Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
8 PRÉSENCE N o 2 MARS <strong>2023</strong> DOSSIER HOMMAGE PRÉSENCE N o 2 MARS <strong>2023</strong> 9<br />
OSER LE CHANGEMENT POUR PRENDRE UN NOUVEAU DÉPART<br />
En Suisse, du fait de l’enchevêtrement<br />
de la fondation de notre Église<br />
avec le Kulturkampf politique d’il y<br />
a un siècle et demi, aucune autre<br />
Église n’est aussi imbriquée avec les<br />
structures politiques que la nôtre :<br />
nos structures ecclésiastiques<br />
sont en quelque sorte le reflet des<br />
structures politiques. Mais dans<br />
le domaine politique également,<br />
on voit de petites communes se<br />
regrouper pour en constituer une<br />
plus grande, tandis que les cantons<br />
se dessaisissent de certaines compétences<br />
au profit de la Confédération<br />
pour faire face à la complexité<br />
des situations actuelles.<br />
De tels changements doivent s’opérer<br />
à partir de la base vers le haut.<br />
C’est pourquoi le renforcement de<br />
la collaboration au sein des régions<br />
pourrait contribuer dans une large<br />
mesure à ouvrir la voie aux réformes<br />
qui devraient être mises en œuvre<br />
par le Synode national au niveau<br />
du diocèse. En outre, il faudrait<br />
vraisemblablement envisager une<br />
exception en faveur des régions de<br />
la diaspora, comme le Tessin.<br />
Pour conclure<br />
Nous devons agir dans la perspective<br />
de l’avenir, sans nous accrocher<br />
au passé. Cela ne pourra réussir<br />
que si la mutation s’accompagne<br />
d’un changement de mentalité<br />
dans notre attitude fondamentale<br />
à l’égard de divers sujets.<br />
Je voudrais citer encore une fois<br />
deux domaines à titre d’exemple :<br />
les relations publiques et la relève<br />
ecclésiastique.<br />
On entend souvent affirmer que<br />
nous aurions davantage de membres<br />
si nous accordions une plus grande<br />
importance aux relations publiques.<br />
Bien entendu, on peut toujours<br />
s’améliorer, mais les expert·e·s en<br />
ce domaine sont d’accord pour dire<br />
que les relations publiques peuvent<br />
certes contribuer à la visibilité d’une<br />
organisation, mais ne peuvent rien<br />
faire pour attirer davantage de<br />
membres si la taille de cette organisation<br />
n’atteint pas un certain seuil<br />
critique.<br />
Je pense ici, par exemple, à l’Armée<br />
du salut avec ses collectes des marmites<br />
de Noël, ses brocantes et ses<br />
refuges pour les sans-logis. Elle est<br />
plus petite que nous mais mieux<br />
connue – et pourtant elle affronte<br />
des problèmes semblables.<br />
Autre exemple : l’utilisation des<br />
divers moyens dans le domaine des<br />
médias. Nous investissons la plus<br />
grande partie de nos ressources dans<br />
les médias imprimés classiques<br />
pour informer nos paroisses. Au<br />
lieu de consacrer ces ressources<br />
aux nouveaux médias, je pourrais<br />
imaginer que « Christkatholisch »<br />
et « <strong>Présence</strong> » deviennent des<br />
mensuels imprimés présentant<br />
divers sujets intéressants.<br />
En outre, un dimanche sur deux,<br />
un service religieux paroissial serait<br />
diffusé par livestream pour tout le<br />
diocèse et le grand public.<br />
Par ailleurs, notre page d’accueil<br />
électronique n’est plus vraiment à<br />
la hauteur quand on la compare à<br />
d’autres. Tous ces efforts de relations<br />
publiques pourraient améliorer<br />
notre image auprès du grand<br />
public. Mais cela ne se traduirait<br />
pas forcément par l’adhésion de<br />
nouveaux membres. D’ailleurs, si on<br />
compare la situation actuelle avec<br />
celle d’il y a vingt ans, on constate<br />
que notre présence médiatique a<br />
fait des progrès.<br />
Qu’elle provienne de nos propres<br />
rangs ou de personnes ayant suivi<br />
une filière différente, notre relève<br />
ecclésiastique est insuffisante, ce<br />
qui est regrettable. Moi aussi, je<br />
souhaiterais qu’il y ait plus d’étudiant·e·s<br />
en théologie.<br />
Mais peut-être vivons-nous dans<br />
une époque où nous devons<br />
apprendre à constituer une Église<br />
avec moins de personnel.<br />
Peut-être devrions-nous –<br />
exception faite de la profession de<br />
curé à 100 % – renoncer à l’image<br />
de l’ecclésiastique universitaire<br />
et mettre en place de nouveaux<br />
cursus de formation pour des<br />
ecclésiastiques et diacres (femmes<br />
et hommes) qui assisteraient à<br />
temps partiel ou bénévolement<br />
les responsables de paroisses. En<br />
outre, nous devrions offrir plus<br />
de possibilités de formation aux<br />
laïcs actifs à temps partiel ou<br />
bénévolement. À moyen terme, nous<br />
disposons d’assez de ressources<br />
humaines pour mettre en place un<br />
processus de transition et ouvrir de<br />
nouvelles voies – mais il faut nous<br />
atteler à la tâche dès maintenant.<br />
