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Q<br />
l i t t é r a t u r e Q U É B É C O I S E<br />
GABRIEL EST PERDU<br />
Julien Roy, XYZ, 168 p., 19,95$<br />
Gabriel est perdu après avoir vécu une intense histoire<br />
d’amour avec Fannie. Dans ce roman, plusieurs fragments<br />
de texte nous permettent de suivre cette relation parfois<br />
destructrice qui laisse les amoureux meurtris plus souvent<br />
qu’heureux. Dans la lignée des Alexandre Soublière et Marie-<br />
Sissi Labrèche de ce monde, Julien Roy s’en remet à une<br />
langue crue et à un français auquel s’entremêle l’anglais. Le<br />
pessimisme du narrateur mène à de belles envolées éditoriales<br />
et remplies d’amertume sur la société dans laquelle il vit. La<br />
force de ce récit est de nous pousser à poursuivre, malgré le<br />
questionnement engrangé par la narration multiple de cette<br />
histoire d’amour on ne peut plus contemporaine.<br />
Victor Caron-Veilleux Livres en tête (Montmagny)<br />
DES LAMES DE PIERRE<br />
Maxime Raymond Bock, Le Cheval d’août, 104 p., 18,95$<br />
J’avais eu le plaisir de découvrir l’univers de Maxime Raymond<br />
Bock dans son recueil de nouvelles Atavismes. Bien sûr, lorsqu’un<br />
livre me plaît, j’attends avec impatience les prochaines parutions<br />
de l’auteur. Voilà donc que cette petite novella apparaît sur<br />
nos rayons. Le contexte : monsieur Bock cherche l’inspiration<br />
et s’attache à un monsieur très commun, banal, sans histoire.<br />
Comme ça, pour rien. Un monsieur seul qui se veut poète et qui<br />
pourrait être votre voisin. Bref, si au départ l’auteur voulait profiter<br />
de son sujet pour faire mousser son imaginaire, il se rend vite<br />
compte que cet être banal l’obsède complètement, qu’il est entièrement happé<br />
par celui-ci, et il nous en fait heureusement profiter. À lire absolument!<br />
Shannon Desbiens Les Bouquinistes (Chicoutimi)<br />
14 • LES LIBRAIRES • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2015<br />
TOUTES CELLES QUE J’ÉTAIS<br />
Abla Farhoud, VLB éditeur, 304 p., 26,95$<br />
Abla Farhoud possède l’art de l’hospitalité. J’ouvre son livre<br />
et dès les premières pages, je me sens accueillie, bienvenue.<br />
Discret, l’élan de ses mots me pousse ailleurs. Elle raconte ici<br />
son parcours de migrante sous forme de roman. À travers les<br />
yeux d’une enfant vive et curieuse, puis d’une adolescente<br />
déchirée entre ses obligations familiales et son désir<br />
d’émancipation, l’auteure nous ouvre grandes les portes des<br />
aléas d’un départ et d’une arrivée, de la perte des repères<br />
à la fébrilité de la découverte d’un nouveau monde. Pour<br />
mieux appréhender sa réalité, elle enchaîne les identités, se<br />
faufile dans ses multiples facettes et livre un témoignage poignant du parcours<br />
chaotique des enfants immigrés.<br />
Chantal Fontaine Moderne (Saint-Jean-sur-Richelieu)<br />
LA BÊTE À SA MÈRE<br />
David Goudreault, Stanké, 232 p., 22,95$<br />
Les liens mère-fils sont très forts, même lorsque cette mère est<br />
inapte et suicidaire. Après avoir vécu dans différents centres<br />
et familles d’accueil, le narrateur va tout faire pour retrouver<br />
la sienne. Malheureusement pour lui, pendant toutes ces<br />
années de galère, personne n’a su le dompter et lui montrer<br />
les règles simples de la vie en société. Sans se rendre compte<br />
de ses multiples déviances, il partira à la recherche de sa mère<br />
idéalisée en faisant du mal aux chats et aux gens qui vont<br />
croiser sa route. Un univers trash soutenu par une écriture<br />
magnifique. David Goudreault est travailleur social et slameur :<br />
