Sur les traces de Virginia Woolf, à la rencontre d ... - Philippe Legouis
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alors qu’elle se sentait <strong>de</strong>puis toujours et d’une manière qui lui semb<strong>la</strong>it irrémédiable, intimement<br />
proche <strong>de</strong> sa sœur. Ce choc (trahison) affectera sensiblement <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion entre <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux sœurs, sans<br />
pour autant que leurs attaches essentiel<strong>les</strong> ne soient rompues : el<strong>les</strong> <strong>de</strong>meureront toujours privilégiées<br />
mais quelque part entachées. De par ces <strong>de</strong>ux faits, l’union entre Clive et Vanessa sera alors anéantie<br />
sitôt éclose. Dans son ouvrage : « Trompeuse gentil<strong>les</strong>se », Angelica Bell explique cette idylle entre<br />
Clive et <strong>Virginia</strong> par <strong>de</strong>ux éléments qui semblent parfaitement expliquer le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> cette<br />
re<strong>la</strong>tion. En effet, Clive et <strong>Virginia</strong> étaient en premier lieu et initialement <strong>de</strong> grands complices<br />
intellectuels, leur rapprochement privilégié se produira donc initialement sur cette base. Mais il est<br />
vrai aussi qu’après <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> son premier enfant Julian le 4 février 1908 et très certainement<br />
aussi <strong>à</strong> cause <strong>de</strong> l’infidélité d’origine <strong>de</strong> Clive, Vanessa se replia sur elle-même et sur son enfant, au<br />
désespoir <strong>de</strong> Clive qui écrira alors ces mots <strong>à</strong> <strong>Virginia</strong> : « Je ne vois pas Nessa le moins du mon<strong>de</strong>. Je<br />
ne dors même plus avec elle. Le bébé accapare tout son temps ». Il serait logique <strong>de</strong> penser que cette<br />
attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> repli aura nui également <strong>à</strong> <strong>Virginia</strong> qui se sera sentie rejetée par sa sœur, <strong>la</strong>quelle tenait<br />
pour elle, comme il a déj<strong>à</strong> été mentionné auparavant, un rôle « maternel » primordial pour son<br />
équilibre : Clive et <strong>Virginia</strong>, se sentant tous <strong>de</strong>ux rejetés, se seraient donc naturellement et par affinités<br />
momentanément rapprochés autour d’un sort qui leur était commun.<br />
Le peintre Duncan Grant était un artiste profondément sensible, respectant et observant <strong>la</strong> Vie sous<br />
toutes ses formes. Il trouvera en Vanessa <strong>la</strong> tranquillité et une forme <strong>de</strong> protection <strong>à</strong> travers <strong>les</strong><br />
qualités fortes qui <strong>la</strong> dépeignaient et l’amour qu’elle lui vouait, mais aussi une passion commune pour<br />
<strong>la</strong> peinture qui se transformera pour eux en art <strong>de</strong> vivre et en fascination pour leurs œuvres mutuel<strong>les</strong><br />
et <strong>les</strong> mon<strong>de</strong>s qu’el<strong>les</strong> créaient. Malgré leur impasse sentimentale, Vanessa et Duncan vivront<br />
ensemble en harmonie par et pour <strong>la</strong> peinture. De leur re<strong>la</strong>tion naîtra <strong>à</strong> Noël 1918 une petite<br />
« Angelica » (qui épousera en 1942 David Garnett dit Bunny), née <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> Vanessa <strong>de</strong><br />
stabiliser <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion affective entre elle et Duncan, lequel acceptera <strong>de</strong> lui faire un enfant sans<br />
engagement personnel sur ses futurs <strong>de</strong>voirs paternels. Le but <strong>de</strong> Vanessa sera donc d’apporter une<br />
note (une attache) terrestre <strong>à</strong> leur re<strong>la</strong>tion sentimentale qu’elle ne pouvait maîtriser : ce sera sceller,<br />
d’une manière non réellement mesurée, l’amour et l’admiration qu’elle vouait <strong>à</strong> ce personnage rêveur<br />
