State, community, individual - Societal and Political Psychology ...
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coupables. L’accusation des tortionnaires de<br />
Piteşti a favorisé la thèse d’un complot organisé<br />
par les membre de la Garde de Fer 11 ,<br />
organisation nationaliste et fasciste d’entre<br />
les deux guerres. Cette organisation avait été<br />
demantelée avant même l’arrivé au pouvoir<br />
des communistes. Il est vrai que certains<br />
des étudiants emprisonés à Piteşti avaient des<br />
sympathies à l’égard de cette organisation ou<br />
de certains aspects de sa doctrine. La thèse<br />
que des rescapés de ce mouvement vivant à<br />
l’étranger avaient comm<strong>and</strong>ité l’arrachage de<br />
masques à Piteşti, reste néanmoins absurde.<br />
Le contrôle exercé par l’Parti/Etat communiste<br />
était particulièrement fort à l’égard des<br />
prisonniers politiques. Dans un premier temps,<br />
le procès n’a trouvé des coupables que parmi<br />
les détenus eux-mêmes, un certain nombre recevant<br />
la peine capitale. Parmi eux, celui perçu<br />
par les autres comme ayant justement organisé<br />
l’arachage de masques et la torture, un certain<br />
Ţurcanu. Etudiant lui-même et apparemment<br />
ancien membre de la Garde de Fer, il faisait<br />
partie de la minorité qui a imposé la torture<br />
aux autres, sans l’avoir subie. Dans les yeux de<br />
ses suppliciés, il jouait le rôle du responsable<br />
de la procédure à laquelle ils étaient soumis.<br />
Pour eux, sa condamnation à mort aurait pu<br />
paraitre comme une juste punition, en tous cas<br />
à l’époque. Puis un deuxième procès a élargi<br />
le nombre d’étudiants condamnés à mort (D.<br />
Lăcătuşu, 2009). Un troisième procès, déroulé<br />
en cachette a soumis au jugement des cadres de<br />
la police secrète, impliqués dans cette affaire.<br />
Les peines reçues ont été assez lègères, ce qui<br />
montre que le phénomène Piteşti supposait une<br />
organisation et une conception impliquant les<br />
plus hautes instances du pouvoir communiste.<br />
Voilà un système qui, d’un côté organise des<br />
actions de nature criminelle, de l’autre, sait très<br />
bien cacher son rôle. Il s’agit donc d’un état<br />
fort, qui pratique le double jeu.<br />
Le double jeu<br />
Ce type de double jeu suppose à la fois la<br />
violence et le secret. Le secret qui entourait<br />
l’expérimentation Piteşti ne doit pas étonner.<br />
Apparatchik actif entre les deux guerre,<br />
l’écrivain Arthur Kœstler (1969) évoquait cet<br />
aspect : « Dans les milieux communistes, la<br />
tradition de conspiration est devenue un culte<br />
avec ses rites, ses manies, son jargon. ». Cette<br />
tradition, plus facile à comprendre qu<strong>and</strong> le<br />
<strong>Societal</strong> <strong>and</strong> <strong>Political</strong> <strong>Psychology</strong> International Review<br />
volume 2 ● number 2 ● 2011 ● pp. 65-77<br />
mouvement n’était pas au pouvoir, semble plus<br />
justifi ée pour la police secrète. Mais Kœstler<br />
montre qu’en fait, il y avait toujours un double<br />
jeu : « Cet aspect Jekyll et Hyde, en double<br />
visage du mouvement communiste, allait devenir<br />
un facteur international décisif au cours des<br />
vingt années qui suivirent.» (Ibid.) Même si les<br />
exemples de l’écrivain désignent des périodes<br />
différents autour de la deuxième guerre mondiale,<br />
sa remarque a, à mon sens, une porte encore<br />
plus générale. D’une certaine façon, tout est<br />
mieux confi rmée par les opérations et les attitudes<br />
de la police secrète, l’organisme le plus<br />
important du Parti/Etat.<br />
A Piteşti, il était question de convertir les<br />
jeunes élites intellectuelles qui portaient les valeurs<br />
roumaines traditionnelles. Cette opération<br />
ne devait pas être connue du gr<strong>and</strong> publique<br />
ou à l’extérieur du pays. Elle ne devait pas être<br />
connue, jusqu’à un certain point. Car le projet<br />
de changement social est une conséquence de<br />
la théorie de la lutte des classes, lutte à laquelle<br />
les jeunes doivent participer. « Ce dont a<br />
besoin le régime totalitaire pour guider la conduite<br />
de ses sujets c’est d’une préparation qui<br />
rende chacun d’entre eux apte à jouer aussi<br />
bien le rôle de bourreau que celui de victime.<br />
Cette préparation à deux visages, substitut d’un<br />
principe d’action, est l’idéologie. » (H. Arendt,<br />
1972). D’une certaine façon, pour Arendt,<br />
le double visage ou le double jeu est une conséquence<br />
de la lutte des classes, qui reste un<br />
principe d’action politique même qu<strong>and</strong> les<br />
classes n’existent plus. Autrement dit, le régime<br />
totalitaire s’installe au pouvoir pour éliminer<br />
une partie de la population. Par la suite, il<br />
ne peut pas changer profondément sa justifi cation<br />
historique et son projet social.<br />
Les hauts responsables et leurs subalternes<br />
Les travaux des historiens montrent que<br />
l’initiative et l’organisation de la procédure<br />
revient à Gheorghe Pintilie, qui était agent du<br />
NKVD12 et chef de la Securitate entre 1948 et<br />
1952 (A. Mureşan, 2009). A l’époque de Piteşti<br />
il était aussi ministre adjoint de l’intérieur (de<br />
1949 jusqu’en 1956). Pour mettre en place la<br />
procédure dans la prison de Piteşti, il invoquait<br />
à ses subalternes le fait qu’en Union soviétique,<br />
« le travail informatif » 13 était déjà bien utilisé<br />
dans les centres de détention. Le dirigent du<br />
Parti/Etat communiste, Gheoghe Gheorghiu-<br />
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