page 18 - Fragile Suisse

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« J’avais besoin de réponses à mes questions. La conseillère de la Helpline m’a donné tellement plus » Grâce à l’aide de la Helpline, Sonia F. a trouvé de nouveaux repères. Elle se sent désormais apaisée et a retrouvé le sourire. « Je préfère ma vie maintenant » Texte : Carine Fluckiger, Photos : Francesca Palazzi C’est une miraculée qui a retrouvé le sourire et la joie de vivre. Après un grave accident en 2007, la jeune Sonia F. passe d’une vie menée tambour battant au repli sur soi et à la dépression. Grâce à l’aide de la Helpline de FRAGILE Suisse, elle a retrouvé une vie sociale et des réponses à ses nombreuses questions. Elle a même trouvé l’amour et s’est mariée le 14 septembre dernier ! « Ma vie s’est arrêtée le 20 mars 2007. Je venais d’avoir 30 ans. » C’est avec le sourire aux lèvres et l’œil pétillant que Sonia F. prononce ces mots terribles. Difficile d’imaginer tout ce que la jeune femme a traversé. Difficile aussi de soupçonner des déficits qui, chez elle, méritent décidément le qualificatif d’ « invisibles ». Sonia F. se décrit comme une battante, une aventurière même, assoiffée d’indépendance. Mais c’était avant son accident. Elle l’admet aujourd’hui, elle brûlait un peu la chandelle par les deux bouts : « Je pouvais passer plusieurs nuits de suite sans dormir. Je sortais avec des amis jusqu’au petit matin et enchaînais directement avec le travail. » Elle a aussi le goût du voyage. En 2005, elle décide sur un coup de tête de ne plus vivre en Suisse. Australie, Espagne, Amérique du Sud… C’est avec des projets plein la tête qu’elle se rend à l’étranger, ne rentrant en Suisse que pour des remplacements ponctuels dans son job d’assistante médicale. « A ce soir ! » Le 20 mars 2007, elle n’a plus que quelques jours de remplacement à faire avant de reprendre son balluchon pour regagner Madrid. « Mon dernier souvenir, c’est le ‹ A ce soir ! › que j’ai lancé à mon père. » Après, c’est le trou noir. Trois jours de sa vie ont disparu dans la brèche de son cerveau blessé. Alors qu’elle se rend à pied au travail en ville de Lausanne, Sonia est fauchée par le train régional LEB. Visiblement, c’est la tête qui a absorbé l’essentiel du choc. Pourtant, elle ne restera qu’une petite dizaine de jours en neurochirurgie, où on l’opère au bout de trois jours pour stopper une hémorragie cérébrale. « J’étais sous morphine et ne comprenais pas la 18 FRAGILE Suisse 03 | 2013
gravité de mon état. J’insistais auprès des médecins pour rentrer chez moi. Ils ont accepté, me sachant bien entourée par mes proches. » Une fois de retour à la maison, Sonia se rend compte de l’étendue des dégâts. « On m’avait recommandé de bouger. Mais j’étais épuisée. Je ne parvenais à faire le tour de l’immeuble qu’au prix d’immenses efforts. » Un mois après l’accident apparaissent des symptômes de stress posttraumatique qui ne la quitteront plus : labilité émotionnelle, crises d’angoisse, cauchemars et idées de mort viennent hanter ses nuits. A tel point que Sonia se retrouve aux urgences psychiatriques et qu’elle doit entamer une psychothérapie. Besoin de comprendre « Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Comment se faisait-il que je réagissais à quelque chose dont je n’avais plus aucun souvenir ? » Pourquoi cette fatigue ? Pourquoi ces hauts et ces bas, ces crises d’angoisse et cette instabilité au niveau de l’humeur ? Sonia F. est une personne qui aime aller au fond des choses : « J’ai besoin de participer à ma guérison. » C’est dans ce tourbillon de questions que, trois ans après son accident, Sonia F. contacte la Helpline de FRAGILE Suisse. « Cela faisait des années que je me battais contre mon état plutôt que de l’accepter. Je prenais claque sur claque et j’avais un sentiment d’échec récurrent. Je voulais qu’on réponde enfin à toutes mes questions. » Le poids de la culpabilité A l’époque, Sonia avait repris son travail d’assistante médicale à 80 %. Son médecin de famille avait beau insister pour qu’elle baisse son taux d’occupation, rien n’y faisait. « Je me sentais coupable. Coupable d’être une victime, coupable de ne pas travailler à 100 %. Je viens d’une famille d’immigrés qui a l’habitude de travailler dur. Je me sentais d’autant plus jugée par les autres que j’étais moi-même incapable d’expliquer mes handicaps », dit-elle. Sonia F. prend donc rendez-vous avec Christine Jayet-Ryser, conseillère de la Helpline de FRAGILE Suisse, dans l’espoir de recevoir enfin des explications. « Je l’ai vue deux fois. J’attendais des réponses à mes questions. Elle m’a donné tellement plus. » L’entretien lui fait l’effet d’un déclic. Pour la première fois, on lui expliquait clairement les mécanismes qui, dans un FRAGILE Suisse 03 | 2013 cerveau blessé, peuvent engendrer une immense fatigue. Ce faisant, on la libérait du poids de la culpabilité qui la poussait à faire toujours plus qu’elle n’en était capable. « Dans ma bulle » L’autre influence déterminante de cet entretien portera sur la vie sociale de Sonia. « J’étais tellement épuisée par le travail que je m’étais enfermée dans une bulle, persuadée que les gens ne m’intéressaient pas. La conseillère de la Helpline m’a fait comprendre que ce repli sur soi n’était pas normal et que de voir des amis m’aiderait à aller mieux. » Suite à cet entretien, Sonia F. est enfin disposée à écouter les conseils de son médecin et accepte de baisser son temps de travail. Elle recommence à sortir – « raisonnablement », souligne-t-elle en souriant – et fait ainsi la rencontre de Mirko, avec lequel elle s’est fiancée en mars dernier. Restait à inclure ses parents, et son père en particulier, dans ce processus de compréhension. A la demande de Sonia, Christine Jayet-Ryser les reçoit également. « Un médecin avait tenté de les rassurer en leur disant que la fatigue disparaîtrait une fois passée la dépression de Sonia. Ils ne comprenaient pas pourquoi ce n’était pas le cas et pensait que leur fille manquait simplement de motivation », se rappelle la conseillère de la Helpline. L’effet, là aussi, semble avoir été radical : « C’est comme si tout à coup, ils comprenaient », se souvient Sonia. « Mes réponses ne leur suffisaient pas. La parole d’une personne neutre et professionnelle avait un tout autre poids. Mes parents ont fini par accepter qu’avec la volonté, on n’arrive pas à tout. » Le goût de la routine Aujourd’hui, Sonia n’a plus de crises d’angoisse et se sent enfin sereine. Il lui arrive encore de trop en faire et de le payer au prix d’une grande fragilité. Mais dans l’ensemble, elle a compris ses besoins et a modifié son rythme de vie. « Je ne voudrais plus de ma vie d’avant ! Moi qui détestais la routine, je la recherche maintenant. J’ai arrêté de dépenser de l’énergie inutilement. » Sonia a trouvé en son mari Mirko un complice attentif et toujours présent. La marche en forêt est un des secrets de Sonia pour évacuer ses tensions. Son accident lui a donné envie de venir en aide aux autres: Sonia termine des études en kinésiologie. 19
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