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RETOUR SUR CANNES<br />
LUTTE ANTIPIRATAGE :<br />
LA PISTE DE L'ACHARNEMENT,<br />
EN ATTENDANT PLUS DE COERCITION<br />
©A.Algan<br />
Faire de la pédagogie…<br />
avec humour<br />
La table ronde cannoise a été l’occasion de dévoiler<br />
les images de la campagne grand public<br />
d’incitation à “l’arrêt du piratage”, préparée par<br />
l’Arcom en collaboration avec le CNC. Partant du<br />
constat qu’en 2022, 86 % des internautes français<br />
de 15 ans et plus ont consommé au moins un bien<br />
culturel en ligne (films, séries, jeux vidéo,<br />
musiques…), et après les études sur les freins et les<br />
motivationsdes internautes, l’Arcom et le CNC ont<br />
choisi de cibler prioritairement le 15-39 ans. D’où le<br />
choix d’un ton « qui joue sur le registre de<br />
l’humour et de l’absurde », autour de séances de<br />
coaching d’un genre particulier avec l’actricehumoriste<br />
Julie Ferrier. Des spots de 30 secondes<br />
sont destinés à être diffusés à la télévision et au<br />
cinéma, deux spots audio de 20 secondes à la<br />
radio, et trois déclinaisons numériques de 15<br />
secondes sur les plateformes et les réseaux sociaux.<br />
Élaborée, à la suite d’un appel d’offre, par l’agence<br />
<strong>Pro</strong>digious et réalisée par Bill Barluet, cette<br />
campagne démarrera le 15 juin <strong>2023</strong> et s’étalera<br />
sur plusieurs mois.<br />
©Arcom-CNC<br />
Comme chaque année à Cannes, le CNC et<br />
l’Arcom ont fait le point sur les actions en<br />
matière de protection de la création<br />
sur internet.<br />
En 2018, plus de 15 millions d’internautes visitaient au<br />
moins un site pirate par mois. Quatre ans plus tard, ce<br />
chiffre a plus que régressé, avec 9 millions de visiteurspirates<br />
mensuellement comptabilisés (soit 13 % des<br />
internautes). Et la tendance est encore à la baisse sur le<br />
premier trimestre de <strong>2023</strong>. De quoi réjouir les participants<br />
de la table ronde CNC-Arcom du 20 <strong>mai</strong> consacrée aux<br />
« engagements et actions pour défendre la création et lutter<br />
contre le piratage ». Mais encore faut-il « profiter de la<br />
dynamique engagée pour aller plus loin », a prévenu Denis<br />
Rapone, membre du collège de l'Arcom. La nouvelle<br />
autorité administrative, dispose de nouveaux outils de<br />
lutte qui ont permis, sur sa première année d'activité en<br />
2022, de bloquer des centaines de sites pirates initiaux<br />
et, grâce à ses compétences élargies, des milliers de sites<br />
miroirs.<br />
Pour Denis Rapone, la diminution du piratage est à<br />
saluer, <strong>mai</strong>s garde « un goût d’insatisfaction ». Car comme<br />
le confirme Cécile Lacoue, directrice des études et des<br />
statistiques du CNC, la tendance est désor<strong>mai</strong>s au<br />
« tassement ». En effet, si en 2022, l’audience des sites de<br />
SVOD a été trois fois supérieure à l'audience illégale, « le<br />
marché des offres légales, désor<strong>mai</strong>s arrivé à maturité, a<br />
atteint un plateau ». Il en est donc de même pour son<br />
effet bénéfique sur la baisse du piratage. D’autant plus<br />
que les ¾ des internautes pirates <strong>–</strong> majoritairement des<br />
hommes, jeunes et CSP+ <strong>–</strong> citent “l'habitude” comme<br />
raison de la pratique. D’où la campagne pédagogique<br />
qui se prépare, afin d’inciter ces addicts à changer de<br />
comportement (voir encart ci-contre).<br />
De gauche à droite :<br />
Frédéric Delacroix (délégué<br />
général de l’Alpa),<br />
Victor Hadida (président<br />
de la FNEF), Benoit Tabaka<br />
(directeur des relations<br />
institutionnelles et des<br />
politiques publiques à<br />
Google France), Amélie<br />
Meynard (directrice des<br />
affaires publiques du<br />
Groupe Canal+)<br />
Par ailleurs, après le peer-to-peer (qui représente 7 % de<br />
la pratique pirate, en relative stabilité après des années<br />
de baisse), le streaming (toujours le premier protocole<br />
utilisé, <strong>mai</strong>s en forte baisse de 37 % en deux ans), le DDL<br />
(en baisse limitée à 17 %), les défenseurs de contenu<br />
doivent faire face à de nouveaux défis, dont l’IPTV, « qui<br />
rend la frontière floue entre ce qui est légal et illégal » et les<br />
cyberlockers*. Et ceci même si l’Arcom compte, parmi<br />
ses récentes victoires, la fermeture d’un des plus gros<br />
d’entre eux.<br />
En outre, face aux sites pirates de grande audience,<br />
« devenues des marques installées », l’Arcom suit « la piste<br />
de l'acharnement », et va élargir le périmètre des acteurs<br />
techniques sur lesquels il s’appuie (actuellement, principalement<br />
les fournisseurs d’accès et Google).<br />
Victor Hadida estime aussi qu’il faut « aller beaucoup plus<br />
loin. Malgré sa diminution, le piratage reste encore une<br />
perte massive pour le secteur. Les injonctions dynamiques<br />
doivent l’être vraiment, et l’exécution des fermetures des sites<br />
miroirs doivent être automatiques. Le besoin d’action ne se<br />
calcule plus en jours <strong>mai</strong>s en heures », souligne le président<br />
de la FNEF, saluant au passage la réactivité dont ont<br />
récemment fait les réseaux sociaux pour supprimer les<br />
notices de contournement du blocage du cyberlocker<br />
Uptobox. « La France pourrait être un modèle et aider les<br />
autres pays à prendre des législations plus restrictives. Mais<br />
pour cela, il faut une véritable volonté politique de s’attaquer<br />
au piratage. Et qu’après le travail de pédagogie, arrive le<br />
temps d’une amende... »<br />
Ayşegül Algan<br />
* services d'hébergement de fichiers en ligne, qui peuvent être utilisés de manière abusive<br />
et illégale pour le partage de contenu protégé par des droits d'auteur<br />
30 N°445 / <strong>31</strong> <strong>mai</strong> <strong>2023</strong>