Le Dynamot - Association de biodynamie du Québec
Le Dynamot - Association de biodynamie du Québec
Le Dynamot - Association de biodynamie du Québec
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
<strong>Le</strong> choix <strong>du</strong> silence,<br />
même en pleine action<br />
par votre éditeure,<br />
Danièle Laberge,<br />
herboriste traditionnelle<br />
De nos jours, le silence<br />
est <strong>de</strong>venu un choix. Autrefois,<br />
le quotidien en était habilement<br />
tressé. La mécanisation<br />
et l’informatisation l’ont<br />
relégué aux oubliettes. On<br />
peut très bien vivre toute sa<br />
vie en le fuyant, en le haïssant,<br />
en le craignant, en le reniant.<br />
Mais il nous rattrapera sans<br />
doute un <strong>de</strong> ces jours et si on<br />
ne l’a pas amadoué, il risque<br />
d’être lourd et oppressant, habité<br />
par l’écho persistant <strong>de</strong><br />
nos pensées trop longtemps<br />
refoulées.<br />
Je repense à mon père,<br />
cet homme angoissé, héros<br />
<strong>de</strong> guerre, mal adapté à sa<br />
propre vie, qui ne pouvait dormir<br />
sans que la radio ronronne<br />
sur sa table <strong>de</strong> chevet. Dans<br />
nos chambres d’enfants, mes<br />
sœurs et moi nous mettions<br />
la tête sous l’oreiller pour ne<br />
pas entendre les sempiternels<br />
talk-shows (émissions-débat)<br />
qui le protégeaient <strong>du</strong> silence<br />
entre ses moments d’assoupissement…<br />
J’ai vu <strong>de</strong>rnièrement<br />
une publicité pour un oreiller<br />
équipé <strong>de</strong> sorte qu’on puisse<br />
écouter <strong>de</strong> la musique toute la<br />
nuit. On en faisait l’éloge pour<br />
étouffer la musique (%$%<br />
?&&*) dont les adolescents ne<br />
savent plus se passer même<br />
la nuit, afin que le reste <strong>de</strong> la<br />
maisonnée n’en soit pas incommodé.<br />
Je me remémore aussi<br />
le berceau d’un enfant mala<strong>de</strong><br />
que j’étais allée visiter au village.<br />
On l’avait installé entre<br />
le téléviseur, allumé toute la<br />
journée, et la cuisine d’où la<br />
maman pouvait superviser son<br />
poupon tout en écoutant ses<br />
émissions préférées. <strong>Le</strong> pauvre<br />
bébé n’en pouvait plus d’être<br />
ainsi bombardé <strong>de</strong> sons et <strong>de</strong><br />
vibrations. Il regrettait sûrement<br />
la quiétu<strong>de</strong> rythmique <strong>du</strong> ventre<br />
<strong>de</strong> sa mère… Son immunité était<br />
sans cesse sollicitée pour parer<br />
aux dommages encourus. La<br />
maman n’y avait jamais pensé, ni<br />
personne dans son entourage.<br />
Mais où donc est passé<br />
le silence? «<strong>Le</strong> silence est d’or<br />
et l’argent est rare!» (Anonyme)<br />
Aux nouvelles <strong>de</strong>rnièrement, le<br />
manque <strong>de</strong> silence faisait les<br />
manchettes. On constatait que<br />
le silence n’a plus sa place dans<br />
notre société, si ce n’est qu’à<br />
l’église (que bien peu <strong>de</strong> gens<br />
fréquentent <strong>de</strong> nos jours) et dans<br />
les gran<strong>de</strong>s bibliothèques (qui<br />
se voient <strong>de</strong> plus en plus remplacées<br />
par les bibliothèques<br />
virtuelles et les outils <strong>de</strong> recherche<br />
<strong>du</strong> web). On annonçait<br />
qu’il y aurait bientôt <strong>de</strong>s wagons<br />
