Le Brécaillon - Musée Militaire Genevois
Le Brécaillon - Musée Militaire Genevois
Le Brécaillon - Musée Militaire Genevois
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
QUELQUES SOUVENIRS «D'AVANT» LE MUSÉE MILITAIRE GENEVOIS<br />
primaire».<br />
Un autre conseiller - libéral - s'exprimant sur cette idée de centre pour la paix,<br />
craint «qu'avec un encadrement idéologique approprié, on puisse faire croire que<br />
l'horreur de la guerre doive conduire à remettre en cause l'existence même de notre<br />
armée et que le désir de paix puisse s'assimiler avec le refus de servir (…) un tel centre<br />
(…) ne servirait en définitive pas sa cause, mais profiterait plutôt aux puissances<br />
étrangères qui entretiennent des armées à visées expansionnistes».<br />
<strong>Le</strong> classement sans suite de la pétition est voté à l'issue du deuxième débat.<br />
Survient alors un incident de procédure cocasse: plusieurs conseillers demandent une<br />
discussion sur le rapport de minorité. Or le débat est clos puisque le vote a eu lieu.<br />
Alors qu'un élu radical estime que «si les conseillers municipaux de la gauche ne<br />
connaissent pas leur règlement, qu'ils s'en prennent à eux!», c'est l'extrême-droite qui<br />
vient au secours des minoritaires. Un conseiller vigilant demande qu'on laisse la parole<br />
au rapporteur de minorité, car «ce serait dommage qu'un débat soit éjecté». Et puis<br />
«nous pourrions aussi, nous, être victimes de ce règlement, et je n'aimerais pas ne pas<br />
pouvoir m'exprimer».<br />
Prenant enfin la parole, le second rapporteur signale simplement l'inquiétude<br />
des membres de la minorité au sujet de la paix. Ainsi «au niveau du monde, il est faux<br />
de penser que la paix dépend uniquement des grandes puissances. Il est en effet plus<br />
sécurisant de développer seulement une armée défensive que de rechercher des<br />
moyens adéquats de rapprocher les peuples entre eux». Un centre pour la promotion<br />
de la paix paraît indispensable. Mais comme un tel projet n'est pas encore mûr, les<br />
commissaires qui soutiennent le rapport de minorité retirent «leur demande au Conseil<br />
administratif d'étudier la création d'un centre pour la paix», tout en annonçant le<br />
prochain dépôt d'une motion allant dans ce sens (9) .<br />
La discussion se termine sur cette décision un peu surprenante mais finalement<br />
habile, car préservant les chances de cet autre projet.<br />
Une conclusion qui n'en est certainement pas une<br />
En étudiant la «préhistoire» du musée, on constate qu'il est devenu,<br />
certainement à son corps défendant, un objet de polémique. Ce n'est pas en soi<br />
surprenant eu égard à sa «matière». Et l'on connaît d'autres exemples de musées<br />
devenus l'enjeu de débats plus politiques que culturels ou techniques: art moderne,<br />
ethnographie…<br />
C'est bien ce qui frappe en relisant les comptes-rendus du Grand Conseil ou du<br />
Conseil municipal: la discussion porte peu ou pas sur la finalité ou l'essence même du<br />
musée. Seule une députée socialiste, en 1978, s'interroge sur son contenu et sur la<br />
manière de le présenter. Et encore intervient-elle à mauvais escient puisqu'elle fait<br />
référence au service étranger, pour l'essentiel un phénomène d'Ancien Régime qui<br />
n'entre pas dans le cadre cantonal et contemporain du musée.<br />
Pour le reste, le projet de musée se trouve pris dans un champ de tensions entre<br />
82 <strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong><br />
QUELQUES SOUVENIRS «D'AVANT» LE MUSÉE MILITAIRE GENEVOIS<br />
