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s’étalaient sur son épaule ; ses yeux vert pâle semblaient noyés de larmes. Un homme se tenait derrière
elle, les mains sur ses épaules. Son visage, sérieux mais aussi terriblement triste, était encadré de
cheveux châtain doré légèrement ondulés, qui effleuraient son menton.
Même si ces deux personnes m’étaient inconnues, ce portrait a fait naître une boule dans ma gorge. Je
n’avais jamais vu de visages aussi malheureux. Je me suis approchée de Shay.
– Pourquoi ne me l’a-t-il pas dit ? murmura-t-il.
– Pourquoi qui ne t’a pas dit quoi ?
– Mon oncle, lâcha-t-il en arrachant son regard du portrait. C’est ma mère… et je crois que c’est mon
père.
– Tu es sûr ? demandai-je, incrédule.
– Oui, si toi tu es sûre que mon odorat a ravivé un souvenir réel. C’est la femme que j’ai vue quand j’ai
senti la couverture.
– Mais Bosque ne voulait pas que tu gardes de photos d’eux !
– Exactement. Alors pourquoi exposerait-il leur portrait dans sa bibliothèque ? Et pourquoi
m’empêcherait-il de le voir ?
– Peut-être craignait-il que tu te rappelles quelque chose. C’est le cas ?
Il observa à nouveau le tableau.
– Non.
– Est-ce que ça va ? demandai-je en lui prenant la main.
– Je ne sais pas, dit-il en passant le pouce sur ma paume. Ce serait plus facile s’il y avait au moins une
chose de sensée dans ma vie.
Je pressai ses doigts.
– Je comprends.
Nous avions tous les deux soulevé trop de pierres sous lesquelles grouillaient des secrets hideux.
– Bon, et maintenant ? ajoutai-je.
– Maintenant, on fait ce qui nous a amenés ici à la base.
– Des recherches ?
– Des recherches.
Je regardai les immenses étagères.
– Tu sais par où commencer ? Ton oncle a-t-il un catalogue ?
– Oh, ce serait trop facile, tu ne penses pas ?
– Alors je suppose que je vais devoir fouiller au hasard, dis-je en ignorant son regard taquin.
Il me fit un sourire espiègle.
– Il y a bien quelque chose.
– Quoi ?
– Un meuble-bibliothèque fermé à clé.
– Voilà qui paraît prometteur. As-tu déjà regardé à l’intérieur ?
Il rougit et se frotta la nuque.
– Ça me coûte de l’admettre, mais je me sentais un peu coupable d’être entré par effraction dans la
bibliothèque de Bosque. Je me suis dit que je pourrais me rattraper en laissant ce meuble tranquille… Un
compromis, en quelque sorte.
– Tu es un garçon étrange, marmonnai-je.
– C’est pour ça que tu m’aimes bien, me lança-t-il avec un grand sourire.
Il traversa la pièce.
Le meuble-bibliothèque en acajou sculpté se trouvait dans un coin, près du mur extérieur, à côté d’une
grande horloge qui tictaquait doucement. Shay força la serrure et ouvrit la porte. Elle contenait six
étagères remplies de livres à la couverture en cuir. Il en sortit un de la plus haute.