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ENTREVUE<br />
Maxime Olivier Moutier<br />
POUR L’AMOUR<br />
DE L’ART<br />
32 • LES LIBRAIRES • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2015<br />
Maxime Olivier Moutier retourne en classe le temps de<br />
rédiger son Journal d’un étudiant en histoire de l’art,<br />
autofiction fildefériste qui fait le pari de la connaissance<br />
comme ultime filet de sécurité pour ne pas tomber dans<br />
le précipice de sa propre folie.<br />
Par Dominic Tardif<br />
Maxime Olivier Moutier n’est pas un étudiant exemplaire. « Je travaillais<br />
plus à l’écriture du livre que sur mes travaux », confie-t-il au sujet du<br />
retour en classe qu’il effectuait en 2008, prémisse de son tout nouveau<br />
Journal d’un étudiant en histoire de l’art. « C’est difficile de reprendre<br />
l’université à 38 ans, c’est beaucoup de job, alors ces études-là se<br />
justifiaient parce que je m’intéresse à l’art depuis longtemps, oui, mais<br />
aussi parce que je savais que j’écrirais ce journal. Toutes proportions<br />
gardées, c’est comme si je m’étais dit : “Je vais aller dans un pays en<br />
guerre et je vais écrire sur ce que je vis.” »<br />
Les habitués de l’œuvre de l’auteur de Marie-Hélène au mois de mars<br />
et de Lettres à mademoiselle Brochu retrouveront le narrateur à la fois<br />
acerbe et tendre, profondément animé par un espoir solaire et tiré vers le<br />
fond par l’ivresse d’un nihilisme noir, qui avait pris un pas de recul dans<br />
ses récents livres, plus tournés vers l’auscultation du désespoir ordinaire<br />
des autres. Retour à une forme d’autofiction rude et impudique, donc, à<br />
la différence près que Moutier a ici parfaitement choisi et prémédité la<br />
situation qui deviendrait sa matière première.<br />
« L’hyperréalisme, c’est un terme que j’ai fait mien il y a quelques livres,<br />
quand je me suis mis à tripper sur la peinture hyperréaliste », explique-til<br />
au sujet du style sans fioriture qu’il préconise. « J’aime quand un artiste<br />
montre des gens et des choses qui sont vrais. Tout le Journal est fondé<br />
sur quelque chose que j’ai décidé de vivre précisément dans l’objectif<br />
de le raconter, mais de plus en plus, j’accepte de flyer, de transformer<br />
ça. J’ai l’impression que la partie fiction prend plus de place dans mon<br />
œuvre. »<br />
Ce que raconte le Journal est à la fois entièrement contenu dans son<br />
titre et impossible à encapsuler en une seule phrase, tant Moutier adhère<br />
vraiment à la forme du diariste, tremplin tout désigné pour de longues et<br />
souvent passionnantes digressions sur l’art contemporain – le narrateur<br />
passe le plus clair de son temps à errer dans les galeries et à potasser<br />
des catalogues d’expositions. Tremplin tout désigné aussi pour d’acides<br />
commentaires sur une société anesthésiée par le bonheur carton-pâte<br />
du métro-boulot-dodo. Le romancier n’a jamais très bien su dompter<br />
l’essayiste chez Moutier, et vice-versa; c’est ce qui a souvent été sa plus<br />
grande paresse. C’est ici sa plus réjouissante qualité.<br />
« Outre quelques exceptions comme Mathieu Arsenault ou Marc-Antoine<br />
K. Phaneuf, qui font éclater la langue, je ne m’intéresse pas beaucoup<br />
aux écrivains. À mon avis, c’est dépassé le roman. Il n’y a pas beaucoup<br />
JOURNAL D’UN<br />
ÉTUDIANT EN<br />
HISTOIRE DE L’ART<br />
Marchand de feuilles<br />
586 p. | 34,95$<br />
© Sylviane Robini Photographe