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La Bible Aujourd'hui ! [printemps 2022]

La Bible Aujourd'hui ! est le magazine d'information de la Société biblique francophone de Belgique. Au sommaire de cette édition : Edito / Prier, agir / Choisir la vie / Exégèse domestique d'un geste magnifique / L'évangile renversant / Voir, puis lire / Tolkien, d'emprunt et d'empreintes / Ukraine, Mission Mondiale

La Bible Aujourd'hui ! est le magazine d'information de la Société biblique francophone de Belgique. Au sommaire de cette édition : Edito / Prier, agir / Choisir la vie / Exégèse domestique d'un geste magnifique / L'évangile renversant / Voir, puis lire / Tolkien, d'emprunt et d'empreintes / Ukraine, Mission Mondiale

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#BibleBelgique

2022/1

ÉDITO C • PRIER, AGIR D

CHOISIR LA VIE E • EXÉGÈSE DOMESTIQUE D'UN GESTE MAGNIFIQUE G

L'ÉVANGILE RENVERSANT K • VOIR PUIS LIRE L

D'EMPRUNT ET D'EMPREINTES M


Société biblique

francophone de Belgique

Galerie Bernard

Boulevard Joseph Tirou 139

6000 Charleroi

___________________________

Périodique trimestriel

N° d’agréation 101014

Printemps 2022

Bureau de dépôt Charleroi X

La Bible aujourd’hui est le journal

d’information de la Société biblique

francophone de Belgique (SBFB). Il est

envoyé à tous ceux qui le demandent

et qui désirent soutenir l’oeuvre

biblique. L’a.s.b.l. a pour objet la

diffusion de la Bible au sens le plus

large dans les communautés française

et germanophone de Belgique, ainsi

qu’au Grand-Duché du Luxembourg.

Éditeur responsable

Vincent Beckers

Galerie Bernard

Boulevard Joseph Tirou 139

6000 Charleroi

direction@la-bible.be

Rédaction

Vincent Beckers|direction@la-bible.be

Mise en page www.bigbangcom.be

Photographies Vincent Beckers / ABU

Impression Onlineprinters

Routage & expédition

Ateliers Cambier

Vos dons sont reçus aux comptes

bpost banque

BE15 0000 5561 3130

BNP Fortis

BE30 0013 5223 9311

Tél. 02 367 22 00

www.la-bible.be

www.editionsbiblio.be

Chaque fois qu’on pose vraiment les yeux sur une séquence biblique, on voit

que la réalité que Dieu donne à vivre, en échappant complètement à notre

contrôle ou notre raison raisonnée, cette réalité si belle et si dense vient percuter

notre perception du vivant au travers de l’expérience domestique, où la révélation

d’une évidente profondeur de la foi s’épanouit dans des choses simplissimes,

le repos, le sommeil, un verre d’eau, des poissons grillés sur une plage,

un mariage, une discussion de bord de fenêtre à la nuit tombée, une conversation

dans une ruelle, un verre de vin, un enfant qui écoute assis dans l’herbe, un

vêtement de lin, une chaise, un bol, un sac de blé, un pain fraichement coupé,

une bougie, un mot dit, juste pour dire à quel point notre réalité est le territoire

constant de la révélation, notre vie domestique s’illumine de cette contradiction

magnifique : si on ne peut comprendre la réalité de Dieu de manière terrestre

on peut sensément l’apprivoiser par le biais de l’intuition de notre foi, c’està-dire

ce qui nous rend sentinelles et vigilants sur l’infime de

chaque jour, ce qu’on sent, ce qu’on voit, ce qu’on touche, ce

que j’aime appeler l’enchantement simple d’un émerveillement

ordinaire.

