VOYAGE DANS L’INDUSTRIE DU FANTASME Entrepreneure dans l’industrie du fantasme, nous avons rencontré Flore Cherry qui nous dévoile les coulisses de son business parisien pas tout à fait comme les autres. Propos recueillis par Robin Corminboeuf Aider à réaliser les fantasmes de ses client·e·x·s par des Sweeties (ndlr : acteur·trice·x·s qui performent les fantasmes commandés), voilà ce que propose la société de Flore Cherry, My Sweet Fantasy. La maison parisienne offre des scénarios à la carte, ou exécute les demandes spécifiques des client·e·x·s. Interview avec la fondatrice de ce business hors-normes. 26 SOCIÉTÉ SEXUALITÉ
Flore, comment est née l'idée de My Sweet Fantasy ? C’est parti du constat qu'en France, lorsqu’on veut pimenter sa sexualité, on n'a pas énormément d'alternatives en dehors de l’acquisition de sex toys. Si on veut vivre une expérience un peu originale, il n’y a souvent qu’une solution : le club libertin, et cette option sous-entend de laisser son ou sa partenaire faire l’amour avec quelqu’un d’autre que soi. Il n'y avait pas de services simples proposés. Nous nous sommes associé·e·s avec Arthur Vernon, qui est metteur en scène et connaît très bien les ressorts scénaristiques. Il avait les contacts de comédiennes et comédiens qui étaient prêt·e·s à se lancer dans l’aventure avec nous. On a monté My Sweet Fantasy pour organiser des surprises coquines, redonner du peps dans la libido du couple, sans forcément faire l'amour avec quelqu'un d'autre que son partenaire. Sur votre site internet, une liste de scénarios-types est proposée, avec notamment des lectures érotiques, un kidnapping, un show de lingerie. Comment s’est constituée cette liste ? Celui qui fonctionne le mieux : le kidnapping. C'est vraiment un fantasme qu'ont beaucoup de personnes et qui peut créer rapidement des sensations fortes. Il fonctionne d’autant plus en couple, parce qu’on va venir attiser du stress, de l’excitation et c’est parfait pour construire de l’érotisme. Typiquement, ça permet de répondre à une problématique que connaissent beaucoup de couples : l’un·e·x des partenaire·e·x·s désexualise l’autre, qui se sent moins désiré·e·x. Nous, notre enjeux, c’est de resexualiser le ou la partenaire, en le ou la plaçant au centre de l’attention de la personne qui l’a kidnappé·e·x. Et ça fonctionne bien car ça permet de voir son ou sa partenaire de façon totalement différente. De plus, tout ce stress déclenche du rire, et plus les partenaires rient, plus ielles se font engueuler par leur ravisseur·euse·x, ce qui va créer une dynamique de solidarité, de complicité au sein du couple : ielles essaient de se liguer contre la personne qui les kidnappe. Ceci dit, on a plein d'autres petits scénarios. Par exemple, il y a l'examinateur·trice : un·e Sweety·ie vient à la maison avec une grille de notation, s’assied et vous apprend à faire l’amour. Les couples qui aiment l'exhibitionisme apprécient énormément. Comment se déroulent les demandes de scénarios sur mesure ? Très souvent, cela nécessite des réunions de concertation, parfois un peu de formation pour les Sweeties, parfois de l'écriture de textes. Donc forcément ça coûte plus cher. La crucifixion que nous avons organisée pour un client était l’un de nos exemples les plus impressionnants. On en a réalisé d'autres très beaux, comme par exemple l’organisation d’une arrestation, dans des décors de cinéma, à Paris, avec uniformes de gendarmerie, cellule de prison, parloir, prélèvement d’ADN, etc. L’organisation a été très complexe, avec trois Sweeties différent·e·x·s. On a profité d’être entouré·e·s par de vrais journalistes de BFM TV qui nous suivaient pour un reportage, et on les a intégré·e·x·s au fantasme, ce qui a impliqué une confrontation entre le faux prévenu et de vrais journaliste·x·s. En tout, celui-ci a duré cinq ou six heures. Vous ne faites pas les choses à moitié ! Un autre projet qui t’a marqué ? Une femme qui voulait être une actrice de films érotiques. On a engagé un acteur, ainsi qu’un vrai réalisateur qui est venu avec un scénario original. Ils n'ont pas fait l'amour (ndlr : la legislation français prohibe l’achat d’actes sexuels pour soi-même, mais pas celui de spectables érotiques). Notre cliente s’est faite dirigée comme si elle était vraiment actrice dans un film érotique. Pour un couple, on leur a fait croire qu'ils étaient beaucoup trop en avance pour une séance de théâtre. Assis au premier rang, ils ont assisté à une dispute terrible (mais programmée) entre nos Sweeties qui jouaient les comédien·ne·s, et ont fini par faire l'amour sur scène, devant nos client·e·s. Comment se passe la collaboration avec les Sweeties ? Avec le temps, on apprend à connaître le rapport au corps de chacun·e·x, on connaît leurs forces et leurs faiblesses. Souvent, nos client·e·x·s nous demandent un beau ou une belle Sweety·ie, mais ce n’est pas ça le plus important. Ce qui compte c’est que, sur scène ou à domicile, la personne dégage un truc, qu’elle sache mettre en confiance. L’enjeu, ce n’est pas simplement d’arriver à se rendre désirable, mais c’est de réussir à créer un climat érotique. Et cela demande des compétences sociales complexes. Par ailleurs, certain·e·x·s sont très doué·e·x·s pour donner des ordres, jouer l'autorité, d’autres savent jouer les SEXUALITÉ SOCIÉTÉ 27