Nous avons pour mission de<br />
célébrer et de proclamer le Christ<br />
ressuscité. Nous avons pour mission<br />
de convaincre des femmes et des<br />
hommes de devenir les disciples<br />
de son Évangile et de nous engager<br />
pour défendre ses valeurs dans le<br />
monde.<br />
Ce n’est pas la même chose que<br />
de gérer les vestiges d’une Église<br />
multitudiniste et nationale.<br />
Harald Rein,<br />
Traduit de l’allemand<br />
par Nelly Lasserre-Jomini<br />
Hommage à Irène Savoy Chanel<br />
BERNARD BOULENS<br />
C’est avec émotion que nous<br />
avons appris le décès dimanche<br />
29 janvier d’Irène Savoy Chanel.<br />
C’est une grande perte pour sa<br />
famille, pour ses proches et pour<br />
notre Église.<br />
Elle est née à Genève en septembre<br />
1931. Fille unique, elle est baptisée<br />
dans l’Église catholique romaine<br />
et sa petite enfance se passe à<br />
Carouge puis à Plainpalais. Elle<br />
est bonne élève à l’école, très<br />
appliquée. C’est vers sa quinzième<br />
année qu’elle ressent un besoin<br />
spirituel. Mais le « religieux » n’est<br />
pas le souci principal de la famille<br />
et son père est plutôt de gauche.<br />
Le père d’Irène tombe malade.<br />
Pendant son séjour à l’hôpital, et<br />
c’est lors d’une rencontre fortuite<br />
avec le curé Léon Gauthier qu’il<br />
accepte finalement qu’Irène<br />
reçoive une instruction religieuse,<br />
mais à l’unique condition que ce<br />
soit par le curé Gauthier et dans<br />
l’Église catholique-chrétienne.<br />
Dès sa jeunesse elle est passionnée<br />
par le théâtre. Elle a fait partie de<br />
la troupe de la Comédie de Genève<br />
et elle est également membre du<br />
Radio-théâtre de Radio Lausanne,<br />
devenue depuis la Société Suisse<br />
de Radio diffusion.<br />
Parallèlement elle fait un<br />
apprentissage d’esthéticienne<br />
puis elle rencontre un jeune<br />
étudiant italien, ils se marient et<br />
un enfant naîtra de cette union,<br />
Renaldo. Mais cette union ne dure<br />
guère en raison des infidélités du<br />
mari et le divorce est prononcé.<br />
Finalement Irène doit se résigner<br />
à mettre le théâtre de côté.<br />
Elle travail pour une agence de<br />
presse et un jour, elle rencontre un<br />
jeune photographe, Jean-Claude<br />
Chanel, qui deviendra un éminent<br />
réalisateur de la télévision. Ils<br />
s’installent à Meyrin.<br />
Irène se lance alors dans la politique<br />
de sa nouvelle commune et elle<br />
adhère à la section locale du parti<br />
socialiste. Elle devient cheffe de<br />
cette section, avant d’être élue au<br />
Conseil municipal dont elle sera<br />
présidente. Plus tard, de 1982 à<br />
1993 elle est députée au Grand<br />
Conseil du Canton de Genève. Elle<br />
est également juge assesseur auprès<br />
du Tribunal de police, avec toujours<br />
le souci d’être juste et impartiale<br />
dans ses jugements. En 1993 elle ne<br />
se représente pas au Grand Conseil<br />
et elle revient dans la politique<br />
communale jusqu’au début des<br />
années 2000.<br />
C’est aussi à cette époque qu’elle<br />
s’investit dans les activités de<br />
l’Église catholique-chrétienne. Elle<br />
elle fut vice-présidente du Conseil<br />
de paroisse de Genève et pendant<br />
près de dix ans présidente du<br />
Synode cantonal de Genève. Elle a<br />
aussi participé à plusieurs sessions<br />
du Synodes national.<br />
Mais elle avait particulièrement<br />
à cœur de venir en aide aux plus<br />
défavorisés et elle fut très active<br />
dans l’AGORA, l’Aumônerie<br />
Genevoise Œcuménique auprès<br />
des Requérants d’Asile. Elle s’y<br />
engagea avec détermination pour<br />
que les réfugiés soient bien traités<br />
en Suisse, obtenant l’engagement<br />
des différentes églises pour<br />
cette cause. Elle avait réalisé un<br />
important dossier pour <strong>Présence</strong><br />
sous le titre « Requérants d’asile<br />
et réfugiés, que faire ? ». (<strong>Présence</strong><br />
N° 8 2015)<br />
Elle s’était aussi fortement<br />
investie pendant les dix ans que<br />
la paroisse de Genève a consacré<br />
aux « Lumières de Midi » à Saint-<br />
Germain, une action hebdomadaire<br />
qui permettait chaque année<br />
pendant quatre semaines de<br />
recevoir des personnalités du<br />
monde politique, artistique ou<br />
social, venues s’exprimer sur le<br />
coup de midi sur des thèmes<br />
d’actualité.<br />
Ces dernières années, après la<br />
disparition de Jean-Claude Chanel,<br />
elle s’était mise à l’écriture, avec<br />
une autobiographie intitulée<br />
« Retour sur image ». La vente de<br />
ce livre devait se faire au profit de<br />
l’AGORA.<br />
Pour tout ce qu’Irène Savoy<br />
Chanel a donné au cours de son<br />
existence, son souvenir demeurera<br />
inaltérable dans nos mémoires.<br />
Alors merci Irène, repose en paix<br />
dans le Royaume de Dieu.