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12 PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE <strong>2023</strong> 150 ANS DE LA 1 ÈRE MESSE ECC À ST-GERMAIN 150 ANS DE LA 1 ÈRE MESSE ECC À ST-GERMAIN PRÉSENCE N o 9 NOVEMBRE <strong>2023</strong> 13<br />
Un peu d’histoire Il y a 150, la première messe catholique-chrétienne<br />
à Saint-Germain – PAR BERNARD BOULENS<br />
Le 12 mars 1873 descend du train<br />
à la gare de Cornavin à Genève,<br />
un personnage très connu dans<br />
le monde religieux : Charles Loyson,<br />
dit le Père Hyacinthe. C’est<br />
un ancien prédicateur de Notre-<br />
Dame de Paris très connu.<br />
Il est né le 10 mars 1827 à Orléans,<br />
où son père était inspecteur<br />
d’Académie. Le milieu familial est<br />
catholique légitimiste, attaché au<br />
courant monarchique de la Restauration.<br />
Hyacinthe est l’aîné<br />
de 5 enfants, un de ses frères,<br />
Jules-Théodose sera prêtre et professeur<br />
à la Sorbonne, une de ses<br />
soeurs sera religieuse de l’Assomption.<br />
Très jeune, Charles Loyson<br />
est influencé par la personnalité<br />
et le charisme du Père Lacordaire<br />
qui a rétabli l’ordre Dominicains<br />
en 1837. À 18 ans, il entre au<br />
Grand Séminaire de Saint-Sulpice<br />
à Paris. Il y poursuit ses études de<br />
1845 à 1851. Cette même année, il<br />
est ordonné prêtre à Notre-Dame<br />
de Paris et célèbre sa première<br />
messe à la chapelle du Séminaire<br />
d’Issy. En 1858 il décide d’entrer<br />
au noviciat dominicain. Mais son<br />
souhait d’un engagement pastoral<br />
le fera finalement devenir carme<br />
déchaussé, autre ordre rétabli lui<br />
aussi au 19 e siècle.<br />
C’est à ce moment que débute sa<br />
carrière oratoire. Il séjourne plusieurs<br />
mois à Rome où il prêche à<br />
l’église Saint-Louis des Français. Sa<br />
célébrité est telle que l’archevêque<br />
de Paris Mgr Darboy, l’appelle à<br />
donner des Conférences de l’Avent<br />
à Notre-Dame. Il y attirera des foules<br />
de 1865 à 1868. Il reçoit le soutien<br />
des milieux catholiques libéraux,<br />
il participe au Congrès des catholiques<br />
libéraux à Malines en 1867.<br />
En 1868, il est appelé à prêcher le<br />
Carême à Rome, où il est reçu par<br />
le pape Pie IX. C’est d’ailleurs à<br />
Rome qu’il rencontre celle qui sera<br />
la compagne de toute sa vie, Émilie<br />
Meriman, une jeune veuve presbytérienne<br />
américaine.<br />
Survient alors un tournant décisif<br />
dans sa carrière religieuse ; le premier<br />
Concile du Vatican. Le pape<br />
convoque le premier concile du<br />
Vatican qui s’ouvre le 8 décembre<br />
1869. Le climat y sera détestable.<br />
Lorsque les intentions du pape<br />
sont connues, 55 pères conciliaires<br />
quittent le concile avant sa fin. Des<br />
1084 pères initialement invités, il<br />
n’en reste qu’un peu plus de la moitié<br />
et le texte final « Pastor æternus »<br />
est adopté de justesse le 18 juillet<br />
1870, par 533 voix pour et 2 contre,<br />
mais qui se rétracteront aussitôt.<br />
nouveaux dogmes se proclament<br />
« vieux catholiques ». Ils se sentent<br />
liés à l’ancienne tradition chrétienne,<br />
et veulent renouer avec les<br />
principes de l’Église chrétienne des<br />
premiers siècles.<br />
Peu à peu des Églises vieilles-catholiques<br />
sont fondées dans de<br />
nombreux pays jusqu’aux Etats-<br />
Unis et au Canada.<br />
Évidemment, ce mouvement de<br />
contestation universel atteint aussi<br />
Genève, qui est alors en proie aux<br />
luttes entre catholiques libéraux et<br />
les ultramontains qui soutiennent<br />
les dogmes sur l’infaillibilité pontificale<br />
et l’absolutisme du pape. On<br />
désigne cette période sous le nom<br />
de « Kulturkampf genevois ».<br />
Le 19 février 1873, le Grand-<br />
Conseil décide que les fonctions<br />
