« L'état des lieux des discriminations en France» - Adheos

La voie de l’adoption, d’autre part, ne lui est pas en principe fermée, au regard des
textes. Toutefois, les autorités administratives ont parfois refusé des demandes
d’agrément en vue de l’adoption d’un enfant en fonction de l’orientation sexuelle de
l’adoptant. Un tel refus s’appuyait sur l’article 4 du décret n°98-771 du 1er septembre
1998 relatif à l'agrément des personnes qui souhaitent adopter un pupille de l'Etat ou un
enfant étranger. Selon ce texte, « le président du conseil général doit s’assurer que les
conditions d’accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et
psychologique correspondent aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté ». Or, une telle
prérogative a été le fondement invoqué pour refuser l’agrément aux adoptants
homosexuels, en considérant que leur « mode de vie apparaissait comme pouvant
renforcer les fragilités affectives et psychologiques d’un enfant adopté » 14 ; ou que celui-ci
mettaient en avant « défaut de repères identificatoires dû à l’absence d’image ou de
référent paternel » 15. Le mode de vie, sous-entendu son orientation sexuelle, n’offrait pas,
sur les plans familial, éducatif et psychologique, des conditions d’accueil correspondant
aux besoins et à l’intérêt d’un enfant adopté.
Les tribunaux ont défendu pendant longtemps la légitimité d’un tel refus d’agrément
en raison de l’orientation sexuelle du requérant en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’un
comportement discriminatoire : le Conseil d’Etat le justifie en avançant que la Cour n’a
pas « fondé sa décision sur une position de principe concernant les orientations sexuelles
de la requérante » (in abstracto) mais sur la relation homosexuelle de l’adoptant « au regard
des besoins et de l’intérêt d’un enfant adopté » ( in concreto) 16. Mais aucun individu
homosexuel candidat à l’adoption n’offrait les garanties d’équilibre et de stabilité exigées
pour cet agrément …
Depuis, la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt E.B. c/ France, 22
janv. 2008, a jugé que la motivation opérée par les autorités françaises pour rejeter une
demande d’agrément en vue d’adopter viole l’article 14 et 8 de la CEDH en raison de la
distinction dictée par des considérations tenant à l’orientation sexuelle de la requérante.
La Halde s’est aussi montrée critique envers le refus d'agrément en vue d'adoption opposé
à une femme homosexuelle 17. En droit interne, le premier tribunal administratif à s’aligner
sur la jurisprudence européenne est celui de Besançon, qui le 10 novembre 2009 a annulé
un refus d’agrément à l’adoption opposé à un couple homosexuel 18 .
En droit français, l’accès à la parentalité par les couples homosexuels et
l’établissement d’un lien filiation de ces couples avec leurs enfants est de nos jours
impossible.
14
CA Lyon, ch. 4, 20 nov. 2003, n°03LY00818.
15
CA Nancy, 21 déc. 2000, Juris-data n°2000-145803, extrait de CE, sous-sections 1 et 2 réunies, 5 juin 2002,
n°230533.
16
CE, sous-sections 1 et 2 réunies, 5 juin 2002, n°230533.
17
n° 2009-350 du 05/10/2009
18
Juris-data n°2009-013799.
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