doté d’un esprit éc<strong>la</strong>iré mais vo<strong>la</strong>tile, « indomptable » et insaisissable…<br />
Après <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> « <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> guerre », Vanessa et ses enfants ainsi que Duncan retourneront vivre <strong>à</strong><br />
Londres Bloomsbury au 46, Gordon Square et ce jusqu’en 1929, en co-voisinage avec J.M. Keynes<br />
avec, comme autres voisins : au 51, Lady Strachey mère <strong>de</strong> Lytton, Adrian Stephen, sa femme Karin<br />
et ses <strong>de</strong>ux fil<strong>les</strong> au 50 (<strong>de</strong> 1920 <strong>à</strong> 1939) avec Clive Bell en haut du même immeuble, ainsi qu’au 41 :<br />
James et Alix Strachey frère et belle-sœur <strong>de</strong> Lytton qui étaient notamment <strong>les</strong> <strong>de</strong>ux traducteurs<br />
officiels en <strong>la</strong>ngue ang<strong>la</strong>ise <strong>de</strong> Sigmund Freud (lequel fut <strong>de</strong> ce fait publié <strong>à</strong> <strong>la</strong> Hogarth Press)- ils<br />
sous loueront cet endroit <strong>à</strong> Lytton Strachey et <strong>à</strong> sa future compagne Dora Carrington ainsi qu’<strong>à</strong> <strong>la</strong><br />
future épouse <strong>de</strong> J.M. Keynes, Lydia Lopokova. Sans oublier bien sûr <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> <strong>Virginia</strong> et<br />
Léonard <strong>Woolf</strong> résidant non loin au 52, Tavistock Square et ce <strong>à</strong> partir <strong>de</strong> 1924. Vanessa et sa famille<br />
continueront également, au fil <strong>de</strong>s saisons et <strong>de</strong>s humeurs, <strong>à</strong> profiter <strong>de</strong> Char<strong>les</strong>ton, notamment dès <strong>les</strong><br />
beaux jours arrivés, Char<strong>les</strong>ton conservant <strong>de</strong> fait une importance <strong>de</strong> tout premier ordre <strong>à</strong> part égale<br />
très complémentaire <strong>à</strong> <strong>la</strong> vie londonienne et re<strong>de</strong>viendra d’ailleurs le lieu <strong>de</strong> vie principal pendant <strong>la</strong><br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> bombar<strong>de</strong>ments sur Londres <strong>de</strong> 1940 (NB : l’on voit une fois encore, dans ce choix <strong>de</strong> vie<br />
londonienne, <strong>la</strong> prépondérance <strong>de</strong> ce quartier <strong>de</strong> Bloomsbury, véritable attache affective voire<br />
familiale <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> membres du Groupe <strong>à</strong> ce <strong>de</strong>rnier et également <strong>les</strong> liens d’amitié prépondérants<br />
qui existaient et primaient entre eux au fil <strong>de</strong>s années. J’évoque précé<strong>de</strong>mment <strong>les</strong> années 1920 : ils se<br />
connaissaient pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>puis quinze années déj<strong>à</strong> et, si l’on se réfère <strong>à</strong> l’année <strong>de</strong> disparition<br />
<strong>de</strong> <strong>Virginia</strong> comme <strong>la</strong> fin du Groupe, l’on peut alors énoncer trente-six ans <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions<br />
d’amitié entre eux- <strong>la</strong> quintessence, l’esprit et <strong>la</strong> forme originale du Groupe n’existèrent pour autant,<br />
selon Vanessa, que quelques mois <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin 1904).<br />
Suite au retour <strong>à</strong> Londres après <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> première guerre <strong>de</strong> Vanessa et <strong>de</strong> ses enfants et <strong>de</strong> Duncan,<br />
le « ménage <strong>à</strong> trois » avec Bunny se dissoudra donc dans sa forme « officielle », dans sa vie régulière,<br />
sans pour autant que le lien affectif entre Duncan et Bunny ne cesse réellement. Vanessa maintiendra<br />
également le lien avec Cassis où elle et ses proches continueront <strong>à</strong> y vivre <strong>de</strong> fréquents séjours<br />
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