‘Bénissons Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Dans sa

grande bonté, il nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant

Jésus Christ d’entre les morts. C’est pour que nous ayons

une espérance vivante.’ [1 Pierre 1.3, NFC]

Espérance vivante ? S’il ne s’agit pas d’un microbe couronné qui dévaste notre

expérience relationnelle de la vie partagée, ce sont des gros chars vert foncé qui

défoncent un théâtre ou une maternité, et si ce ne sont pas les chars ce sont

des Gilles en sabot, en paille et en tambours qui se font dès l’aube vulgairement

décimer. Assez !, voudrait-on dire. Quelle est cette saison que nous vivons

qui ne cesse de laminer la sérénité de notre espérance vivante, et nous laisse

ainsi face et front contre la terre dure de notre humanité, tristes ou en colère,

désillusionnés ? On est sonnés, en vrai. Mais si on ralentit sur la puissance

de l’intention de Dieu pour notre vie, on constate quoi ? Chaque

fois que s’y pose ce qui nous déroute, nous dérange, nous réveille,

nous révulse ou nous blesse, on a l’opportunité géante de nourrir

notre aptitude à être au monde, en dévisageant pleinement la

réalité du vivant, en activant ces deux clés fondamentales qui articulent

notre choix de foi : le mouvement et la joie, à l’exact opposé

de l’inertie et de la plainte. Le retour à la vie, c’est le mouvement et

la joie, pôles splendides et domestiques de l’espérance vivante.

Vincent Beckers,

directeur de projet.


PRIER, AGIR.

En moins de dix jours, notre stock de bibles en langue

ukrainienne s’est vidé complètement, et le flux logistique

international d’approvisionnement de bibles

s’est figé. Depuis le début du conflit en Ukraine, nous

questionnons les enjeux auxquels fait face le ministère

de la Société biblique ukrainienne et l’état dans

lequel se trouvent ses équipes, ce qui est fait pour leur

apporter un soutien et comment nous pouvons ensemble,

de l’extérieur, leur venir en aide. Oleksandr B.,

le secrétaire-général m’a dit à quel point son équipe et

lui sont reconnaissants pour la bienveillance, l’intérêt

et les prières des Sociétés bibliques du monde entier.

C’est dans de tels moments, écrivait-il deux semaines

après le début du conflit que nous faisons l’expérience

avec une force particulière de ce que signifie appartenir

à une Alliance et à une famille, unie, généreuse,

encourageante, à portée internationale. Signalons,

et c’est une grâce de notre Seigneur, que la Société biblique

ukrainienne reste entièrement opérationnelle

et active malgré les terribles épreuves auxquelles a à

faire face la population autour d’elle.

Jusqu’ici et sans savoir jusque quand, notre rôle en

tant que membres de l’Alliance biblique universelle

est de nous tenir à ses côtés pour lui permettre de

continuer à servir ses publics au moment où il est

plus que jamais nécessaire d’entendre la Parole de

Dieu. Oleksandr et son équipe s’efforcent d’organiser

les choses afin d’œuvrer au service des Ukrainiens

tant dans leur pays que dans les pays où beaucoup

cherchent refuge. Ainsi, un fonds de l’Alliance a été

créé pour subventionner les besoins locaux. Notre

stock de bibles diminue rapidement, nous a indiqué

Rostik, responsable de la communication à la Société

biblique. Nous avons beaucoup plus de demandes de

bibles que nous ne sommes capables d’en fournir. Les

besoins sont énormes. Le personnel et les bénévoles

de la Société biblique ukrainienne travaillent quasiment

24 h sur 24 pour fournir des produits bibliques et

de l’aide humanitaire aux habitants qui se terrent dans

les abris antiaériens et à ceux qui sont hospitalisés,

ainsi qu’à ceux qui fuient pour se mettre en sécurité.

Certains appellent l’équipe basée à Kiev les anges de

Kiev. Présentons à Dieu nos frères et sœurs ukrainiens

et demandons-lui d’être proche d’eux et de les protéger

tandis qu’ils diffusent sa Parole pleine d’espérance

auprès d’une population qui souffre, qui est traumatisée,

intensément, durablement.

Nos comptes pour vos dons

#MissionMondiale

BPOST BANQUE BNP FORTIS

BE15 0000 5561 3130 BE30 0013 5223 9311


CHOISIR LA VIE.

La croix est apparue aux contemporains de Jésus de

Nazareth comme une ruine absolue. Aucun homme,

ni juif ni grec n’aurait imaginé lui conférer un sens religieux.

De nos jours, nous avons fait de la croix un bijou

alors que, jusqu’à la fin du quatrième siècle elle ne se

représentait pas car elle évoquait

un instrument de torture.

