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questions à…<br />
3<br />
36 • LES LIBRAIRES • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2015<br />
David Bouchet<br />
UN SOLEIL DANS<br />
LA NUIT NOIRE<br />
SOLEIL<br />
David Bouchet<br />
LA PEUPLADE ROMAN<br />
Coscénariste du film La pirogue, sélectionné par le Festival de<br />
Cannes en 2012, David Bouchet intègre l’univers du roman avec<br />
un naturel déconcertant. Son premier-né, Soleil (La Peuplade), est<br />
éblouissant, c’est le moins qu’on puisse en dire. À travers les yeux<br />
d’un jeune Sénégalais venu s’installer au Québec avec sa famille, on<br />
découvre un monde fait de contradictions et de beauté.<br />
Soleil est une histoire de déracinement, mais c’est aussi un récit sur la<br />
famille, l’amitié, l’humanité. À la croisée des cultures, on y découvre la<br />
nature humaine baignée de lumière. On ne peut finalement s’empêcher<br />
de penser que c’est un roman qui fait du bien. Cherchiez-vous à réchauffer<br />
des cœurs avec votre Soleil? Oui, bien sûr, on peut le voir comme ça, un soleil<br />
sur nos cœurs refroidis, un baume sur toutes nos douleurs, une embrassade au<br />
sens de prendre dans ses bras pour consoler et redonner confiance. Cela me<br />
fait penser aux gens qui distribuent des câlins gratuitement dans la rue, c’est<br />
tellement symptomatique de notre époque. Et j’aime l’idée qu’un livre puisse<br />
faire du bien, comme un film, une musique, comme n’importe quelle expression<br />
créative, et si c’est le cas, alors je suis comblé.<br />
A-t-il été difficile pour vous de retourner dans la tête d’un jeune garçon<br />
de 12 ans, de renouer avec cette poésie de l’enfance, ce regard naïf qui<br />
dévoile tout? C’est vrai que ce n’est pas un roman jeunesse et qu’il n’est jamais<br />
simple d’essayer de penser comme un enfant de 12 ans, aussi allumé soit-il. En<br />
écrivant, il faut essayer de se débarrasser de ce prisme d’adulte, chasser les idées<br />
ou les propos un peu trop alambiqués, chercher justement à replonger dans<br />
cette pureté, cette spontanéité par laquelle nous sommes tous théoriquement<br />
passés. Forcément, aussi, j’ai été puiser dans ce que je parvenais à comprendre<br />
– ou à imaginer – de la perception de mes propres fils face à cette aventure de<br />
migration que nous, les parents, leur avons imposée.<br />
Vous avez passé une grande partie de votre vie à Dakar, et cette migration<br />
familiale vers le Québec, vous l’avez vous-même vécue. Avez-vous,<br />
comme le père du récit, eu du mal à vous adapter à cet exil, à cette « perte<br />
de mémoire », comme vous l’appelez?<br />
Non, je n’ai pas eu de mal à m’adapter à cet exil, il faisait suite à d’autres exils<br />
et le Québec sait accueillir. L’aspect « perte de mémoire » est un point de vue de<br />
l’enfant, mais c’est plus la construction de mémoire qui m’interpelle. Si on ne<br />
quitte pas un endroit, il n’y a pas un vrai travail de mémoire, tout se passe autour<br />
de nous, au quotidien, et on n’y fait pas vraiment attention. Quand on vit l’exil,<br />
on est dans un processus de construction de mémoire. Qui dit déracinement<br />
ici, dit enracinement ailleurs. Et la mémoire, c’est aussi le présent et le futur :<br />
instinctivement, on la projette.<br />
© Gopesa Paquette<br />
3 générations d’auteurs à lire<br />
peu importe votre âge<br />
Claude Jasmin a beau approcher de ses 85 ans, c’est dans son adolescence<br />
qu’il nous invite à plonger dans Angela, ma petite-Italie (XYZ), un roman tout<br />
en souvenirs qui vient clore la trilogie de l’auteur sur ses amours de jeunesse,<br />
