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L’INCROYABLE DESTIN<br />
DU D R FAVEZ<br />
Son histoire, singulière mais pas unique, préfigurant de luttes<br />
LGBTIQ+ contemporaines mérite bien une exposition à son nom :<br />
Enrique Favez.<br />
Par Alexandre Lanz<br />
Pour le moins romanesque, Enrique Favez, né sous<br />
le nom d’Henriette à Lausanne en 1791, a connu<br />
1000 et une vies. Une existence hors normes que le<br />
Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (MCAH)<br />
de Lausanne dévoile dans une exposition conçue<br />
en partenariat avec l’ambassade suisse à Cuba et<br />
des historien·ne·x·s cubain·e·x·s. Enrique Favez<br />
est assigné au genre féminin à la naissance, il est<br />
alors appelé Henriette. Favez épouse très jeune<br />
un homme qui devient le père de son enfant, les<br />
perdant tous deux dans le contexte des guerres<br />
napoléoniennes. À 18 ans, sans famille, Favez affirme<br />
une identité de genre masculine, devient<br />
Henri et fait des études de médecine à Paris. En<br />
1819, il rejoint Cuba où il officie en tant que chirurgien.<br />
Reconnu dans son travail, il est pleinement<br />
accepté socialement dans son identité masculine.<br />
« C’est pour cette raison que nous avons choisi de<br />
l’appeler Enrique et de lui donner un pronom masculin<br />
dans l’exposition, pour respecter l’identité et<br />
le prénom qu’il a choisi pour vivre. C’est également<br />
celui avec lequel il a été connu pendant la majorité<br />
de sa vie », explique la conservatrice en chef du<br />
Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, Sabine<br />
Utz. Sur l’île colonisée par l’Espagne, il soigne la<br />
bonne société, mais aussi les plus démuni·e·x·s,<br />
y compris les personnes noires maintenues en<br />
esclavage. « Il va vraiment avoir ce côté précurseur<br />
de s’intéresser à pratiquer la médecine pour<br />
toutes et tous, sans limite de classe », poursuit la<br />
conservatrice.<br />
la médecine, et explique son parcours en<br />
soulignant qu’il a une âme d’homme enfermé<br />
dans un corps de femme. »<br />
Il réussit à convertir sa peine de prison en exil perpétuel<br />
et va ainsi être exilé à La Nouvelle-Orléans,<br />
en Louisiane. Pour faire table rase de son passé<br />
cubain et gagner une nouvelle respectabilité, il<br />
est incité à intégrer les ordres religieux et devient<br />
sœur Magdalena. « J’avoue, ce choix de nom me<br />
plaît particulièrement, se réjouit Sabine Utz. Tous<br />
les aspects de Marie-Madeleine, tant la mauvaise<br />
réputation que lui attribue l’Église catholique que<br />
la figure de soignante de Jésus Christ, semblent<br />
un choix évident pour Favez. Il devient mère supérieure<br />
avant de s’éteindre en 1856. »<br />
« Redécouverte à Cuba au tournant de 1900,<br />
il faudra attendre la seconde moitié du 20e<br />
siècle pour une relecture de sa vie comme<br />
une figure queer, butch et trans* », conclut<br />
Sabine Utz. L’exposition présente cette trajectoire<br />
complexe et transgressive.<br />
ENTRE LES GENRES<br />
ET LES MONDES<br />
1791—1856<br />
Lausanne – Baracoa – Nouvelle-Orléans<br />
CONDAMNÉ À CUBA POUR UNE S’ÊTRE<br />
« HABILLÉ EN HOMME »<br />
Converti au catholicisme en 1819, il<br />
épouse civilement et religieusement une<br />
Cubaine, Juana de León, dont il est tombé<br />
éperdument amoureux. Un scandale en<br />
perspective pour l’institution catholique.<br />
S’ensuit un procès intenté en 1823 à Favez<br />
pour s’être « habillé en homme ». « Ce procès<br />
est la principale source sur la vie de<br />
Favez. Mais il s’agit d’un contexte loin<br />
d’être neutre, dans lequel il cherche littéralement<br />
à sauver sa peau, éclaire Sabine<br />
Utz. Il s’y défend en affirmant qu’il n’a<br />
cherché qu’à faire le bien en pratiquant<br />
Exposition - entrée gratuite<br />
Hall d’entrée à gauche<br />
31.03-01.05.<strong>2022</strong><br />
CULTURE CLUB<br />
AGENDA<br />
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