Qui aurait l’idée de porter une

guillotine en pendentif ? Au moment

où Jésus est déposé dans

le tombeau, personne n’aurait

parié dix centimes sur l’avenir de

la petite fraternité qu’il a initiée.

Et pourtant. De cette ruine absolue

est né le mouvement qui

a le plus influencé l’histoire de

l’humanité de ces deux derniers

millénaires.

À la mort de Jésus, un disciple a

trahi, le premier parmi eux a renié,

et les autres se cachent par

peur de la police religieuse. Ces

mêmes disciples, où les trouvons-nous

quelques semaines

plus tard ? À Jérusalem en train

d’annoncer l’Evangile à la foule

venue dans la ville sainte pour

le pèlerinage de Pentecôte (Actes 1.24-36). Devant le

sanhédrin, le tribunal religieux qui a condamné Jésus,

en train de confesser le nom de Jésus et d’annoncer

qu’ils préfèrent obéir à Dieu plutôt qu’aux injonctions

de ce tribunal (Actes 4.20), en route dans tout l’empire

romain pour annoncer la Bonne Nouvelle jusqu’aux

extrémités de la terre malgré l’opposition des pouvoirs

religieux et policiers. Lorsque la question leur est posée

: pourquoi faites-vous cela, ils répondent celui qui

était mort, nous l’avons revu vivant, celui qui vous avez

crucifié, Dieu l’a ressuscité. L’expérience de la résurrection

a été d’une puissance de vie qui les a relevés.

En relisant ces faits, l’historien

Henri Guillemin en arrive à la

conclusion suivante : le constat

de l’histoire ne peut pas être : le

Nazaréen ressuscita, car nul ne

sait au juste ce qui s’est passé.

Mais l’histoire se doit d’enregistrer

comme un fait établi, indéniable

que les disciples de Jésus

ont cru, comme on croit à une

vérité d’évidence, avoir revu vivant

celui qui venait d’expirer.

Choisir la vie, c’est un acte résurrectionnel.

Si nous posons un

regard lucide sur notre monde,

la mort et les menaces de mort

sont sérieuses. Prolifération

nucléaire, terrorisme, réchauffement

climatique, désordres

économiques, conflits qui s’éternisent.

Face à cette situation, le

message de la résurrection est une protestation qui

nous appelle à choisir la vie en toutes circonstances.

La résurrection est une proclamation de vie plantée

dans la désespérance du monde. Choisir la vie devient

un acte résurrectionnel, insurrectionnel contre

la fatalité des œuvres de mort.


Découvrir la Bible en 100 pages,

par Antoine Nouis

112 pages, 14/21 cm, 5 €

www.editionsbiblio.be


EXÉGÈSE

DOMESTIQUE

D’UN GESTE

MAGNIFIQUE.

« Ils se dirent l’un à l’autre : n’y avait-il pas comme un

feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait

en chemin et nous expliquait les Écritures ? Ils se

levèrent aussitôt. » (Luc 24.32-33, NFC)

Le peintre peint, porte son regard et donne à regarder.

Que voit-on si l’on voit ? Rien, juste une table, et pour

moi c’est l’instant pile du verset 33,

le moment entre la virgule qui suit

le début du verset, et la suite du

verset, l’instant même où l’attente

déçue s’est transformée en joie,

l’instant précis où cette joie intense

a induit un mouvement vital.

On voit ce qui à première vue ne

se voit pas dans le texte et c’est ça

tout l’intérêt, la porte est ouverte,

tout est sans dessus-dessous. On

voit juste : une table, une simple table. Elle barre le

tableau, le coupe en deux parts. C’est la ligne horizontale

de nos vies, la table où se répètent nos repas

quotidiens, point. La table banale, de nos conversations,

de nos soupers, de nos partages, cette chose

ordinaire et rare et magnifique. La table où l’on est en

profondément en relation avec le vivant, le regard, la

faim, la soif, les sens, la parole ou même le silence.

Mais étrangement cependant, la stabilité de cette

table dressée semble comme flotter.