ecclésiastiques seront désormais<br />
soumises à l’élection populaire.<br />
Le 23 mars suivant, la loi constitutionnelle<br />
sur le statut de l’Église<br />
est adoptée, puis le Conseil d’État<br />
présente la loi d’application qui<br />
exige notamment des curés qu’ils<br />
prêtent le serment de se confor-<br />
Le Père Hyacinthe en 1867<br />
Les réactions contre ces nouveaux<br />
dogmes ne se font pas attendre<br />
et, en 1871 à Munich, lors d’un<br />
congrès tenu en réaction aux décisions<br />
du concile, naît l’idée de créer<br />
une « organisation provisoire<br />
des chrétiens opposés à l’Église<br />
de Rome ». Ces adversaires des Le Père Hyacinthe vers 1874<br />
Un peu d’histoire Il y a 150, la première messe catholique-chrétienne<br />
à Saint-Germain – PAR BERNARD BOULENS<br />
Première messe à la Salle de la Réformation Hyacinthe. Émilie et Paul vers 1874<br />
mer strictement aux dispositions<br />
constitutionnelles sur l’organisation<br />
du culte catholique de la<br />
République.<br />
C’est à ce moment-là que le Père<br />
Hyacinthe est appelé par les<br />
catholiques libéraux en vue de la<br />
création d’une Église catholique<br />
Libérale à Genève.<br />
Le Père Hyacinthe est engagé<br />
depuis longtemps dans la lutte<br />
contre le courant ultramontain<br />
qui soutient le pape. Il est fermement<br />
partisan de la fondation<br />
d’une Église indépendante de la<br />
juridiction pontificale, tout en restant<br />
strictement catholique selon<br />
la doctrine acceptée pendant les<br />
premiers siècles du christianisme<br />
À peine arrivé, le Père Hyacinthe<br />
fait, le 18 mars 1873, sa première<br />
conférence dans la salle de la<br />
Réformation sur « l’attitude de la<br />
société moderne dans sa guerre de<br />
légitime et nécessaire défense contre<br />
la théocratie romaine ». Le succès<br />
est tel qu’il doit recommencer son<br />
discours trois jours plus tard.<br />
Le 12 octobre 1873, Charles Hyacinthe<br />
Loyson, Fortuné Chavart<br />
et Anatole-Martin Hurthault, tous<br />
trois curés d’obédience libérale<br />
venus de France, sont élus par la<br />
paroisse unique de Genève.<br />
Le 14 octobre ces trois curés<br />
prêtent sermentdevant le Conseil<br />
d’État dans l’église de Saint-Germain,<br />
mise dès le lendemain 15<br />
octobre à la disposition des catholiques<br />
nationaux, qui prendront<br />
quelques temps plus tard le nom<br />
de catholiques-chrétiens.<br />
Le dimanche suivant, le 19<br />
octobre, le Père Hyacinthe<br />
célèbre la première messe<br />
catholique-chrétienne à l’église<br />
Saint-Germain. Puis les trois<br />
curés seront officiellement installés<br />
curés de la paroisse unique<br />
de Genève lors de la messe du<br />
dimanche 26 octobre, comme en<br />
témoigne une annonce parue dans<br />
le journal « Le catholique Suisse »<br />
du 25 octobre.<br />
Ce même jour du 19 octobre<br />
c’est la naissance de son fils,<br />
Paul-Hyacinthe, que l’on a enveloppé<br />
dans son vieux manteau<br />
de carme pour le lui présenter.<br />
Émilie Loyson a voulu entourer<br />
cette naissance d’un cérémonial<br />
particulier ; elle a fait disposer<br />
au-dessus du lit les drapeaux<br />
de la France, pays de Charles<br />
Hyacinthe, des États-Unis, son<br />
propre pays et de la Suisse, leur<br />
pays d’accueil.<br />
En 1874, le Père Hyacinthe fait une<br />
retraite à la Grande-Chartreuse et<br />
décide de démissionner de son<br />
poste de curé de Genève. Puis, de<br />
1876 à 1878, ce sera de nouveau le<br />
temps des conférences à Londres<br />
et à Paris. Il rencontre le vieux<br />
théologien Döllinger, proche des<br />
Vieux-catholiques.<br />
Retiré à Paris où il demeure chez<br />
on fils, il meurt le 9 février 1912 et<br />
sera ensuite enterré au cimetière<br />
du Père Lachaise à Paris.