Spectrum_6_2019
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CRITIQUE
Here is not Yemen
On a tou·te·s cet·te ami·e dont les goûts musicaux
sortent des sentiers battus. Il·elle écoute
certes de la pop comme tout le monde, mais ne se
contente pas des airs mainstream. C’est ainsi qu’un
soir, autour d’un bon verre de vin, cet·te ami·e vous
fait découvrir ce clip qui vous donne envie de déhancher
votre boule.
« Hana Mash Hu Al Yaman » (traduisez par « Ici,
ce n’est pas le Yémen ») reprend tout ce qui a fait
le succès des trois sœurs du groupe A-Wa. Juives
israéliennes d’origine yéménite, elles se sont fait
connaître en 2015 avec le tube « Habib Galbi ». Ce
mélange détonnant de chant arabe et de musique
hip-hop et électro s’était hissé immédiatement à la
tête du hit-parade israélien, avant de conquérir le
reste du Moyen-Orient. Preuve que tout ne divise
pas forcément aux pays du Levant.
Leur dernier album « Bayti Fi Rasi », dont est extrait
« Hana Mash Hu Al Yaman », raconte l’histoire
de leur arrière-grand-mère Rachel, qui a dû fuir le
Yémen en 1949, dans le cadre de l’opération Tapis
volant. C’est l’histoire d’un déracinement, le témoignage
par procuration d’une réfugiée. La musique
entraînante du clip, la chorégraphie éclatante
des danseur·euse·s et le style hors norme des trois
chanteuses nous feraient presque oublier la gravité
du propos. C’est là tout l’art d’A-Wa qui nous conte
la mélancolie avec panache et optimisme.
Sylvain Cabrol
A-Wa
« Hana Mash Hu Al Yaman »,
extrait de l’album « Bayti Fi
Rasi »
Clip
4 minutes
Les cendres du passé
L
’enfance est douloureuse : il faut la retirer, l’arracher
à sa peau.
« L'enfance est un couteau planté dans la gorge »,
tels sont les mots de Wajdi Mouawad qui résonnent
tout au long d’Incendies. Nawal Marwan décède
après de longues années de silence et ses enfants, les
jumeaux Jeanne et Simon, se retrouvent face à une
épreuve dont il et elle ne soupçonnaient pas l’existence
: remettre deux lettres, l’une à leur frère inconnu,
l’autre à leur père supposé mort. Il et elle doivent
remonter le fil d’un passé tu, celui d’une jeune fille
qui fuit son village natal pour apprendre à lire et à
écrire et qui se dressera contre la guerre de son pays.
Celui d’une mère aussi, dont le premier enfant lui
est arraché, dont le premier amour – le vrai – lui est
interdit. C’est à cet événement, à son identité, que
doivent remonter les jumeaux. Pour comprendre
qui elle était, ce qui s’est passé, pour comprendre,
peut-être, la seule phrase que leur mère ait prononcée,
juste avant de mourir : « Maintenant que nous
sommes ensemble, ça va mieux. »
Mais le prix de la vérité est lourd à porter. L’auteur
mène le lecteur à suivre le même cheminement
morcelé, le même questionnement et la même incertitude
que ceux traversés par les jumeaux. Au fil
des drames, des souvenirs brisés, des lignes rompues
et renouées, Mouawad trace de ses mots ciselés
le chemin pour enfin briser le silence.
Une quête. Parce qu’il y a « des vérités qui ne peuvent
être révélées qu'à la condition d'être découvertes. »
Amélie Gyger
Incendies (deuxième volet
de la tétralogie Le Sang des
promesses)
Wajdi Mouawad
Type d’œuvre : Pièce de
théâtre
176 pages
Un sacré numéro
Pour son premier roman, l’autrice nous plonge dans
le quotidien un poil solitaire de Catherine, professeure
de français et célibataire endurcie. L’héroïne,
entourée de Bénédicte (sa meilleure amie) et Luc (son
chat), décide de faire quelque chose de fou : appeler
un certain Jean-Philippe, dont le numéro s’est retrouvé
perdu dans les pages du livre qu’elle a emprunté
à la bibliothèque.
Si j’avais un perroquet je l’appellerais Jean-Guy est
un roman léger, absurde et pétillant, qui réussit à
nous amener du rire aux larmes. Il raconte avec justesse
le parcours du combattant de Catherine pour
réapprendre à aimer, ce qui n’est pas chose facile
puisque son ex petit-ami l’a traumatisée en la trompant
avec sa sœur.
Blandine Chabot réussit – malgré quelques clichés – à
créer une héroïne attachante. Maladroite, rigolote,
un peu cassée et une bonne amie, qui ne l’aimerait
pas ? La plus grande caractéristique de la protagoniste
reste le fait qu’elle sur-analyse tout ce qui lui
arrive. Elle prend ses décisions suivant les signes que
lui envoie la vie et croit en la numérologie.
Catherine est un personnage haut en couleurs, qui
doit faire face, durant deux cent quatre-vingt-cinq
pages, à des parents d’élèves insupportables, une
meilleure amie qui n’en est pas une, un adultère et
une solitude écrasante. Plus qu’une romance, l’autrice
nous offre un roman sur la vie, avec ce qu’elle a
de beau, de laid et de fou.
Julie Chautard
Si j’avais un perroquet je l’appellerais
Jean-Guy
Blandine Chabot
Roman
285 pages
24 12.2019