« I

l ne s’agit pas simplement

de la beauté

naturelle du ciel étoilé,

c’est notre vie, c’est ce que

l’homme a lui-même produit

qui révèle le rayonnement de

la présence de Dieu. »

À droite, la partie de la nappe qui a été soulevée ne

nous révèle aucun pied, tel un plongeoir dressé pour

le saut. Tout dans cette scène nous indique le mouvement.

La chaise renversée en bas à gauche avec sa

serviette délaissée, le mouvement imprimé dans la

nappe avec cette autre serviette abandonnée dans la

hâte de l’urgence et la porte ouverte sur la nuit étoilée,

la couleur de la nappe porte elle-même la dynamique

de ce passage : à gauche, le jaune des repas de

fête, se change progressivement vers la droite en un

gris de linceul. Cette table, c’est la table de notre existence,

la table de la vie et de la mort, la permanence

du temps qui se répète, tout semble donc immobile,

banal et pourtant tout vibre d’un fort

mouvement.

Et puis il y a ces objets qui sont sur la

table : trois assiettes, trois coupes, une

cruche, une bouteille, une soupière et

des couverts. Comme dans ces tableaux

de nature morte, l’artiste présente tous

les éléments du repas, mais singulièrement,

il n’y a aucun signe de nourriture.

Pas de trace de reste de repas ou de pain

ou de dinde aux airelles ou de bûche aux

marrons, non, le peintre a choisi de ne

représenter que des objets. Et ces objets, comme la

table, portent eux aussi la trace du passage du Christ.

Ils sont arrosés de lumière, ils rayonnent de ce doré qui

illumine la gauche du tableau. Le bougeoir qui devrait

briller de ces trois flammes est éteint. La lumière vient

des objets eux-mêmes, de ces objets que l’homme a

fabriqués de ses propres mains.

Ce qui pouvait n’être qu’une nature morte, la nature

morte de l’absence de Dieu, de son silence nous présente

au contraire la création vivante. Il ne s’agit pas



simplement de la beauté de la nature du ciel étoilé,

c’est notre vie, c’est ce que l’homme a lui-même produit

qui révèle le rayonnement de la présence de

Dieu. Pour qui ose le choix de croire, l’incarnation du

Christ est venue bouleverser notre rapport au monde.

Cette toile dans son langage donne à voir un horizon

de sens et de liberté qui à nouveau part d’une réalité

domestique — il faut prendre le temps de regarder les

autres toiles d’Arcabas sur cette même séquence, c’est

beau de simplicité nue, deux gars à table, accoudés,

bavardant, verre de vin à la main, on les voit presque

tourner la fourchette dans leur assiette de spaghetti,

c’est hyper-sympa ça, ce souper inouï avec Jésus « en

personne » nous dit Luc, une vraie belle

réalité qui les repositionne sur le territoire

du vivant, on les regarde et on

sent ces deux pôles vibrants se réveiller

en eux, dans la simplicité, dans l’intuition,

dans la splendeur de la foi ravivée :

le mouvement et la joie.

Ce n’est pas moins que ça, et c’est ce

qu’on voit : les chaises sont renversées,

leur déception est restée là, chiffonnée,

grise et inutile à l’image de la nappe, qui forme sur

le coin inférieur droit de la toile un étrange contour

en forme de pièce de puzzle : oui il leur manquait un

truc fondamental, oui ils se sentaient vides et vains,

leur espérance avait été brutalisée par la désillusion,

la déception, la lassitude.

En tout il leur manquait ce qui si souvent nous

échappe : le mouvement et la joie. On peut saisir la

promesse de Pâques et choisir d’en sortir changés, et

d’en goûter tout l’étrange et le troublant, comme une

épice nouvelle dans une recette de poisson au four,

tout le goût de cette parole qui nous traverse de part

en part, verset 26, n’était-il pas nécessaire d’endurer

tout ça ? N’est-ce pas déjà même un peu pour s’approcher

de la vraie vie à laquelle Dieu nous invite, apprivoisez

votre réalité, dit-il, approchez-vous de vous qui

vous êtes, de votre contexte, de vos émotions, de la

nature de votre foi telle qu’elle est.

