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Lire le livre - Bibliothèque

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veut m'embaucher. Désolée si je vous déçois. Il faut bien que je gagne ma vie.<br />

- Mais je ne vous juge pas. De quel droit pourrais-je me <strong>le</strong> permettre ? Je crois<br />

simp<strong>le</strong>ment qu'il est temps que vous tourniez la page.<br />

Anabel se <strong>le</strong>va, furieuse. Monsieur Jacob, <strong>le</strong> dos confortab<strong>le</strong>ment calé contre la<br />

banquette du restaurant, exhala une nouvel<strong>le</strong> bouffée de son cigare.<br />

- Tourner la page ? répéta-t-el<strong>le</strong>, mais qu'est-ce que vous vou<strong>le</strong>z dire ?<br />

- Vous verrez bien, Anabel, c'est pour bientôt, je <strong>le</strong> sens, ne soyez pas inquiète, j'ai<br />

confiance en vous !<br />

En quelques enjambées nerveuses, el<strong>le</strong> se dirigea vers la sortie. Loulou lui ouvrit la<br />

porte en lui servant son sourire bonasse, comme d'habitude.<br />

- Mouchard ! grinça-t-el<strong>le</strong> entre ses dents.<br />

Loulou referma la porte, vexé, et se tourna vers Monsieur Jacob, qui <strong>le</strong> fixa d'un air<br />

faussement contrit, en écartant <strong>le</strong>s mains d'un geste fataliste.<br />

A vingt-deux heures trente, a<strong>le</strong>rtée par un léger coup de klaxon, Anabel se pencha à<br />

la fenêtre de son studio. Le taxi que Brad lui avait commandé était ponctuel. El<strong>le</strong> avait<br />

suivi ses recommandations en matière vestimentaire et contempla sa silhouette dans<br />

<strong>le</strong> miroir en pied installé dans <strong>le</strong> vestibu<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> trouva la jupe de cuir et <strong>le</strong> bustier<br />

qu'el<strong>le</strong> avait l'habitude de porter en de tel<strong>le</strong>s circonstances bien trop moulants à<br />

présent que <strong>le</strong> régime de Chez Loulou avait remodelé ses formes. Brad aurait préféré<br />

un look maladif, quasi anorexique, mais tant pis, il devrait s'accommoder de ses<br />

rondeurs. Par contre, son chignon était parfait. El<strong>le</strong> avait passé plus d'une heure et<br />

demie chez Maniatis, bou<strong>le</strong>vard Saint-Germain, et la fil<strong>le</strong> qui s'était occupée d'el<strong>le</strong>,<br />

assurée d'être gratifiée d'un juteux pourboire, s'en était donnée à cour joie, maniant<br />

cou<strong>le</strong>urs et gels avec la dextérité d'un prestidigitateur. Idem pour la manucure, qui lui<br />

avait verni <strong>le</strong>s ong<strong>le</strong>s. De noir, évidemment. Rien à redire. Par-dessus sa tenue «<br />

soirée privée », el<strong>le</strong> endossa sa parka habituel<strong>le</strong> pour ne pas attirer l'attention. Avant<br />

de quitter son studio, sachant que la soirée risquait d'être pénib<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> avala deux<br />

comprimés de Maalox et en glissa deux autres dans son sac à main.<br />

Quelques cars de supporters d'un club de foot de retour du Parc des Princes semèrent<br />

la zizanie sur <strong>le</strong>s Champs, si bien qu'il était plus de vingt-trois heures quand <strong>le</strong> taxi la<br />

déposa à l'adresse indiquée par Brad, une tour située sur <strong>le</strong> front de Seine, près de<br />

l'hôtel Nikkô. Tout au fond du hall d'entrée, el<strong>le</strong> aperçut un garde affublé d'un<br />

uniforme chamarré qui évoquait celui des policiers d'une quelconque république<br />

bananière. Le type était embusqué derrière un vaste comptoir équipé d'une batterie<br />

d'écrans reliés à des caméras de contrô<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> traversa <strong>le</strong> hall sur toute sa longueur,<br />

contournant de grands bosquets de cactus aux formes tarabiscotées plantés en<br />

chicane et séparés <strong>le</strong>s uns des autres par de petites dunes de ciment cou<strong>le</strong>ur sab<strong>le</strong>. A<br />

mi-parcours, el<strong>le</strong> dépassa une fontaine d'eau b<strong>le</strong>utée qui glougloutait dans une vasque<br />

de marbre rosé. Comme si tout cela ne suffisait pas, sur l'un des murs surplombant<br />

l'entrée des cabines d'ascenseur, une colossa<strong>le</strong> fresque en bas-relief évoquait une<br />

scène de cueil<strong>le</strong>tte du sorgho dans une quelconque savane empourprée par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il<br />

couchant. Anabel balaya ce désastre d'un regard panoramique et navré.<br />

Le garde s'était <strong>le</strong>vé à son approche. Comme convenu, el<strong>le</strong> lui tendit <strong>le</strong> bristol de la<br />

boutique Scar System. Le type pianota sur <strong>le</strong> clavier d'un ordinateur. Moins d'une<br />

minute plus tard, <strong>le</strong>s portes coulissantes d'un des ascenseurs s'ouvrirent. Un Black en<br />

smoking à la carrure d'haltérophi<strong>le</strong> se tenait à l'intérieur de la cabine et fit signe à la<br />

nouvel<strong>le</strong> venue de l'y rejoindre. Il portait une oreil<strong>le</strong>tte et un minuscu<strong>le</strong> micro semblait<br />

jaillir du col de son veston, supporté par une tige de plastique translucide.<br />

- Assistante Scar System réceptionnée, annonça-t-il, très pro, à l'adresse d'un<br />

interlocuteur inconnu, avant d'appuyer sur la touche du dix-septième étage.<br />

Anabel eut un léger hoquet lorsque la cabine entama son ascension. Le Black lui<br />

souriait d'un air qu'il voulait bienveillant. Anabel en fut impressionnée. De toute<br />

évidence, ce type appartenait à une société de gardiennage privée haut de gamme.

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