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PERSPECTIVES<br />
voyage<br />
Joisher sur l’Everest, en mai 2019. Ci-dessous : l’Ama Dablam, au Népal.<br />
ne communique plus la faim au cerveau.<br />
J’ai vu des alpinistes non végans éprouver<br />
les plus grandes difficultés à se nourrir.<br />
J’avale pour ma part, beaucoup de<br />
glucides et de graisses, qui contrairement<br />
à la viande ne créent pas la sensation<br />
de satiété.<br />
À 8 500 mètres, je m’autorise des<br />
aliments réconfortants, car l’important<br />
à ce stade est d’accumuler les calories.<br />
Mon sac est rempli de Clif Bars, d’Oreos<br />
et de repas lyophilisés, et mes poches de<br />
dattes dénoyautées sans quoi elles durcissent.<br />
L’escalade du ressaut Hillary<br />
Une éthique<br />
pour moteur<br />
Un guide végan de l’alpinisme<br />
façon Joisher<br />
Nourriture Les gens pensent que<br />
les plats sans viande au camp de base<br />
sont végans, mais au Népal, même<br />
les flocons d’avoine contiennent du<br />
lait. J’explique le végétalisme aux<br />
chefs.<br />
Équipement Le choix de vos vêtements<br />
dépend de vous, alors autant<br />
trouver des alternatives véganes. Et<br />
à défaut d’en trouver, vous en cultivez<br />
au moins l’esprit.<br />
Transport Le transport de matériel<br />
est souvent assuré par les yacks.<br />
Limitez autant que possible l’usage<br />
des animaux. Je mets le plus possible,<br />
hélico et porteurs à contribution.<br />
Au-delà du véganisme Réservez<br />
auprès d’une équipe reconnue pour<br />
son sérieux. Le personnel, des Sherpas<br />
aux cuisiniers, doit bénéficier<br />
d’un salaire décent et d’une bonne<br />
couverture d’assurance, car il risque<br />
sa vie pour les alpinistes.<br />
Gestion des déchets Le tri des déchets<br />
est désormais entré dans les<br />
habitudes, mais beaucoup ne le font<br />
toujours pas. Tout doit être rapporté<br />
au camp de base pour être recyclé.<br />
(12 mètres) comporte trois saillies de<br />
neige à franchir avant d’arriver au sommet<br />
d’où mon guide Sherpa, Mingma<br />
Tenzi, me fait signe. Je suis bouleversé<br />
et ne peux retenir mes larmes. Il me reste<br />
une minute de crédit à mon téléphone<br />
satellite, juste assez pour appeler la maison.<br />
Puis, pendant vingt minutes inoubliables,<br />
je m’imprègne assis de la vue.<br />
Un sentiment que j’avais jusque-là uniquement<br />
éprouvé lors de la naissance de<br />
ma fille. L’alpiniste que je suis vient d’accomplir<br />
quelque chose de grand, et de<br />
rendre justice au végétalisme. De retour<br />
à Mumbai, je suis accueilli en héros. Je<br />
suis le premier de ses vingt millions d’habitants<br />
à avoir conquis l’Everest. Pourtant<br />
le végan en moi ne peut se réjouir totalement.<br />
En cause, l’équipement utilisé. J’ai<br />
bien essayé avant l’expédition de trouver<br />
une combinaison performante sans duvet<br />
ni matière animale, en vain.<br />
Je décide d’y retourner en trouvant<br />
cette fois une entreprise prête à me fournir<br />
une combi végane, dans un secteur<br />
encore confidentiel. Surprise, un simple<br />
post Facebook suscite l’intérêt de Save<br />
the Duck, marque italienne de vêtements<br />
durables 100 % végans. En avril 2018,<br />
Mingam et moi recevons de la société<br />
une combi végane haute performance,<br />
résistant à une température de − 50 °C<br />
et à des vents de 100 km/h, une première.<br />
Nous les testons sur le Lhotse,<br />
la quatrième plus haute montagne au<br />
monde, moins que l’Everest qui ne<br />
compte que 300 mètres de plus. Nous<br />
parvenons au sommet le 15 mai 2018.<br />
Nos combinaisons nous ont même tenus<br />
trop chaud notamment lorsque la neige<br />
réfléchit le soleil. Save the Duck y effectue<br />
les modifications que j’ai suggérées :<br />
fermetures éclair sur la partie supérieure,<br />
et des poches intérieures pour les<br />
appareils vitaux qui résistent mieux au<br />
froid avec la chaleur corporelle.<br />
Cette fois, j’aborde l’Everest par la<br />
face nord-tibétaine, une voie considérée<br />
comme plus technique dû aux conditions<br />
plus difficiles. Je retrouve le sommet<br />
le 23 mai 2019, à 5 h 30 du matin, droit<br />
dans ma combi végane jaune vif Save<br />
The Duck, doigts et orteils intacts, et<br />
sans le moindre coup de soleil. Désormais,<br />
je peux fièrement clamer être le<br />
premier végan attesté à poser les pieds<br />
sur l’Everest. Banaliser l’alpinisme végan<br />
est ce qui me tient le plus à cœur. C’est<br />
là ce que je souhaite léguer, le reste<br />
importe peu. Sir Edmund Hillary avait<br />
raison : « Ce n’est pas la montagne que<br />
nous conquérons, mais soi-même. »<br />
kuntaljoisher.com<br />
MINGMA TENZI SHERPA, KUNTAL JOISHER<br />
84 THE RED BULLETIN