Oui il leur manquait

un truc fondamental,

oui ils se sentaient

vides et vains, leur espérance

avait été brutalisée

par la désillusion, la

déception, la lassitude.

Ce Jésus ressuscité

qui

partage un

spaghetti

avec deux

types dépités,

c’est pile

à l’image de

ce qui peut

nous arriver de mieux, que lui qui est là nous mène de

l’ombre à la lumière, de l’inertie au mouvement, de ce

qui s’est figé en nous vers la liberté, de la cécité à la

vision, de l’immobile au mobile, de la règle à l’amour.


Et ça on peut le toucher, c’est la pulsation de notre

foi : rester dans la relation au réel, y poser une parole

vraie, un langage doux et invitant, prendre une

petite pelle et un petit seau pour s’attaquer à notre

montagne d’inquiétude et se mettre à faire la place

au-dedans de nous pour l’immense et le nouveau,

et ça s’appellerait persévérance, et ça s’appellerait

patience, et ça s’appellerait résilience, et ça s’appellerait

constance ou abondance et ça nous mettrait

à nouveau en mouvement, et ça nous inonderait

nos cœurs de joie, ça la vitaliserait de joie, ça

les tapisserait de joie et d’espérance, ça s’appellerait

naissance, naissance, nom féminin, commencement

de la vie indépendante pour un être vivant, mise au

monde, élan d’origine, sentiment de venir à la vie en

vrai, être rempli de ça, surpris et sans fin ébloui, oui

voilà, s’approcher de ce jour nouveau tout nouveau

de naître à nouveau pour enfin apprendre à être.


L’ÉVANGILE

RENVERSANT.

Jésus de Nazareth est une inspiration constante,

pour chacune de nos vies, chacun de nos partages.

La vie et l’enseignement de Jésus incarnent ce mot

« évangile », qui signifie « bonne nouvelle » ou

« message de liberté ». Face au tumulte grandissant

à travers le monde entier, Jésus maintient au centre

et à l’horizon de sa parole les priorités absolues :

cette bonne nouvelle du Royaume sera proclamée

par toute la terre habitée, ce sera un témoignage

pour les nations (Matt 24.14)

Le soir de son arrestation, Jésus célèbre la Pâque

avec ses disciples. À Pâque, les juifs tuent un agneau,

qui prend symboliquement la place du premier-né

en mémoire de la veille du jour où Israël a été libéré

de l’esclavage en Égypte (Ex 12.7). Avant que les

autorités romaines et religieuses juives n’ôtent sa

vie à Jésus, il donne librement son corps et son sang

à ses disciples par le pain et le vin en tant que premier-né

de Dieu. Ce geste est authentique, inédit,

inouï et pourquoi ne pas le dire, révolutionnaire par

la force de ce qu’il déclenche si l’on s’en approche.

Par ce geste ultime de Jésus, cette bonne nouvelle

épanouit sa dimension libératrice, et profondément

renversante.

Jésus est né dans un monde marqué par l’oppression

et l’injustice pour annoncer et incarner le mouvement

de libération globale de Dieu. Comme un

insurgé, Jésus passe derrière les lignes ennemies

pour établir une confiance vraie avec des personnes

humbles, prêtes à l’entendre, prêtes à le suivre.

Ce livre, destiné à préparer l’animation de groupes

autour de cette thématique, donne un aperçu de

cet évangile de résistance, ce message libérateur

et renversant qui se trouve dans l’Écriture, le plus

clairement énoncé dans la vie et l’enseignement

de Jésus de Nazareth. Il inclut des perspectives et

des suggestions sur la façon de recevoir et de préparer

des études de la Bible qui engendrent une

véritable transformation holistique. Le point central

de ce livre est de proposer des manières pratiques

d’animer des conversations autour de la Bible dans

des situations de marginalité, avec des personnes

qui n’ont pas l’habitude

d’être appelées

par Dieu.

Si la rencontre

avec Jésus ouvre

une saison de

transformation

personnelle,

relationnelle et

sociale, puissions-nous

toujours

en lisant la

Bible, seuls ou ensemble,

faire l’expérience de l’amour et de la grâce,

ces dons stupéfiants de Dieu pour nous.


VOIR, PUIS LIRE.

