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Sur les traces de Virginia Woolf, à la rencontre d ... - Philippe Legouis

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L’on va ensuite, d’une manière très nette, retrouver au fil <strong>de</strong> cet essai le goût <strong>de</strong> <strong>la</strong> romancière pour<br />

l’imaginaire et également son don tout <strong>à</strong> fait particulier pour passer rapi<strong>de</strong>ment, dans le Temps, d’une<br />

scène <strong>à</strong> une autre, alors interactives. Comme on le remarque bien souvent tout au long <strong>de</strong> son Œuvre,<br />

<strong>la</strong> romancière jongle avec le Temps et excelle en <strong>la</strong> matière. L’on retrouve aussi, comme dans tous <strong>les</strong><br />

ouvrages <strong>de</strong> <strong>Virginia</strong> <strong>Woolf</strong>, qu’il s’agisse <strong>de</strong> romans ou <strong>de</strong> nouvel<strong>les</strong>, voire d’essais en l’occurrence,<br />

une gran<strong>de</strong> intelligence et une immense culture ainsi qu’une intuition très développée presque<br />

visionnaire.<br />

Parallèlement, il convient également <strong>de</strong> relever un passage charmant presque candi<strong>de</strong> qui connote et<br />

confirme <strong>à</strong> quel point elle était plus une femme intellectuelle transcendée réalisant une gran<strong>de</strong> Œuvre<br />

que femme inscrite dans <strong>les</strong> penchants habituels et naturels féminins. A un certain moment, elle<br />

évoque <strong>la</strong> maternité d’une manière presque mathématique, cartésienne et ce quand bien même elle<br />

adorait <strong>les</strong> enfants et était, en ce domaine, pourvue d’indiscutab<strong>les</strong> instincts maternels dans son<br />

comportement <strong>à</strong> leur égard (se rapprocher <strong>de</strong> l’interview d’Angelica Bell <strong>de</strong> septembre 2003). Elle<br />

déc<strong>la</strong>re : « Considérons, tout d’abord, <strong>les</strong> faits. Il faut neuf mois avant que naisse un bébé. Puis il y a<br />

<strong>la</strong> naissance du bébé, puis trois ou quatre mois passés <strong>à</strong> nourrir le bébé. Après le sevrage on peut<br />

compter sur cinq années <strong>à</strong> jouer avec le bébé. Car il semble qu’on ne puisse pas <strong>la</strong>isser <strong>les</strong> enfants se<br />

débrouiller seuls dans <strong>les</strong> rues. Les gens qui <strong>les</strong> ont vus se débrouiller seuls, en Russie, disent que ce<br />

n’est pas l<strong>à</strong> un spectacle bien agréable ».<br />

Pour finir, <strong>Virginia</strong> <strong>Woolf</strong> affectionne <strong>de</strong> penser <strong>à</strong> propos <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeune sœur <strong>de</strong> Shakespeare dont elle<br />

évoque le parcours imaginé, qu’elle vit encore et que, <strong>à</strong> travers le génie familial et une sensibilité<br />

proprement féminine, elle avait tant <strong>à</strong> réaliser qu’elle vivra inexorablement en d’autres femmes<br />

écrivains et que ces <strong>de</strong>rnières se <strong>de</strong>vront alors d’être irréprochab<strong>les</strong>, elle <strong>les</strong> missionne : en face, dans<br />

le camp <strong>de</strong>s hommes, aucun écart intellectuel ne sera toléré et sera même raillé, éventuellement avec<br />

mauvaise foi et subjectivité. Et <strong>Virginia</strong> termine par ces mots intenses : « si nous vivons encore un<br />

siècle environ- je parle ici <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie qui est réelle et non pas <strong>de</strong> ces petites vies séparées que nous<br />

vivons en tant qu’individus (...) si nous acquérons l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté et le courage d’écrire<br />

exactement ce que nous pensons ; si nous parvenons <strong>à</strong> (…) voir <strong>les</strong> humains non pas seulement dans<br />

leurs rapports <strong>les</strong> uns avec <strong>les</strong> autres, mais dans leur re<strong>la</strong>tion avec <strong>la</strong> réalité, et aussi le ciel et <strong>les</strong> arbres<br />

et le reste en fonction <strong>de</strong> ce qu’ils sont ; (…) alors l’occasion se présentera pour <strong>la</strong> poétesse morte qui<br />

