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Inuti<strong>le</strong> d'égrener <strong>le</strong>s souvenirs. Il fallait se consacrer au dossier Le Tal<strong>le</strong>c. Démon de<br />
midi ? Pourquoi pas ? O<strong>le</strong>g s'en foutait, éperdument. Le dossier?<br />
1) Quelques photographies de Le Tal<strong>le</strong>c.<br />
2) Un re<strong>le</strong>vé topographique, l'agrandissement d'une carte IGN de l'î<strong>le</strong> de Groix, située<br />
face à Lorient. Et voilà tout. A lui de se débrouil<strong>le</strong>r, de choisir <strong>le</strong> modus opemndi. O<strong>le</strong>g<br />
avait sillonné l'î<strong>le</strong> de long en large, du bourg jusqu'au port de Locmaria, en passant<br />
par <strong>le</strong> phare de la pointe des Chats, en mal d'inspiration. Il avait même pris quelques<br />
pots au bar Ty Beudef, une taverne pouil<strong>le</strong>use fréquentée par <strong>le</strong>s marins, <strong>le</strong>s vrais, des<br />
lascars qui se tapent <strong>le</strong>s traversées dans <strong>le</strong> rail de Sein ou d'Ouessant par tous <strong>le</strong>s<br />
temps, de janvier jusqu'à décembre, et <strong>le</strong>s autres, des petits m'as-tu-vu qui friment<br />
sur <strong>le</strong>ur voilier dès que <strong>le</strong> bul<strong>le</strong>tin météo <strong>le</strong>ur promet <strong>le</strong> grand calme.<br />
La cib<strong>le</strong>, donc. Le Tal<strong>le</strong>c. La cinquantaine avenante, la silhouette élancée. Rien à<br />
redire. Un de ces looks de top model que s'arrachent <strong>le</strong>s news magazines destinés à la<br />
clientè<strong>le</strong> masculine angoissée par <strong>le</strong>s stigmates du vieillissement. Le siège de son<br />
entreprise - une centaine de camions frigorifiques qui sillonnaient l'Europe du nord au<br />
sud était sur <strong>le</strong> continent, à Lorient, mais il possédait une maison dans l'î<strong>le</strong>. Tous <strong>le</strong>s<br />
vendredis soir, il montait à bord d'un confortab<strong>le</strong> cabin-cruiser qu'il pilotait lui-même<br />
et accostait à Locmaria, un village resserré autour de son port de pêche, de sa digue<br />
battue par <strong>le</strong>s flots. Sa maîtresse, une petite brune salace âgée de vingt-six ans,<br />
l'accompagnait souvent lors de ces escapades. O<strong>le</strong>g avait dû patienter durant plus<br />
d'un mois avant qu'el<strong>le</strong> n'en fût empêchée pour des raisons familia<strong>le</strong>s. La cib<strong>le</strong> serait<br />
seu<strong>le</strong>. Le contrat ne portait que sur Le Tal<strong>le</strong>c. Il ne s'agissait pas d'une vengeance<br />
d'épouse délaissée, ou plutôt jetée comme un K<strong>le</strong>enex, ménopause oblige. Il prit la<br />
décision d'agir <strong>le</strong> dimanche soir, <strong>le</strong> dimanche 17 juin, lors du retour de Le Tal<strong>le</strong>c sur <strong>le</strong><br />
continent, à bord de son cabin-cruiser. Ce qui faciliterait son propre rapatriement.<br />
A vingt et une heures, Le Tal<strong>le</strong>c quitta sa maison, une jolie villa couverte d'un toit de<br />
chaume, juchée sur <strong>le</strong> bord de mer et s'avança sur la digue du port de Locmaria. La<br />
marée était haute. Il tira sur un bout pour amener <strong>le</strong> cabin-cruiser près de la volée de<br />
marches qui longeait la digue et permettait d'accéder aux bateaux. Il prit la barre,<br />
sans se douter qu'un passager clandestin s'était glissé dans la ca<strong>le</strong>, et suivit <strong>le</strong> chenal,<br />
traçant la route bien au milieu des balises, clignant des paupières en fixant <strong>le</strong>s<br />
derniers éclats du so<strong>le</strong>il couchant. Deux minutes plus tard, il s'effondra, sous <strong>le</strong> coup<br />
d'une matraque plombée, enrobée de caoutchouc, qu'O<strong>le</strong>g lui assena sur <strong>le</strong> sommet<br />
du crâne.<br />
Le Tal<strong>le</strong>c fut réveillé par un jet glacé, <strong>le</strong> contenu d'un seau d'eau salée puisé dans<br />
l'océan. Il écarquilla <strong>le</strong>s yeux, suffoqua, tenta de se redresser, mais réalisa bien vite<br />
qu'il était ligoté, accroupi dans la cabine. La corde<strong>le</strong>tte qui lui enserrait <strong>le</strong>s poignets et<br />
<strong>le</strong>s chevil<strong>le</strong>s courait <strong>le</strong> long de sa poitrine, de son abdomen, de ses cuisses, l'obligeant<br />
à se tenir recroquevillé en position fœta<strong>le</strong>. Le bateau tanguait doucement, moteur<br />
coupé. La cabine était éclairée par une grosse ampou<strong>le</strong> autour de laquel<strong>le</strong> s'agitaient<br />
quelques papillons de nuit. On y voyait comme en p<strong>le</strong>in jour.<br />
Le Tal<strong>le</strong>c dévisagea son agresseur. Un type d'une trentaine d'années, au visage<br />
blafard, émacié, surmonté d'une épaisse chevelure brune. Les yeux étaient<br />
profondément enfoncés dans <strong>le</strong>urs orbites ; la chair avait reflué des joues, et sur <strong>le</strong>s<br />
tempes palpitaient de petites veinu<strong>le</strong>s d'un b<strong>le</strong>u sombre.<br />
- Je suis désolé de vous l'apprendre, monsieur Le Tal<strong>le</strong>c : vous al<strong>le</strong>z mourir, annonça<br />
O<strong>le</strong>g. Personnel<strong>le</strong>ment, je n'ai rien contre vous, mais voilà, j'ai été payé pour vous<br />
tuer.<br />
Le Tal<strong>le</strong>c secoua la tête, se débattit, s'agita tant qu'il put, rien n'y fit. Au contraire, à<br />
chacun de ses soubresauts, <strong>le</strong>s liens resserraient <strong>le</strong>ur étreinte.<br />
- Vous êtes complètement cinglé, c'est une erreur! bégaya-t-il, à bout de souff<strong>le</strong>.<br />
Qu'est-ce que c'est que cette histoire, qui êtes-vous ? C'est impossib<strong>le</strong>, impossib<strong>le</strong>...<br />
- Mais si, monsieur Le Tal<strong>le</strong>c, c'est tout à fait possib<strong>le</strong>, c'est même inéluctab<strong>le</strong>. Je suis<br />
un tueur professionnel, c'est... c'est mon métier. Vous n'êtes pas en train de rêver, ou