State, community, individual - Societal and Political Psychology ...
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Bernard Bernier<br />
Unité et diversité de l’État moderne au Japon<br />
pouvoirs, mentionnés plus haut.<br />
L’État japonais moderne, depuis sa mise en<br />
place au 19 e siècle, a emprunté les structures et<br />
les représentations associées aux États européens<br />
les plus autoritaires. Dès 1868, c’est surtout<br />
l’Allemagne prussienne qui a servi de modèle<br />
aux structures de l’État. Malgré l’imposition<br />
de la démocratie par les Américains entre 1945<br />
et 1952, les dirigeants politiques ont tenté de<br />
maintenir le caractère supérieur et unitaire de<br />
l’État.<br />
Cet article se propose d’analyser ces modifi<br />
cations des représentations et des structures<br />
de l’État au Japon, en tentant de montrer certaines<br />
continuités et discontinuités dans le discours<br />
des dirigeants politiques, de 1868 à nos<br />
jours. En même temps, je me pencherai sur les<br />
divisions et incohérences de l’État japonais à<br />
diverses époques ainsi que sur ses pratiques.<br />
1. La mise en place de l’État de Meiji<br />
Les dirigeants politiques qui ont effectué le<br />
changement de régime et la mise en place<br />
d’un nouveau type de gouvernement en 1868<br />
ont voulu rapidement contrôler le pays à travers<br />
un mode de gouvernement centralisé. Ce<br />
n’était pas une mince tâche. En effet, le mode<br />
de gouvernement antérieur, sous les Tokugawa<br />
(1600-1867), avait été fondé sur une forme<br />
de décentralisation administrative avec environ<br />
265 seigneurs ayant autonomie dans leurs<br />
domaines. Les Tokugawa avaient imposé des<br />
règles communes à l’ensemble du pays et ils<br />
avaient mis en place des moyens pour maintenir<br />
leur autorité sur tous les seigneurs. Mais<br />
les seigneurs avaient le monopole de la taxation<br />
dans leur domaine et ils administraient<br />
la justice, à condition d’assurer le maintien<br />
de l’ordre social. En outre, les guerriers, les<br />
samouraïs, qui formaient une caste héréditaire<br />
supérieure par nature au reste de la population,<br />
dépendaient directement de leurs seigneurs à<br />
qui ils devaient allégeance. Ils n’avaient donc<br />
pas de lien direct de loyauté avec les Tokugawa,<br />
ce qui signifi e que les armées étaient divisées<br />
selon les domaines. De plus, les guerriers<br />
avaient des privilèges spéciaux, comme le pouvoir<br />
d’exécuter les personnes du commun qui<br />
leur manquaient de respect (bien que l’exercice<br />
de ce privilège se soit fortement atténué après<br />
1750). Enfi n, l’éducation du peuple était limitée,<br />
bien que les guerriers, les march<strong>and</strong>s, des<br />
artisans et les propriétaires terriens aient ob-<br />
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tenu une certaine éducation.<br />
Le nouvel État de Meiji ne comportait pas de<br />
chambre élue. Le gouvernement entre 1868 et<br />
1889 était aux mains des dirigeants qui avaient<br />
orchestré le changement de régime, soit pour<br />
la plupart des samouraïs de rangs moyens, associés<br />
au jeune empereur et à quelques princes<br />
de la cour impériale. Le choix des dirigeants se<br />
faisait par cooptation, les anciens choisissant<br />
leurs remplaçants. Entre 1868 et 1880, le nombre<br />
de dirigeants importants n’a cessé de diminuer,<br />
à cause des décès (dont un par assassinat)<br />
et des démissions. Il n’y avait pas de trace<br />
de démocratie, quoique des anciens dirigeants<br />
démissionnaires ont dem<strong>and</strong>é dès les années<br />
1870 la création d’une chambre élue, mais au<br />
suffrage restreint limité aux possédants. Face à<br />
la dem<strong>and</strong>e de création d’un parlement, les dirigeants<br />
ont fi nalement promis en 1885 la mise<br />
en place pour 1889 d’une nouvelle Constitution<br />
qui comprendrait une chambre élue. En<br />
attendant, et pour limiter les droits de ce futur<br />
parlement, les dirigeants ont fait décréter par<br />
l’empereur la création d’un cabinet de ministres,<br />
donc un exécutif, en 1885, indépendant de<br />
toute future chambre élue. En même temps, les<br />
dirigeants ont fait de la bureaucratie une sorte<br />
de corps d’élite, choisi par concours, lui aussi<br />
indépendant des futurs élus.<br />
La tâche du nouvel État était de regrouper<br />
sous son contrôle ce qui avait été divisé selon<br />
les domaines et selon les castes auparavant,<br />
donc le territoire et la population. Pour les dirigeants,<br />
ce regroupement était essentiel si on<br />
voulait éviter d’être colonisé par les puissances<br />
occidentales. Il fallait donc rapidement effectuer<br />
un mouvement de monopolisation des<br />
pouvoirs dans le nouvel État, un mouvement<br />
qui avait été effectué en plusieurs décennies<br />
en Europe. Après avoir évincé les Tokugawa,<br />
et pour assurer idéologiquement cette centralisation,<br />
les nouveaux dirigeants ont nommé<br />
l’empereur comme chef et centre de l’État. Ils<br />
ont aussi procédé à l’élimination des domaines<br />
seigneuriaux, donc à la centralisation du contrôle<br />
sur le territoire, ce qui fut fait en plusieurs<br />
étapes. Le processus a été complété, en<br />
théorie, en 1871, avec la nomination de préfets<br />
dans chacune des provinces du pays ; en théorie,<br />
car plusieurs régions ont continué d’avoir<br />
une gr<strong>and</strong>e autonomie face au gouvernement<br />
central jusqu’à la fi n des guerres internes en<br />
1877 (voir paragraphe suivant). Le gouvernement<br />
a aussi aboli les différences de castes.