était <strong>la</strong> sœur <strong>de</strong> Shakespeare <strong>de</strong> prendre cette forme humaine <strong>à</strong> <strong>la</strong>quelle il lui a si souvent fallu<br />

renoncer. Tirant sa vie <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s inconnues qui furent ses <strong>de</strong>vancières, ainsi qu’avant elle le fit son<br />

frère, elle naîtra, enfin. Mais il ne faut pas, car ce<strong>la</strong> ne saurait être, nous attendre <strong>à</strong> sa venue sans<br />

effort, sans préparation <strong>de</strong> notre part, sans que nous soyons résolues <strong>à</strong> lui offrir, <strong>à</strong> sa nouvelle<br />

naissance, <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> vivre et d’écrire. Mais je vous assure qu’elle viendrait si nous travaillions<br />

pour elle et que travailler ainsi, même dans <strong>la</strong> pauvreté et dans l’obscurité, est chose qui vaut <strong>la</strong><br />

peine»...<br />

Paraîtra ensuite en 1931 ce que beaucoup <strong>de</strong> spécialistes considèreront être le chef-d’œuvre <strong>de</strong><br />

<strong>Virginia</strong> <strong>Woolf</strong>, le roman : « Les Vagues ». Un élément commun unira ce <strong>de</strong>rnier <strong>à</strong> : « La promena<strong>de</strong><br />

au Phare », ce sont <strong>les</strong> vagues, symbole flui<strong>de</strong> éternel <strong>de</strong>s plus profonds souvenirs <strong>de</strong> son enfance.<br />

(NB : il est <strong>à</strong> noter que l’année 1929 sera une année fertile pour <strong>Virginia</strong> <strong>Woolf</strong> qui concevra <strong>à</strong> <strong>la</strong> fois<br />

son essai : « Une chambre <strong>à</strong> soi » et qui débutera <strong>la</strong> conception <strong>de</strong> ce roman). <strong>Virginia</strong> <strong>Woolf</strong> sera,<br />

comme je l’ai souligné auparavant, très imprégnée par ses souffrances passées qui succédèrent <strong>à</strong> <strong>la</strong><br />

disparition <strong>de</strong> certains <strong>de</strong> ses proches <strong>les</strong> plus chers. Mais elle gar<strong>de</strong>ra également <strong>de</strong> très heureux et<br />

suaves souvenirs, <strong>les</strong> plus beaux <strong>de</strong> son enfance : <strong>les</strong> vagues <strong>de</strong> son roman sont cel<strong>les</strong> qu’elle se<br />

délectait <strong>à</strong> entendre jadis lors <strong>de</strong> ses week-ends en famille <strong>à</strong> St Ives- el<strong>les</strong> sont l’écume nacrée <strong>de</strong> ses<br />

jeunes années. Les associations auditives ou visuel<strong>les</strong> <strong>à</strong> <strong>de</strong>s souvenirs précis intensément ancrés en<br />

elle seront d’ailleurs, <strong>à</strong> travers ses écrits, fréquentes chez <strong>la</strong> romancière, témoignant une fois encore<br />

d’une sensibilité hors du commun : « Le passé est magnifique parce que l’on ne ressent jamais une<br />

émotion dans toute sa réalité sur le moment. Elle se développe par <strong>la</strong> suite, si bien que nous n’avons<br />

pas d’émotion complète dans le présent, mais seulement dans le passé » 18/3/1925. « Je le vois- le<br />

passé- comme une avenue qui s’étend <strong>de</strong>rrière moi ; un long ruban <strong>de</strong> scènes et d’émotions »...<br />

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