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© DGD / E. Pirsoul<br />
<strong>La</strong> clinique<br />
des renaissances<br />
Le pavillon Ludwine<br />
Il y règne une ambiance conviviale, une<br />
solidarité féminine hors du commun, c’est<br />
le pavillon des fi stuleuses. Elles partagent<br />
souvent la même histoire, le même calvaire<br />
: un accouchement qui n’en fi nit pas,<br />
le bébé mort, la déchirure, de longues<br />
années de rejet social et une opération,<br />
parfois plusieurs, et un retour à une vie<br />
normale… Couchée sur le lit, elles attendant<br />
l’opération, ou passent leur convalescence.<br />
Souvent elles viennent de loin et ne<br />
peuvent pas rentrer chez elles entre deux<br />
soins.<br />
NDONA<br />
Ndona, “la vieille maman”, fait partie des<br />
ombres de la clinique. A 18 ans, son bassin<br />
était trop petit pour enfanter. Après trois<br />
jours des souffrances de l’accouchement<br />
dans un centre de santé, elle est envoyée<br />
à l’hôpital, ce qui prendra aussi du temps<br />
avant qu’une césarienne soit opérée… trop<br />
tard : l’enfant était mort et la vessie déchirée.<br />
Elle vivra ainsi plus de vingt ans, empestant<br />
l’urine. Son mari cède à la belle-famille qui<br />
la rejette et elle ne peut plus travailler. Elle<br />
vit seule dans son village du Bas-Congo<br />
lorsqu’elle entend parler de “cette clinique<br />
où on opère les fi stules”. Il lui faudra plus<br />
d’une journée pour parvenir jusqu’à l’hôpital,<br />
tal, se faire opérer une première fois,<br />
puis une seconde avec réussite.<br />
Cela fait fait 3 ans ans qu’elle vit à l’hôpital,<br />
aidant les autres fi stuleuses,<br />
servant de garde malade. Car à<br />
48 ans, elle n’a plus personne,<br />
elle elle ne sait où aller.<br />
20 AVRIL-MAI AV A RI RIL- L- L MA MAI I 2011 20 2011 11 I dim dimension im imen en e si s on o 3<br />
Madeleine avait 12 ans quand elle a été<br />
mariée par ses parents à un homme<br />
plus âgé qu’elle. Peu après, elle tombe<br />
enceinte. Son bassin de jeune fi lle est trop<br />
petit pour faire passer la tête d’un bébé<br />
qui comprime les tissus intérieurs. Au<br />
bout de quatre jours de travail, sans aide<br />
médicale adéquate, le fœtus est mort et<br />
les tissus entre son vagin et sa vessie se<br />
sont nécrosés et déchirés. Incontinente<br />
à 14 ans, nauséabonde, soupçonnée de<br />
mauvais sort, son mari l’abandonne. Elle<br />
vit isolée dans une case à la limite du village.<br />
Une jeune femme sans mari et qui ne<br />
peut plus enfanter n’existe plus : c’est une<br />
morte vivante. Pour Nelsy, 22 ans, même<br />
chose : 3 jours d’accouchement, 4 ans de<br />
réclusion sociale, arrêt de l’école, des<br />
jeux avec les camarades, plusieurs opérations…<br />
Pourtant ses yeux brillent d’espoir :<br />
“J’ai 22 ans et l’âge avance. Comme femme,<br />
je veux des responsabilités et mon plus<br />
grand regret est d’avoir dû arrêter l’école.<br />
Dès que je suis réparée, je reprends des<br />
études. J’aimerai être médecin.” Bemba,<br />
sa voisine de lit, elle a fait une semaine de<br />
route de Matadi pour venir jusqu’ici…<br />
Une chirurgie diffi cile<br />
“Le soleil ne doit jamais se coucher deux<br />
fois sur une femme en travail”, explique le<br />
Dr De De Backer. <strong>La</strong> fi stule a disparu<br />
il y a 100<br />
ans du monde occidental<br />
avec les<br />
accouchements assistés. <strong>La</strong><br />
plupart<br />
du temps, la cause est un ac accouche-<br />
ment trop long ou une cé césarienne<br />
mal faite, et dans 3 % des cas, les<br />
violences sexuelles (c’es (c’est surtout<br />
le cas dans l’Est du Congo, Cong où les<br />
viols font rage et où se trouve t un<br />
autre centre de réparation répara des<br />
fi stules, à la clinique de d Panzi-<br />
Bukavu). <strong>La</strong> L fistule<br />
n’est pas pa mor-<br />
telle mais m ses<br />
conséquences<br />
conséq<br />
sociales social sont<br />
désastreuses.<br />
désas<br />
On estime à 100.000 le nombre de fi stuleuses<br />
en RD Congo.<br />
Ici, plus d’une centaine de femmes sont<br />
opérées par an. “Auparavant, c’était<br />
une chirurgie de l’échec, car elle est très<br />
diffi cile”, explique le médecin chef. Il<br />
faut encore attendre les missions des<br />
médecins belges qui contribuent à<br />
l’ONG Médecins sans vacances, environ<br />
trois fois pas an pour les opérations<br />
complexes. Mais une interne de l’hôpital,<br />
le Docteur Dolores Nembunzu, a<br />
été formée et peut maintenant opérer<br />
les fi stules simples. Et les formations<br />
continuent. Un autre problème est le<br />
coût : une telle opération reviendrait à<br />
500 dollars, souvent les patientes sont<br />
abandonnées des leurs et n’ont personne<br />
pour les nourrir ; il arrive même<br />
qu’on doive remonter l’état général<br />
avant de pouvoir opérer.<br />
<strong>La</strong> fi stule, ce n’est pas<br />
comme la cardiologie,<br />
c’est un type de chirurgie<br />
qu’on peut faire avec<br />
relativement peu de<br />
matériel.<br />
Le combat d’un belge<br />
L’ONG Médecins sans vacances propose<br />
à des médecins occidentaux de partager<br />
bénévolement leur savoir-faire et<br />
leur connaissance en matière de soins<br />
de santé en Afrique. Depuis 2003, l’ONG<br />
envoie des médecins en Afrique pendant<br />
leurs vacances ou leurs temps libres<br />
pour contribuer à la prévention et au<br />
traitement des fi stules obstétricales, en<br />
collaboration notamment avec l’hôpital<br />
Saint-Joseph de Kinshasa.