dans les trains <strong>de</strong> banlieue où le<br />
silence serait péremptoire afin<br />
que les personnes le souhaitant<br />
puissent, lors <strong>de</strong> leurs déplacements,<br />
profiter d’un peu <strong>de</strong> paix<br />
et être libéré <strong>de</strong>s conversations<br />
bruyantes (in vivo ou par téléphone<br />
portable).<br />
Pourtant, le silence <strong>de</strong>meure<br />
un invité <strong>de</strong> marque. On le<br />
considère toujours, la fameuse<br />
minute <strong>de</strong> silence à l’appui,<br />
comme un honneur ren<strong>du</strong> aux<br />
disparus <strong>de</strong> notoriété, comme<br />
une attention accordée à l’envers<br />
<strong>de</strong>s choses, à l’invisible. <strong>Le</strong><br />
silence invite l’écoute, témoigne<br />
<strong>de</strong> la réceptivité. Je me tais, et<br />
donc, je suis là pour toi, pour<br />
Moi.<br />
Oh, je sais! <strong>Le</strong> silence intérieur<br />
est une grâce, un présent<br />
rarissime. En pensant au silence,<br />
en disant le silence, déjà, je le<br />
romps. Je l’interromps. <strong>Le</strong> silence<br />
<strong>de</strong>s bruits quotidiens n’est<br />
Page 2<br />
pas encore le silence. La vraie<br />
musique nous ai<strong>de</strong> à nous rassembler,<br />
mais elle n’est pas<br />
le silence. Elle comprend <strong>de</strong>s<br />
silences, sans lesquels elle ne<br />
respire pas.<br />
«Chaque atome <strong>de</strong> silence<br />
est la chance d’un fruit<br />
mûr.» (Paul Valéry) La fleur est<br />
silence. De fait, il existe un moment<br />
ineffable <strong>de</strong> silence entre<br />
la fleur et la semence. Un moment<br />
où <strong>du</strong> silence <strong>de</strong> soi vient<br />
à la fleur la réalisation <strong>de</strong> la nécessité<br />
d’interrompre son mouvement<br />
d’extase et d’offran<strong>de</strong>,<br />
sa dissolution dans le cosmos,<br />
pour assurer la survie <strong>de</strong>s générations<br />
suivantes. Dans ce<br />
silence tient toute la vérité <strong>de</strong> la<br />
conscience <strong>de</strong> l’essence même<br />
<strong>de</strong> la fleur.<br />
<strong>Le</strong> pseudo silence que<br />
nous connaissons est bruissant<br />
<strong>de</strong> paroles intérieures, car<br />
nous nous parlons constamment<br />
à nous-même. Il est pratiquement<br />
impossible <strong>de</strong> cesser<br />
<strong>de</strong> penser: nous cogitons toujours,<br />
consciemment ou inconsciemment.<br />
La quête même <strong>du</strong><br />
silence crée <strong>de</strong> l’ordre dans les<br />
pensées.<br />
On connaît si peu et si<br />
mal le silence. Nos maisons<br />
sont bruyantes: ventilateurs,<br />
humidificateurs, déshumidificateurs,<br />
frigos, aspirateurs,<br />
minuteries, craquements et<br />
ajustements. Nos animaux<br />
domestiques sont bruyants.<br />
<strong>Le</strong>s enfants sont bruyants. On<br />
aspire au silence et pourtant,<br />
on ne l’installe pas quand l’opportunité<br />
se présente. Quand<br />
on fait <strong>de</strong>s travaux manuels<br />
répétitifs, incitant au silence,<br />
et on en fait beaucoup dans<br />
notre métier d’agriculteurs et<br />
<strong>de</strong> jardiniers (désherbage, semis,<br />
récoltes, lavage <strong>de</strong>s fruits<br />
et légumes, nettoyage <strong>de</strong>s<br />
semences, etc.), on a souvent<br />
tendance à trouver cela long