entamée avec Anita, une fille numérotée, et qui nous fait découvrir la Petite<br />
Italie des années 50. Si Stéphane Dompierre portait les aspirations des<br />
jeunes trentenaires dans Un petit pas pour l’homme, il endosse maintenant<br />
corps et âme les aléas de la quarantaine dans Tromper Martine (Québec<br />
Amérique). Nicolas, qui est au bout du rouleau, se fait prescrire des vacances<br />
qui se transforment en véritable fuite en avant, durant laquelle il ne manque<br />
pas de croiser Daniel qui n’est pas vraiment en meilleure forme que lui. Une<br />
virée européenne à savourer, d’autant plus qu’elle clôt la trilogie lancée par<br />
Dompierre dix ans plus tôt. C’est donc au tour d’Alexandre Soublière de<br />
reprendre le flambeau de la jeune trentaine, voire de la fin vingtaine. Dans<br />
son deuxième roman, Amanita Virosa (Boréal), l’auteur de Charlotte before<br />
Christ écrit une fois de plus pour et sur sa génération,<br />
et ce, sans concession. Une plume qui ne démord pas<br />
d’audace et qui trace son chemin parmi la relève!<br />
Le parfum<br />
de Janis<br />
Corinne Larochelle<br />
3 plumes aiguisées<br />
par la poésie<br />
C’est très souvent un bonheur de plonger dans le roman d’un auteur<br />
habitué à la poésie. Judy Quinn le prouve d’ailleurs une seconde fois<br />
avec Les mains noires (Leméac). L’écrivaine, qui a remporté le prix Robert-<br />
Cliche pour Hunter s’est laissé couler, revient sur le chemin romanesque<br />
avec un récit dense qui nous transporte, sur plusieurs générations, de<br />
l’Ukraine au Québec. Le poète Mario Cholette fait quant à lui ses<br />
premiers pas dans l’univers du roman avec Marie-Louise court dans la<br />
neige (Leméac), mais rien n’y paraît! Il nous offre une fresque très étoffée<br />
sur la condition de la femme dans les années 30, à travers le parcours<br />
de Marie-Louise dont la vie est racontée à son petit-fils plusieurs années<br />
plus tard. Et que dire du magnifique Le parfum de Janis de Corinne<br />
Larochelle (Le Cheval d’août)! Un premier roman tout en finesse et en<br />
grandeur qui raconte les liens qui unissent une femme et sa mère. Ainsi,<br />
dans une étonnante simplicité et avec beaucoup de beauté, ce récit raconte<br />
la famille, l’attachement, mais aussi la fin d’une époque.<br />
3 romans qui vous retournent l’âme<br />
Attention, il faut avoir les nerfs solides pour plonger dans le nouveau<br />
roman de Marie-Célie Agnant. Pourtant, derrière la violence de la<br />
dictature haïtienne, Femmes au temps des carnassiers de (Remue-ménage) est avant tout une<br />
histoire de résistance à la terreur, de solidarité et d’amour. C’est un hommage aux courages des<br />
femmes qui nourrissent l’humanité par leur refus au silence. Hugues Corriveau met lui aussi nos<br />
cœurs à rude épreuve avec Les enfants de Liverpool (Druide). Inspiré d’une histoire vraie, l’auteur<br />
tente de comprendre dans ce récit ébranlant comment deux jeunes garçons de 10 ans ont pu<br />
kidnapper dans un centre commercial, et tuer par la suite, un enfant de 2 1/2 ans. Il est également<br />
question de ravisseurs dans Sans elle d’Andrée Laurier (Lévesque éditeur), mais ce qui nous<br />
ébranle le plus dans ce récit, c’est probablement la plume sans concession de l’auteure qui, à travers<br />
un regard extralucide sur la vie, sur la mort, dissèque tout jusqu’à la moelle. Ce n’est pas une lecture<br />
facile, ni dans le propos ni dans la forme, mais c’est une lecture qui vous retourne l’âme dans tous<br />
les sens.<br />
Roman<br />
© Remue-ménage