Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
sa tâche, se livra scrupu<strong>le</strong>usement à l'inventaire des biens réunis sous ses yeux. Les<br />
meub<strong>le</strong>s ? Fonctionnels, sans aucun effort d'harmonie. Le lit était défait, <strong>le</strong>s draps<br />
froissés. Les vêtements que Ruderi portait à sa sortie de prison gisaient en vrac dans<br />
un coin de la pièce. L'appareil numérique flasha en rafa<strong>le</strong>s ce décor sinistre. Tab<strong>le</strong>,<br />
chaises, commode, canapé, gazinière et quelques ustensi<strong>le</strong>s ménagers tout à fait<br />
communs. On se serait cru dans une chambre d'hôtel parfaitement anonyme.<br />
L'armoire à pharmacie - d'ordinaire lourde de secrets - recelait toute une profusion de<br />
produits cosmétiques, mais, curieusement, aucun médicament. Des fards à paupières,<br />
des crèmes, une col<strong>le</strong>ction de rouges à lèvres, de vernis à ong<strong>le</strong>s, oui, en grand<br />
nombre, mais rien d'autre. En tapotant avec <strong>le</strong>s poings, patiemment, Numéro 2 sonda<br />
<strong>le</strong>s cloisons, <strong>le</strong> parquet, et finit par dénicher une cachette rudimentaire sous une des<br />
lattes, qu'il suffisait de sou<strong>le</strong>ver. Quelques liasses de bil<strong>le</strong>ts usagés, des coupures de<br />
deux cents francs y étaient dissimulées, enveloppées dans un torchon. Dix mil<strong>le</strong> francs<br />
au total. Numéro 2 remit <strong>le</strong> tout en place. Dans un des tiroirs de la commode, il mit la<br />
main sur un classeur de toi<strong>le</strong> cartonnée. Quelques papiers administratifs y figuraient,<br />
bail, formulaires de contraventions pour racolage sur la voie publique, factures<br />
d'é<strong>le</strong>ctricité ou de téléphone. Numéro 2 s'intéressa à plusieurs <strong>le</strong>ttres recommandées<br />
avec accusé de réception émanant du propriétaire de l'appartement, et qui<br />
informaient sa locataire de sa grande colère due au fait qu'el<strong>le</strong> n'avait pas réglé son<br />
loyer depuis quatre mois. El<strong>le</strong> se voyait ipso facto menacée d'une visite de l'huissier,<br />
qui se chargerait de la faire déguerpir. Numéro 2 poursuivit son inspection. Aucune<br />
trace de la moindre consultation médica<strong>le</strong> ou dentaire dans toute cette paperasse.<br />
Aucun re<strong>le</strong>vé bancaire. Aucune trace non plus d'une quelconque affiliation à un régime<br />
d'assurances, privé ou public. Une existence pour ainsi dire en pointillé, suspendue<br />
au-dessus du vide. La fil<strong>le</strong> s'appelait Ava. Ava Durier.<br />
L'inspection terminée, Numéro 2 et Numéro 5 quittèrent <strong>le</strong>s lieux, non sans avoir<br />
sonorisé tout l'appartement à l'aide d'un matériel très performant. Au total, l'opération<br />
avait duré une heure à peine.<br />
Au restaurant, Ruderi se tapa copieusement la cloche. Ava veillait sur lui avec des airs<br />
énamourés et l'embrassait fréquemment, nul<strong>le</strong>ment gênée de s'afficher ainsi en<br />
compagnie d'un homme qui aurait pu être son grand-père. Numéro 4 s'était installé<br />
au bar et ne <strong>le</strong>s avait pas quittés des yeux. Ruderi régla son addition en liquide, à<br />
l'aide d'un bil<strong>le</strong>t de cinq cents francs, et quitta l'établissement sans même attendre sa<br />
monnaie. A vingt-trois heures, il était de retour avec Ava dans <strong>le</strong>ur petit nid d'amour.<br />
O<strong>le</strong>g avait eu <strong>le</strong> loisir de visionner <strong>le</strong>s photographies de l'appartement prises par<br />
Numéro 5. Numéro 4 l'avait rejoint dans sa voiture garée rue des Martyrs, à moins<br />
d'une centaine de mètres de chez Ava. Il était temps de brancher <strong>le</strong> matériel d'écoute.<br />
Le son était impeccab<strong>le</strong>. O<strong>le</strong>g entendit des râ<strong>le</strong>s, des soupirs, sur un fond de bruit de<br />
sommier qui couinait à n'en plus finir.<br />
- Ma paro<strong>le</strong>, mais il la saute vraiment ! s'écria Numéro 4.<br />
- Mais non, el<strong>le</strong> lui joue la comédie, c'est une pro..., corrigea O<strong>le</strong>g. Chez el<strong>le</strong>, on a<br />
trouvé des PV d'amendes pour racolage sur la voie publique !<br />
- Alors, si el<strong>le</strong> joue la comédie, el<strong>le</strong> la joue vraiment bien ! s'entêta Numéro 4.<br />
Au bout d'une vingtaine de minutes, râ<strong>le</strong>s et soupirs cessèrent. Une conversation<br />
s'engagea, chuchotée. O<strong>le</strong>g distinguait parfaitement la voix flûtée de la fil<strong>le</strong> et cel<strong>le</strong>,<br />
un peu chevrotante, de Ruderi. Le hic, c'est qu'il ne comprenait strictement rien de ce<br />
qu'ils se disaient.<br />
- Ce n'est ni du français, ni de l'anglais, ni de l'espagnol. Encore moins de l'italien !<br />
constata Numéro 4.<br />
- Ni de l'al<strong>le</strong>mand, ni aucune langue slave, ajouta O<strong>le</strong>g. Merde!<br />
De temps à autre, au fil des phrases, un mot français se glissait dans ce charabia.<br />
Voiture, télévision, téléphone... Après plus d'une demi-heure d'écoute attentive, O<strong>le</strong>g<br />
put constater que ces mots concernaient tous des objets d'invention récente, comme<br />
s'ils n'avaient pas eu d'équiva<strong>le</strong>nt dans <strong>le</strong> dia<strong>le</strong>cte qu'utilisaient Ava et Ruderi. Puis,