De plus en plus souvent, de manière créative, libre et

invitante des œuvres d’art puisent dans la matière du

récit biblique en cherchant à manifester la force et la

véracité de son propos. Ce printemps, la jeune équipe

du Mois de la Bible s’est plongée dans cette diversité

pour y déceler la vibration et l’intention. Morceaux

choisis.

Première d’une

série d’une

multi-saisons

consacrée à

Jésus, The Chosen

s’inspire

des Évangiles

mais ne s’y restreint

pas. Un

choix original

qui peut parfois prêter à débat, mais qui visiblement

plait, surtout. Puisque la série cumule à l’international

les trois-cents millions de vues après sa première diffusion.

Et donc ?

Dix millions de dollars, c’est le montant des dons qui

ont été récoltés pour financer la première saison de

la série. Du jamais vu ! The Chosen est un OVNI, un

objet vidéo non-identifié, qui détonne dans le paysage

bien structuré des productions audiovisuelles habituellement

financées par les chaines de télévision et

d’importants producteurs. L’objectif du réalisateur

évangélique Dallas Jenkins ? Qu’un milliard d’individus

visionnent la série et puissent ainsi découvrir un

Jésus authentique.

Son accomplissement est en bonne voie, bien qu’il

reste encore du chemin à parcourir.

Une autre des particularités de la série est qu’elle n’est

pas centrée uniquement sur la figure de Jésus mais

davantage sur les disciples, ceux qui l’ont suivi. « Les

personnages secondaires sont les héros de la série, explique

Jonathan Roumie, l’acteur américain qui incarne

le Christ. Nous montrons comment Jésus change la vie

de ceux qui croisent sa route. C’est intelligent, car il est

plus facile de s’identifier à Nicodème, Simon-Pierre ou

Marie-Madeleine qu’à Jésus lui-même », poursuit celui

qui est un croyant engagé.

Pour mener à bien ce tour de

force, Jenkins a veillé à bien

s’entourer, notamment pour ce

qui relève de l’aspect théologique.

« Au niveau de l’écriture,

il y avait des comités de relecture

avec un rabbin et des consultants

chrétiens qui vérifiaient

que tout était correct », rapporte

Alaa Safi, le seul français du tournage.

Si la volonté de rester fidèle

aux Écritures est profondément

ancrée au cœur du projet, celui-ci reste une œuvre audiovisuelle,

et certains choix peuvent toujours prêter à

débat, quand bien même ils n’entreraient pas fondamentalement

en conflit avec les Écritures. « Ça a été

le cas sur l’épisode du Sermon sur la montagne quand

Jésus répète son discours tout seul », précise celui qui

joue Simon Le Zélote. De quoi donner l’envie en tous

cas de se replonger dans les Évangiles pour en revenir

aux textes originaux. Simple emprunt, ou formulation

d’une empreinte ?

© Nicolas Fouquet, ABF


D’EMPRUNT

ET D’EMPREINTES.

Le Seigneur des Anneaux est une œuvre fondamentalement

biblique, disait Tolkien à propos de son œuvre,

dans une lettre adressée en 1953 à un ami. Quel est ce

fondement ? S’agirait-il de la Bible ? L’œuvre de Tolkien

reprend-elle, emprunte-t-elle directement des citations

à la Bible ou bien est-elle davantage empreinte

d’une atmosphère biblique plus diffuse ?

Lorsqu’on découvre que Tolkien recourt plusieurs fois

à l’expression « ombre de la mort », comment ne pas

penser au livre de Job qui en

concentre la moitié des occurrences

bibliques ? Voilà un emprunt,

à la lettre. Si l’on passe

du Seigneur des Anneaux à son

arrière-plan, le grand projet du

Silmarillion, racontant la création

et les premiers âges, on

peut voir en 1966 que l’atmosphère

de son dernier appendice

semble avoir pour argument

ce verset du premier livre des

Chroniques : nos jours sur terre

passent comme l’ombre, et il

n’est point d’espoir (29.15). Voilà

une empreinte, un même esprit. Si l’on peut trouver

un certain nombre d’exemples d’emprunts, on se rend

vite compte qu’il s’agit d’une empreinte. Cela fleure

bon le christianisme (on s’y reconnait), mais pourquoi

? Quelle familiarité Tolkien avait-il de la Bible ?

