esponsabilité. À cette époque, un contrat s'inscrivait dans une relation à long terme : c'était un engagement de coopérer, pas un engagement de résultat. Négocier un contrat permettait aux deux parties de se bien comprendre, de définir le rôle de chacun. Les juristes n'avaient pas encore fait leur apparition ! L'ingénieur espagnol, promoteur d'un projet dont le succès rejaillirait sur toute sa carrière, garderait pour Martin une affectueuse reconnaissance, y compris quand il deviendrait directeur général. La bataille de Madrid était gagnée. Le président consentit à venir présider le dîner que Martin organisa dans un grand hôtel madrilène pour la signature du contrat. Martin savourait cette victoire historique et prometteuse sur les Anglais, un de ses premiers succès personnels. Il y avait là les directeurs généraux espagnol, néerlandais, belge et allemand. Luis prononça une magnifique allocution de fin de repas, en un français superbe : classe, culture, humour ! Le président, nouveau dans sa fonction, peu sensible encore à cet aspect stratégique, découvrit là l'intérêt pour lui de ce genre de dîners, où il pouvait rencontrer et connaître de gran<strong>des</strong> personnalités étrangères. Martin en organiserait bien d'autres. Il faut savoir servir les goûts et ambitions de son patron ! La chute <strong>des</strong> Anglais à Rome prit une tout autre tournure. L'arrivée de la technologie numérique offrait à l'Italie une occasion de retour dans une industrie où elle avait un temps joué un rôle il lui fallait un partenaire pour ne pas devoir développer l'ensemble <strong>des</strong> technologies nécessaires. Le gouvernement italien avait un programme de câblage de la Péninsule, dont la géographie particulière favorisait la solution maritime. Cette volonté italienne, Martin la découvrit progressivement grâce à Silvio Barrone, le merveilleux agent qu'il y avait choisi, un homme d'une grande culture et une grande présence locale. Il était tout simplement l'ami du président d'Italcom et guida Martin dans les méandres de la psychologie et de la politique italiennes. Il lui raconta le passé brillant de son pays dans cette activité. Un virage technologique avait été raté trente ans plus tôt, mais la nostalgie était grande, ce qui expliquait la volonté politique et industrielle d'aujourd'hui. Silvio lui fit visiter le musée <strong>des</strong> Télécoms, lui montra la présence de la technologie allemande, conséquence de la guerre. Il lui expliqua l'imbrication entre l'industrie et l'État. Il conquit aussi Martin en lui montrant Rome sous un jour qu'il ne connaissait pas les petites églises, les placettes, les fontaines, les jardins. Un agent est un traducteur de situation, un décodeur sans qui rien ne se comprend, surtout les subtilités qui font les différences. Rome décidément est l'endroit où Martin a tout appris. Les Horaces et les Curiaces Pourquoi apporter sa coopération à une société qui pourrait un jour devenir votre concurrente ? C'est la question que le président posa à Martin. Celui-ci sut convaincre : «Pour éviter que les Anglais ou les Américains ne le fassent ! » SubCom fournira pendant dix ans <strong>des</strong> équipements et services dans ce pays, en sous-traitance d'un grand groupe italien, et bénéficiera du support italien dans plusieurs projets internationaux. La société en question ne parviendra jamais à concurrencer SubCom sur le marché international, trop imprégnée dans ses habitu<strong>des</strong> domestiques Répéteurs en cours de montage Martin avait appliqué là la maxime chinoise de Lao Tseu : « Agir, c'est accompagner le mouvement, s'y glisser, en profiter. » Il se glissa dans l'ambition italienne plutôt que de s'y opposer. Bien plus intelligent ! Cette attitude contribua fortement à l'image de SubCom sur le marché mondial. Ces victoires méditerranéennes furent le vrai début de son envolée. Et ces victoires, Martin ne les doit à personne; ce sont bien les siennes. La Direction générale enregistre ces comman<strong>des</strong> sans en percevoir le poids stratégique. Il y forge sa philosophie : se sentir responsable. Prendre le vrai pouvoir. Cela lui plaît !
En mai 1989, l’équipe de Submarcom vient d’obtenir le contrat MAT2. On reconnaît derrière Jean Devos, de gauche à droite Jacques Bouby et Liliane Peyrat, Ali Nazar, Jean Godeluck (qui lui succèdera), Benoît Duguet (qui l’accompagnera chez Tyco en 1999) et Gilles Gorse.