LUCRECE De rerum natura De la Nature

LUCRÈCE : De rerum natura LIVRE I De la Nature
166. sed mutarentur, ferre omnes omnia possent.
167. Quippe ubi non essent genitalia corpora cuique,
qui posset mater rebus consistere certa ?
168.
169. At nunc seminibus quia certis quaeque creantur,
170. inde enascitur atque oras in luminis exit,
171. materies ubi inest cuiusque et corpora prima ;
172. atque hac re nequeunt ex omnibus omnia gigni,
173. quod certis in rebus inest secreta facultas.
174. Praeterea cur uere rosam, frumenta calore,
175. uites autumno fundi suadente uidemus,
176. si non, certa suo quia tempore semina rerum
177. cum confluxerunt, patefit quod cumque creatur,
178. dum tempestates adsunt et uiuida tellus
179. tuto res teneras effert in luminis oras ?
180. Quod si de nihilo fierent, subito exorerentur
181. incerto spatio atque alienis partibus anni,
182. quippe ubi nulla forent primordia, quae genitali
183. concilio possent arceri tempore iniquo.
184. Nec porro augendis rebus spatio foret usus
185. seminis ad coitum, si e nilo crescere possent ;
186. nam fierent iuuenes subito ex infantibus paruis
187. e terraque exorta repente arbusta salirent.
188. Quorum nil fieri manifestum est, omnia quando
189. paulatim crescunt, ut par est semine certo,
190. crescentesque genus seruant ; ut noscere possis
191. quicque sua de materia grandescere alique.
192. Huc accedit uti sine certis imbribus anni
193. laetificos nequeat fetus submittere tellus,
166. Mais d’autres : tout pourrait pousser sur tout.
167. Comme il n’y aurait pas de corps générateurs,
168. Qui pourrait dire quelle est la mère de quoi que ce soit ?
169. Mais comme ils sont formés de germes définis
170. Chacun naît et apparaît à la lumière
171. Là où se trouvent ses matériaux, ses corps premiers.
172. Toute chose ne peut donc naître de toute autre,
173. Car les choses ont chacune leurs propriétés.
174. Pourquoi donc voyons-nous s’épanouir
175. La rose au printemps, les blés en été, et la vigne en automne ?
176. C’est que les semences de chaque chose, le moment venu,
177. Se sont assemblées pour se manifester,
178. Quand la saison est favorable, et que la terre nourricière
179. Amène sans danger ces frêles choses à la lumière.
180. Si ces choses ne sortaient de rien, elles jailliraient soudain
181. N’importe où et à n’importe quel moment de l’année,
182. N’ayant pas de germes initiaux qu’une saison défavorable
183. Puisse empêcher de connaître une féconde conjonction.
184. Et si les choses pouvaient croître à partir de rien,
185. Leurs éléments se trouveraient et s’uniraient sans délai ;
186. Les petits enfant seraient soudain des hommes,
187. Et de la terre surgiraient subitement des arbres.
188. À l’évidence, on ne voit rien de tout cela :
189. Tout s’accroît peu à peu, comme il est normal,
190. À partir d’un certain germe, et conserve ses caractères :
191. On peut donc dire que chaque chose se développe à sa façon.
192. Ajoutons à cela que sans pluies saisonnières
193. La terre ne pourrait fournir les fruits qui nous réjouissent,
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