Notons d’abord que Tolkien collabora à la version anglaise

de la Bible de Jérusalem. Le succès de la première

édition de la traduction de l’école biblique et

archéologique française de Jérusalem fut tel en 1956,

représentant une telle avancée dans le champ de la

traduction que les Anglais voulurent eux aussi se doter

de cet instrument. Le père Alexander Jones rendit public

le projet d’une traduction anglaise dès

1956, voulant offrir au public catholique le

plus large possible un accès aux acquis de

la recherche : de la haute vulgarisation.

L’

œuvre de Tolkien

reprendelle,

emprunte-telle

directement des

citations à la Bible ?

Jones connaissait surtout

Tolkien en tant

que spécialiste de vieil

anglais, même s’il avait

apprécié son œuvre de

fiction.

Il contacta donc Tolkien

parmi les tout

premiers collaborateurs, ayant dans l’idée de lui demander

de rédiger une sorte de guide du traducteur

pour l’équipe. Jones lui proposa en janvier 1957 de



traduire rien moins que le Pentateuque, ou bien Jonas.

Tolkien passera le test du traducteur avec une traduction

du premier livre d’Esaïe. Finalement, surchargé de

travail, il accepta de traduire Jonas, il rendit son texte

en avril 1961, après une correspondance avec Jones

où furent discutés des points de traduction, notamment

la question des archaïsmes. L’édition anglaise

parut en 1966 et sera utilisée dans la liturgie. La

traduction de Tolkien revue par Jones fut jugée

vigoureuse, énergique et robuste par divers spécialistes.

Jones avait choisi Tolkien en tant que spécialiste

du vieil anglais, donc. Mais quel rapport avec la

Bible ? Mais c’est qu’il existe des versions plus

anciennes de la Bible en anglais que Tolkien

avait travaillées en tant que professeur d’université

à Oxford, principalement de la Genèse et de

l’Exode. Il a également donné des cours sur la

version en vieil anglais de l’Exode, dont l’exégèse

du passage de la mer Rouge dans ce passage

est clairement identifiable au baptême. Tolkien

connaissait aussi Patience, la version du livre de Jonas

en anglais moyen datée du XIV e siècle.

L’

édition anglaise

parut en 1966

et sera utilisée dans

la liturgie. La traduction

de Tolkien revue

par Jones fut jugée

vigoureuse, énergique

et robuste par divers

spécialistes.

Prenons pour finir un exemple d’emprunt. Dans Le

Seigneur des Anneaux, la première réapparition de

Gandalf après trois jours de combat contre le Balrog,

quand il est passé hors du temps et de la pensée, mais

renvoyé par Eru (Dieu) pour achever

la mission contre Sauron, est

ainsi décrite : « Tous les regards

étaient fixés sur lui, ses cheveux

étaient blancs comme neige au


soleil, et sa robe d’un blanc étincelant. Ses yeux, sous

des sourcils saillants brillaient d’un vif éclat, aussi pénétrants

qu’un rayon de soleil. Le pouvoir était dans sa

main. Entre l’émerveillement, la joie et la crainte, ils

restèrent saisis et ne trouvèrent rien à dire. » (Les deux

Tours, p.115, Ed.Bourgois, 2015). Notons ici que le vocabulaire

est le même (blanc comme la neige, joie et

peur) que l’épisode concernant l’ange roulant la pierre

du sépulcre à la résurrection

(Matthieu 28.3-4) et celui que la

Transfiguration quand le visage

du Christ devient brillant comme

le soleil, et ses vêtements blancs

comme neige (Matthieu 17.2)

En somme, Tolkien emprunte

ici, et laisse une empreinte plus

large là, mais il n’impose surtout

pas de lecture allégorique

chrétienne avec des correspondances

terme à terme, ce qui

est le cas de CS Lewis dans Narnia,

où le lion Aslan représente le Christ, par exemple.

La Bible est donc bien présente, mais passe dans ses

œuvres comme en sous-main, soustraite aux regards

non-avertis.

© Michaël Devaux,

docteur en philosophie, ABF.


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