il a le sens du rythme et ça se sent tout au long de ce roman,<br />
permettant de mettre un peu de poésie dans ce monde débridé.<br />
Marie-Hélène Vaugeois Vaugeois (Québec)<br />
LE REPAIRE DES SOLITUDES<br />
Danny Émond, Boréal, 160 p., 19,95$<br />
J’ai d’abord été happée par la tête rasée, tatouée de serpents<br />
et de spirales à la Tim Burton, en couverture du recueil. Je l’ai<br />
ouvert et je m’y suis perdue, ou plutôt retrouvée, dans ce repaire<br />
des solitudes. Je fais peut-être partie de ces solitudes que décrit<br />
Danny Émond pour m’y être sentie comprise et expliquée à<br />
travers des personnages qui ne sont pas moi. D’une nouvelle à<br />
l’autre, j’ai lu des gens qui existent et qui crient de vérité, tout<br />
en étant des personnages de fiction. Je me suis même demandé<br />
à un moment si Émond ne les connaissait pas, ces solitudes, ou<br />
s’il ne faisait que les imaginer. Dans tous les cas, c’est avec une<br />
maîtrise des mots et une grande sensibilité qu’il leur rend hommage dans ce recueil<br />
à lire et relire!<br />
Charlotte Bouchard Les Bouquinistes (Chicoutimi)<br />
Philippe Fortin<br />
de la librairie Marie-Laura<br />
UN CHOIX DE<br />
(Jonquière)<br />
MATISIWIN<br />
Marie Christine Bernard, Stanké, 154 p., 22,95$<br />
Aller marcher sur la trace de nos ancêtres atikamekw pour tenter<br />
de se retrouver peut sembler un acte bien solitaire. Pour Sarah,<br />
ce sera l’occasion de renouer avec son peuple, sa famille et sa<br />
propre vie. Tout au long du chemin du moteskano, l’esprit de sa<br />
grand-mère la guidera. Les paroles de l’ancêtre lui raconteront<br />
l’histoire de son peuple, l’importance des traditions, les malheurs<br />
de ces enfants enlevés à leurs parents pour être envoyés dans<br />
des pensionnats et surtout les douleurs qui se transmettent de<br />
génération en génération. Des paroles apaisantes pour Sarah<br />
et pour le lecteur. Un superbe roman initiatique et une belle<br />
déclaration d’amour aux Premières Nations.<br />
Marie-Hélène Vaugeois Vaugeois (Québec)<br />
L’HOMME QUI A VU L’OURS<br />
Patrick Roy, Le Quartanier, 464 p., 28,95$<br />
Nous voici devant un roman habile, sobre et<br />
maîtrisé. Empruntant au polar un sens du récit<br />
aux qualités haletantes, Roy troque le traditionnel<br />
inspecteur pour Guillaume Fitzpatrick, un journaliste<br />
sportif québécois parachuté biographe<br />
d’un ex-champion américain de lutte. À la manière<br />
de Jack Nicholson dans Chinatown, notre homme<br />
se retrouve bien malgré lui embourbé dans des<br />
histoires pas trop propres n’ayant rien à voir<br />
avec la lutte. Au fil d’un récit dont l’intensité<br />
alloue l’inopiné du feu de l’action, c’est tout un<br />
monde qui émerge, îlot isolé, bribes de gloires,<br />
pages tournées et rancunes inassouvies. Mais c’est aussi le roman d’un<br />
homme seul, Fitzpatrick portant en lui ce subtil mélange de résignation,<br />
de mélancolie, d’ambition et de cynisme qui constitue le lot des solitaires.<br />
Secondé dans sa tâche par Turcotte, journaliste de moindre envergure<br />
avide de se faire un nom et dont le zèle mal placé finira par leur coûter<br />
cher à tous les deux, Fitzpatrick peine à maintenir le cap sur la vie de ce<br />
Tommy Madsen énigmatique, fumeur de joints, prude et tonitruant tout<br />
à la fois, qu’il réussit néanmoins à prendre « en flagrant délit de bullshit ».<br />
Figé dans un passé que l’on revisite sans permission, L’homme qui a vu<br />
l’ours retrace une époque, un territoire, une vision du monde. Plus que<br />
la remontée d’une vie, une plongée en douceur au plus profond de<br />
l’entonnoir.