N. 46/47 Palomar : voyeur, voyant, visionnaire - ViceVersaMag
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Soudain, je me réveille sur cette scène sans limites où mon espace<br />
a été marqué par le signe béant de l'impossible. Je repose sur la plage<br />
infernale de mon être illimité que mord la bouche d'ombre. La mer<br />
ravale ma défaite. Je suis le <strong>voyeur</strong> impénitent de ma mortalité proche.<br />
L'eau m'envahit comme une incessante ritournelle d'aveuglement.<br />
Dans mon visage sont enterrés tous les retours aux sources du malentendu<br />
congénital. Quelle image réfractée de mon regard définitif se<br />
laissera imprimer dans la ténacité de mes yeux ?<br />
Regarder, regarder! «Ce toit tranquille où marchent les...»<br />
ombres, ce roulement des vagues étouffées par le cri. Persister dans le<br />
regard contre vents et marées de l'apparition de l'obscurité omnipuissante.<br />
Sentir la respiration du cimetière marin où s'engouffra le vertige<br />
de la pureté calculée en signes. Sentir le déplacement paisible de l'azur<br />
dédoublé, multiplié par le silence des vagues évanouies. Quel pathos<br />
de l'opération décisive du poète qui calcule les rythmes et la résistance<br />
du langage pris pour le miroir de l'universel particulier!<br />
Je retourne au désir inébranlable de la perfection dont je vois les<br />
fastueuses frontières. À l'épreuve de l'évanescence tout s'est transformé<br />
en lumière. Ses cortèges me poursuivent au moment où je regarde<br />
sans étonnement les écrans traversés par les montages trompeurs. On<br />
me jette à la figure les images calculées de la tribu commerciale. Les<br />
hordes dansantes aux regards hagards perpétuent les artifices de l'extase.<br />
Je regarde les formes qui ne signifient que leur appartenance au<br />
marché. Le manipulable envahit mon champ de vision. L'investissement<br />
dans le visible reproduit la reproduction.Dans l'institution de<br />
l'image je ne suis pas partie prenante.<br />
Qui suis-je alors et encore, moi, Narcisse impénitent, au carrefour<br />
des stratagèmes du commerce universel. Le calcul est d'apparence simple.<br />
Dans l'iconolàtrie généralisée rien ne me concerne moins que la<br />
répétition servile de la servitude. Les échos m'assiègent et je ne suis<br />
plus ce désir indomptable du miroir qui absorbe mes regards répétitifs.<br />
Tel le signe inépuisable de la patience face aux reflets, je grandis<br />
implacablement sur les places publiques pleines d'images qui désarment<br />
la raison. Triomphe le simulacre qui annule à jamais le sens du<br />
certain, du verifiable, du connaissable. Je ne puis plus avancer. Mes<br />
regards sont une répétition de la détresse que mes nostalgiques pensées<br />
portent jusqu'au bout du gouffre. Je suis cette surface que la passion<br />
de soi a transformé en spectateur des regards commandés par<br />
mon destin.<br />
L'intraitable puissance des images que les écrans du quotidien fictif<br />
me jettent à la figure. Je ne peux plus réaliser mon propre mythe. Il<br />
se promène à travers mon corps. Il écrit sur mon front son attachement<br />
à mon histoire. Donc, encore une fois le miroir, le désir de<br />
reprendre à l'image sa désinvolture, son pouvoir de m'imposer la<br />
répétition compulsive du même en face de l'identique. Le labyrinthe<br />
m'absorbe et m'engloutit. Je me décide à persister dans mon énergie<br />
du mortel.Je serais donc au rendez-vous de ces millions de regards qui<br />
firent de moi le <strong>voyeur</strong> impénitent de la beauté irrépétable enfoncée<br />
au fond du mystère aquatique.<br />
Joueur passif d'un spectacle dont le fil conducteur tressaillit sans<br />
cesse, je dois acquiescer à ma propre fuite devant le temps qui ne parle<br />
pas, ne regarde pas, ne désire rien, possède tout et change tout en rien.<br />
Que Tirésias et Echo se taisent une fois pour toutes. Les signes qui se<br />
croisent au fond du miroir m'appellent à injurier ma propre passion.<br />
Je ne peux que reconnaître ma soumission à la puissance de l'invasion<br />
du représenté par l'insistance du visible. La clé des songes est perdue à<br />
jamais. La terreur de l'affirmation par l'image me réduit à ce lieu d'observation<br />
où tout est prévisible. Ainsi commence le spectacle, se taisent<br />
les pleureuses, le coryphée explique la faute tragique. Un nouvel<br />
Aristote se met à écrire sa poétique de l'irreprésentable. Dans le royaume<br />
du prévisible je me sacrifie sur l'autel de mes démons. Le ruisseau<br />
de lumière se fraie un chemin dans le ciel d'un autre royaume.<br />
Maintenant mes yeux n'entendent plus rien. Mes oreilles ne<br />
regardent plus. Mes mains ne perçoivent aucun message. Mon cou gît<br />
dans le terrain vague de la dysharmonie collective. « Cou cou coupé. »<br />
Ma tête détachée ne chante pas. Le paysage qui m'entoure n'est pas<br />
orphique. Les fils sont rompus. Les mélodies sont coupées. De l'abîme<br />
monte une fumée sombre. Les symboles ne reviennent pas. B<br />
, '<br />
• Noir et Blanc<br />
• Couleur, E-6, C-41<br />
• Impression à partir<br />
de diapositive sans<br />
inter-négatif<br />
• Numérisation<br />
Impression numérique |<br />
sur film ou papier<br />
• Production<br />
multi-média<br />
Retouche électronique)<br />
• Photo CD Kodak<br />
• Duratrans<br />
• Grand format<br />
• Montage, laminage<br />
ISIS. GILFORD, MONTRÉAL<br />
523-ZB87<br />
P a 1 o m a<br />
NUMÉRO <strong>46</strong>-<strong>47</strong> • VICE VERSA 41