br />
jusqu’aux épaules dans un congélateur 500 litres<br />
dès le saut du lit : c’est pourtant ce qu’a fait Romain<br />
Vandendorpe durant deux ans afin de se préparer<br />
à son record d’immersion dans la glace. Kinésithérapeute,<br />
ostéopathe et hypno- thérapeute dans le civil, scientifique<br />
(il collabore avec le laboratoire de physiologie environnementale<br />
de Bruxelles), le Belge de 34 ans se définit comme<br />
un aventurier qui aime repousser et dépasser ses limites.<br />
Mais avant les glaçons, il y eut le ballon. « J’ai joué au basket<br />
pendant quinze ans. Le sport a toujours fait partie de mon<br />
existence, non dans une optique de compétition, mais<br />
pour avoir une bonne hygiène de vie, garder la forme. »<br />
Son premier grand défi sportif ne remonte qu’à 2016 :<br />
Romain termine l’Ironman d’Embrun, redoutable triathlon<br />
longue distance. Titillé par quelqu’un qui lui dit : « Romain,<br />
ce sera plus facile pour toi d’être champion de France<br />
d’haltérophilie que de finir l’Ironman. » En effet, l’homme<br />
n’a pas vraiment le morphotype adapté à ce genre<br />
d’épreuves. Mais il répond : « Ce n’est qu’une question<br />
d’entraînement mental, si on est bien programmé et qu’on<br />
a la bonne méthode, on est capable de tout faire.» Là aussi,<br />
sa casquette de scientifique/aventurier déloge celle du<br />
sportif : Romain cherche avant tout à comprendre ce qui<br />
se passe dans son corps et son cerveau. « Et une fois que<br />
j’ai compris, je veux pouvoir repousser mes limites et<br />
m’emmener un peu plus loin, vers mes passions que sont<br />
la mécanique du corps humain et les neurosciences. »<br />
« Un processus de changement ne doit<br />
pas être radical. Avant d’entraîner son<br />
corps, il faut entraîner sa tête à créer<br />
de nouvelles micro-habitudes. »<br />
the red bulletin : Romain, quand a débuté<br />
votre histoire avec la glace et pourquoi ?<br />
romain vandendorpe : En 2018. J’aime dire qu’il<br />
faut rêver grand, et on sait qu’on rêve grand parce<br />
que cela nous fait un peu peur. Le choix de la glace :<br />
parce qu’elle a pour conséquence d’abaisser le<br />
rythme cardiaque, la fréquence respiratoire, et de<br />
diminuer le tonus musculaire. Cela met toutes les<br />
fonctions vitales au ralenti. Or, je suis quelqu’un<br />
d’assez sanguin et impulsif à la base. J’avais envie<br />
de travailler sur ça. Sur ma colère. Cette grande<br />
colère autour de la prise en charge des patients et<br />
notamment l’histoire de la petite Augustine*. Cette<br />
injustice a été le déclic. Il fallait un acte fort. Autour<br />
de ce défi, il y a eu un déclencheur émotionnel,<br />
doublé d’une quête personnelle et scientifique.<br />
*Au printemps 2018, Romain est sollicité pour se<br />
rendre au chevet d’Augustine, une petite fille de 4 ans<br />
atteinte d’une tumeur agressive du tronc cérébral. Cette<br />
rencontre l’affecte d’autant plus que la fillette décède<br />
48 heures après son passage. Sa performance a été réalisée<br />
au bénéfice de l’association Wonder Augustine.<br />
Racontez-nous vos premières immersions...<br />
J’ai commencé avec l’état d’esprit d’un sportif qui<br />
ferait de la récupération après le sport. Et puis, au fil<br />
de mes immersions dans une eau à 0,1° C, je me suis<br />
aperçu qu’on pouvait aller beaucoup plus loin. Je me<br />
suis rendu au laboratoire de physiologie environnementale<br />
de Bruxelles, et on s’est demandés notamment<br />
pourquoi les populations Inuits avaient certains<br />
réflexes vaso-constricteurs et vaso-dilatateurs<br />
que les Européens n’ont pas. On a pu voir que c’était<br />
dans leur ADN, qu’ils avaient cette réaction de<br />
chasse de Lewis qui nous fait défaut.<br />
Chasse de Lewis… vous pouvez expliquer ?<br />
Si vous mettez votre main dans l’eau froide, elle va<br />
devenir blanche, puis nécroser et devenir noire.<br />
Comme le corps croit qu’il va mourir, il va sauvegarder<br />
la température centrale au détriment de la<br />
température périphérique. Alors qu’un Inuit va vasoconstricter<br />
dans un premier temps, mais comme son<br />
cerveau a l’habitude du froid, il va vaso-dilater à nouveau.<br />
Sa main devenue blanche va passer au rouge,<br />
puis blanc, puis rouge, etc. Pas de nécrose. C’est lié à<br />
un facteur génétique. La question que l’on s’est posée,<br />
c’est en combien de temps un Européen lambda est-il<br />
capable d’obtenir cette réaction de chasse de Lewis,<br />
c’est-à-dire, transformer son génome ?<br />
52 THE RED BULLETIN