deux visions du monde diamétralement opposées. Il participe ainsi, au sens large, à<br />
cette guerre froide qui fera l'objet, en 2004, d'une exposition dans ses murs.<br />
Il paraît bien entendu légitime de réfléchir sur la défense nationale, la neutralité<br />
armée, la promotion de la paix ou la définition du danger intérieur et extérieur. Mais à<br />
l'époque cela n'a pas contribué à la sérénité des débats sur un projet dont le but était et<br />
reste de mettre en valeur un domaine historique spécifique pour une période donnée.<br />
C'est ce qu'a essayé tant bien que mal de rappeler le Conseiller administratif R.<br />
Emmenegger. Avec le recul du temps, ces joutes verbales font parfois sourire. Mais qui<br />
aurait pu prévoir l'effondrement du bloc soviétique et de ses «armées à visées<br />
expansionnistes», ou encore l'étonnante reconversion de la plupart des armées<br />
occidentales dans des missions humanitaires dites de maintien ou de rétablissement de<br />
la paix? Qui pouvait imaginer que le département militaire fédéral serait l'artisan<br />
principal de la création d'un «centre de politique de sécurité» ayant vocation de<br />
promouvoir la paix à travers la stabilité internationale et les droits de l'homme? Mais<br />
à notre tour nous nous écartons du sujet…<br />
Inauguré à l'automne 1984, le musée mène depuis lors une vie régulière et<br />
modeste, ponctuée chaque année par la parution du bulletin (ce numéro est le 24e) et<br />
de temps à autre par une exposition sur un thème précis.<br />
Dans la Tribune de Genève des 27 et 28 juillet 1985, J.-C. Mayor proposait de<br />
faire au musée un «petit pèlerinage pour le 1er Août». L'idée pouvait sembler<br />
prématurée après une année d'existence; c'est moins le cas après deux décennies.<br />
Mais pèlerinage ou pas, et aussi paradoxal que cela paraisse, le musée est<br />
résolument tourné vers l'avenir. D'ailleurs 20 ans est le bel âge, celui auquel on a<br />
encore toute la vie devant soi!<br />
Notes<br />
1. A contrario plusieurs «musées forteresses» ont ouvert ces dernières années. Mais le contexte est<br />
différent : ces musées sont nécessairement moins généralistes que le <strong>Musée</strong> militaire genevois,<br />
axés qu'ils sont sur la ou une fortification et sur l'époque de sa construction. Cela étant, on ne peut<br />
que se féliciter de l'existence de tels musées à Vallorbe, Reuenthal, Saint-Maurice ou Stansstad.<br />
2. Tribune de Genève, 8 septembre 1978. Journal de Genève, 26 avril 1979. <strong>Le</strong> Courrier, 11 janvier<br />
1979.<br />
3. Tribune de Genève, 8 septembre 1978 et 21 juin 1979. Journal de Genève, 8 janvier 1981.<br />
4. Tribune de Genève, 8 septembre 1978 et 28 septembre 1984.<strong>Le</strong> Courrier, 11 janvier 1979. La<br />
Suisse, 24 novembre 1980.<br />
5. Mémorial des séances du Grand Conseil, 1978, p. 4242, 4395-4396 (8 décembre 1978. ; et 1979,<br />
p. 4206 (14 décembre 1979).<br />
6. Mémorial des séances du Conseil municipal de la Ville de Genève, séance du 20 avril 1982 (p.<br />
3703-3711) ; et séance du 7 septembre 1982 (p. 653-665) ; lettre de remerciements de<br />
l'association, séance du 14 décembre 1982 (p. 1675-1676).<br />
7. La Suisse, 8 septembre 1982. Mémorial des séances du Conseil municipal de la Ville de Genève,<br />
séance du 7 septembre 1982, p. 659.<br />
8. La Suisse, 31 octobre 1983.<br />
9. Mémorial des séances du Conseil municipal de la Ville de Genève, séance du 15 novembre 1983,<br />
p. 1037, et du 5 juin 1984, p. 363-370.<br />
<strong>Le</strong> <strong>Brécaillon</strong><br />
83