Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
l’un des éléments qui me renvoyait à mon altérité,<br />
et on m’a longtemps signifié qu’il fallait que je<br />
ressemble à une norme très contraignante, allant<br />
totalement à l’encontre de ma nature. » Pour celle<br />
qui est maintenant à la tête de deux enseignes, le<br />
métier de coiffeur·euse·x souffre avant tout d’un<br />
manque de valorisation, avec un salaire de base<br />
qui n’atteint pas 4000 CHF par mois.<br />
Sur l’arc lémanique, les salons mixtes<br />
proposant des tarifs non-genrés se<br />
comptent sur les doigts d’une main. Pour<br />
Olga Baranova, directrice de campagne<br />
pour le Mariage pour touxtes, c’est toutefois<br />
la taxe rose de manière plus générale<br />
qu’il convient de dénoncer : « Les gens<br />
réagissent souvent de manière épidermique,<br />
lorsque l’on évoque cet enjeu. Ils<br />
se sentent attaqués dans leur masculinité<br />
ou leur féminité, alors que nous serions<br />
tous·tes·x gagnant·e·x·s, si cela était remis<br />
en question. »<br />
ZHENYA G., FEMME TRANS*, COIFFEUSE CHEZ<br />
TRIBUS URBAINES<br />
La coiffure, que l’on associe volontiers au domaine<br />
de la mode et au milieu artistique, n’est pas un<br />
domaine aussi inclusif qu’il n’y paraît. Ce n’est<br />
en tous cas pas l’expérience que Zhenya en a fait.<br />
« Avant d’arriver chez Tribus Urbaines,<br />
j’étais employée dans un salon pour<br />
hommes, et la patronne ne souhaitait<br />
avoir que des employés hommes. Je ne<br />
pouvais donc pas être moi-même, se<br />
souvient la trentenaire. C’était très pénible,<br />
mais il fallait que je travaille. J’ai<br />
finalement révélé ma transidentité à<br />
des collègues, qui n’ont pas été surpris.<br />
Malheureusement, quand c’est arrivé<br />
aux oreilles de la patronne, elle m’a licenciée…<br />
» Souhaitant aller de l’avant, Zhenya<br />
ne conteste pas le licenciement.<br />
Lorsqu’elle postule dans le salon de Sylvie Makela,<br />
la jeune femme ne cache pas sa transidentité. Son<br />
pressentiment d’être enfin arrivée au bon endroit<br />
ne la trompe pas, et le salon de la rue de La<br />
Madeleine lui ouvre grand ses portes.<br />
« Que Tribus Urbaines me donne une place<br />
au sein de sa famille, c’était énorme, pour<br />
moi. J’ai pu reprendre confiance après<br />
m’être si longtemps sentie exclue. » Être<br />
confrontée à des femmes très différentes<br />
les unes des autres, qui la perçoivent<br />
comme n’importe quelle femme, et se<br />
sentir à l’aise, l’Algérienne d’origine l’apprécie<br />
chaque matin en arrivant au travail<br />
: « Dans ce lieu vraiment inclusif, et<br />
totalement safe, je ne suis pas mégenrée<br />
et j’ai même eu des client·e·x·s trans*, qui<br />
étaient ravi·e·x·s de me rencontrer. »<br />
Tribus Urbaines a également ouvert un salon a<br />
Genève, où réside Zhenya. Elle préfère toutefois<br />
éviter de travailler dans ce quartier animé, où elle<br />
s’est souvent faite agressée. « En plus, je ne souhaite<br />
pas être en vitrine. Ici à Lausanne, le salon<br />
est à l’étage, et je m’y sens bien. » Les agressions,<br />
la lumineuse Zhenya continue cependant d’en subir,<br />
dans les gares et les trains. « C’est dur, d’être<br />
constamment associée à des activités qualifiées<br />
de douteuses, insultée… En plus, être travailleuse<br />
du sexe, je ne pense pas que ce soit forcément<br />
douteux, c’est certainement plus éthique que de<br />
travailler dans une multinationale, mais ce n’est<br />
pas moi ! »<br />
* nom connu de la rédaction<br />
22 SOCIÉTÉ INCLUSION