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RAPPORTS<br />
LE CINÉMA AUX RAPPORTS<br />
Quand le cinéma est au cœur des travaux parlementaires. Après la remise du<br />
rapport Lasserre début avril, et alors que le Festival de Cannes a accentué<br />
l’attention portée au cinéma, deux missions du Sénat <strong>–</strong> l’une de la<br />
commission des Finances, l’autre de celle de la Culture <strong>–</strong> ont décortiqué les<br />
mécanismes de soutien à la filière. Au même moment, le groupe LFI-Nupes<br />
de l’Assemblée nationale déposait une proposition de loi concernant<br />
l’exploitation. Quelles conclusions et propositions y sont présentées ?<br />
Les 7 recommandations de la<br />
commission des Finances du Sénat<br />
1 ♦ <strong>Pro</strong>céder à une évaluation précise de l’utilisation des crédits dédiés à la filière<br />
dans le cadre du plan de relance, afin de mesurer notamment leur impact sur la<br />
modernisation des outils de production et sur les conditions d’accueil dans les<br />
salles. Support : CNC.<br />
2 ♦ Transférer le recouvrement de la TSA et de la taxe sur les services de télévision<br />
due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D)<br />
à la Direction générale des finances publiques aux fins de diminution des coûts<br />
de gestion du CNC et d’harmonisation avec les autres impositions existantes.<br />
Support : ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle<br />
et numérique.<br />
3 ♦ Réorienter une partie des aides à la production vers le soutien à la formation,<br />
l’appui au secteur de la distribution et le renforcement de la capacité de prêt de<br />
l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles afin de<br />
contribuer à l’amélioration de la qualité des œuvres produites, de développer leur<br />
potentiel commercial et responsabiliser un peu plus les producteurs en passant<br />
d’une logique de subvention à une offre de prêts remboursables et de garanties de<br />
prêts. Support : CNC.<br />
4 ♦ Créer, à moyens administratifs constants, un véritable fonds public d’investissement,<br />
géré conjointement par l’Institut pour le financement du cinéma et des<br />
industries culturelles (Ifcic) et Bpifrance, abondé par le CNC, après réorientation<br />
de ses soutiens et dédié à accompagner la modernisation et la professionnalisation<br />
de la filière, en créant les conditions d’un appel d’air pour les investisseurs privés<br />
et en permettant à terme de décharger progressivement l’État du financement de<br />
la prise de risque artistique par des outils budgétaires. Support : Ifcic, Bpifrance<br />
et CNC.<br />
5 ♦ Réviser les mécanismes de soutien (formation, industries techniques notamment)<br />
allant dans le même sens que le 8 e objectif du plan France 2030, afin<br />
d’optimiser les financements publics dédiés en s’appuyant pleinement sur l’effet<br />
de levier induit par le plan et éviter l’effet de doublon et de multiplication des<br />
guichets. Support : CNC.<br />
6 ♦ Réviser le crédit d’impôt pour dépenses de production cinématographique et<br />
le crédit d’impôt pour dépenses de production de films et œuvres audiovisuelles<br />
étrangers, en introduisant une modulation des taux en fonction des budgets de<br />
production et en réévaluant les plafonds de dépenses éligibles, afin d’éviter le risque<br />
d'effet d’aubaine pour des productions disposant par ailleurs d’importants soutiens<br />
budgétaires et de conditions de tournage appelées à s’améliorer dans le cadre du<br />
plan France 2030 tout en réduisant l’impact de ces dispositifs sur les finances<br />
publiques. Support : CNC, DGFIP.<br />
7 ♦ <strong>Pro</strong>roger de trois ans le régime fiscal applicable aux sociétés de financement<br />
de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel, en ramenant le taux majoré<br />
à 36 % et en révisant à la baisse le plafond de l’avantage fiscal, afin de réduire le<br />
coût du dispositif pour les finances publiques tout en <strong>mai</strong>ntenant son caractère<br />
attractif en faveur de l’investissement privé dans le cinéma français. Support :<br />
CNC, DGFIP.<br />
Itinéraire d’un art gâté :<br />
le financement public du cinéma<br />
Par Roger Karoutchi, sénateur (LR) des Hauts-de-Seine, commission<br />
des Finances<br />
Le sénateur Karoutchi s’est penché sur le soutien financier public à<br />
la filière. Parmi ses propositions, il préconise la création d'un fonds<br />
d'investissement public cogéré par l’Ifcic et BPI France, une révision<br />
des aides du CNC et des crédits d’impôts.<br />
En analysant tous les soutiens publics au cinéma en 2021, le rapporteur spécial de<br />
la mission “Médias, livre et industries culturelles” de la commission des Finances<br />
du Sénat pointe un montant en faveur de la filière de 747 millions d’euros, hors<br />
mesures d’urgence et Plan de relance. En comptant tous les dispositifs budgétaires<br />
et fiscaux, l’intervention publique aurait représenté près de 1,7 milliard d’euros<br />
d’aides sur l‘année 2021. Tout en saluant l’action des pouvoirs publics, « indispensable<br />
en vue de permettre au secteur de rebondir » pendant la crise sanitaire et face à la<br />
concurrence des plateformes, le sénateur Karoutchi souligne que cette abondance<br />
de moyens contraste avec une fréquentation en salles qui peine à retrouver son<br />
niveau d’avant-crise. « Aucune leçon ne semble avoir été tirée de celle-ci avec le <strong>mai</strong>ntien<br />
d’une offre importante (287 films agréés par le CNC en 2022) alors même qu’un<br />
tassement des recettes par film était déjà observable (1,2 million d’euros en 2019 contre<br />
1,7 million en 2012). »<br />
Dans ce contexte <strong>–</strong> qui ne tient pas compte de la reprise observée depuis le début<br />
de cette année… <strong>–</strong>, le rapporteur spécial préconise de réviser tous les mécanismes<br />
de soutien, notamment pour réorienter les aides vers le soutien à la formation, ou<br />
encore l’appui au secteur de la distribution (recommandation 1). Et ce, dans l’idée<br />
de « contribuer à l’amélioration de la qualité des œuvres produites, de développer leur<br />
potentiel commercial et responsabiliser un peu plus les producteurs ». Le rapport recommande<br />
aussi de lancer « un véritable fonds public d’investissement », afin de créer « un<br />
appel d’air pour les investisseurs privés » et ainsi « décharger progressivement l’État du<br />
financement de la prise de risque artistique par des outils budgétaires » (recommandation<br />
4).<br />
À noter aussi que sur les quatre taxes affectées au CNC, Roger Karoutchi réitère le<br />
souhait, comme l’avait voté le Sénat fin 2022, d’en transférer la collecte à la Direction<br />
générale des finances publiques (recommandation 2). Pour lui, la gestion par le<br />
CNC « révèle un peu plus le rôle singulier de cette structure au sein de l’appareil d’État.<br />
Chargé de la définition, de l’établissement de la taxe, de son recouvrement et de la<br />
réaffectation de son produit, le Centre fait figure d’État dans l’État, la tutelle du ministère<br />
de la Culture apparaît toute relative, quand la coopération avec le ministère des<br />
Finances s’agissant de la législation fiscale peut sembler à sens unique ».<br />
Sur la TSA en particulier, Roger Karoutchi note « l’extrême dépendance aux sorties<br />
américaines », qui génèrent une large partie de la fréquentation. Par ailleurs, il pointe<br />
que l’offre croissante de films en général « dépasse la capacité d’absorption des salles<br />
et conduit à une baisse tendancielle des recettes par films ».<br />
8 N°445 / <strong>31</strong> <strong>mai</strong> <strong>2023</strong>