Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage
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[IX] BULLETIN CARTÉSIEN XXXII 155<br />
rel<strong>les</strong>) soit plus contraire à son immutabilité que le fait de causer l’existence de<br />
nombreuses choses, action qui, même si elle a été décrétée de toute éternité, ne<br />
s’accomplit réellement que dans le cours du temps. En particulier, il n’apparaît pas<br />
clairement pourquoi Dieu ne pourrait pas aussi bien être immuable, s’il devait<br />
changer parfois la quantité de mouvement qu’il a mis dans le monde, qu’il ne l’est,<br />
d’après l’opinion de la plupart des cartésiens eux-mêmes, alors même qu’il crée<br />
journellement une multitude d’âmes rationnel<strong>les</strong> afin de <strong>les</strong> unir aux corps humains ;<br />
particulièrement lorsqu’on considère que ces substances nouvellement créées sont,<br />
selon Descartes, pourvues d’un pouvoir de déterminer <strong>et</strong> régler <strong>les</strong> mouvements des<br />
esprits <strong>et</strong> du conarion, choses as<strong>sur</strong>ément corporel<strong>les</strong>. Ce n’est pas que je veuille ici<br />
rej<strong>et</strong>er absolument la doctrine cartésienne <strong>sur</strong> la préservation de la même quantité de<br />
mouvement dans toute la masse matérielle ; car qu’il s’agisse ou non d’une vérité,je<br />
ne pense pas que l’hypothèse en soit inutile ou improbable ; <strong>et</strong> ce n’est pas tant contre<br />
elle que je dispute ici que contre <strong>les</strong> fondements <strong>sur</strong> <strong>les</strong>quels ils l’appuient.<br />
Par conséquent, pour en venir maintenant à la chose même, tandis que Monsieur<br />
Descartes objecte que c’est une présomption pour l’homme que de prétendre pouvoir<br />
pénétrer <strong>les</strong> fins que Dieu omniscient s’est proposées en faisant <strong>les</strong> Créatures, je<br />
considère en guise de réponse, qu’il y a deux manières très différentes de prétendre<br />
comprendre <strong>les</strong> fins de Dieu dans <strong>les</strong> œuvres visib<strong>les</strong>. Car on peut prétendre connaître<br />
seulement certaines de ses fins, dans certaines de ses œuvres, ou l’on peut<br />
prétendre connaître toutes ses fins. Celui qui s’arroge la capacité de découvrir <strong>les</strong> fins<br />
de Dieu en ce second sens sera difficilement excusable de c<strong>et</strong>te extrême présomption<br />
(je dirais même, c<strong>et</strong>te extrême folie) pour la raison déjà avancée. Mais prétendre<br />
connaître <strong>les</strong> fins de Dieu dans le premier sens n’est pas une présomption. C’est<br />
plutôtundevoir(c) que de <strong>les</strong> remarquer. Car il y a certaines choses dans la nature si<br />
curieusement agencées, si finement adaptées à certaines opérations <strong>et</strong> certains usages<br />
que cela semble être à peine moins que de l’aveuglement que de reconnaître, avec <strong>les</strong><br />
Cartésiens, l’existence d’un Auteur des choses très sage, <strong>et</strong> de ne pas conclure que ces<br />
choses furent conçues pour ces usages, quoiqu’el<strong>les</strong> puissent avoir été faites aussi<br />
pour d’autres fins, <strong>et</strong> peut-être de plus élevées.Demême que quiconque voit la<br />
fabrique des enveloppes, humeurs <strong>et</strong> musc<strong>les</strong> de l’œil, <strong>et</strong> de quelle excellente manière<br />
toutes ses parties sont adaptées à la constitution d’un organe de vision, peut difficilement<br />
s’empêcher de croire que c’est dans l’intention de le rendre apte à la vision<br />
que l’Auteur de la nature a donnéàl’animal un tel organe.<br />
Les Epicuriens, qui croient que le monde a été produit par le concours hasardeux<br />
des atomes sans l’intervention d’aucun être créé, peuvent certes avoir une sorte<br />
d’excuse, dont <strong>les</strong> autres philosophes qui reconnaissent l’existence d’une Déité <strong>et</strong><br />
peut-être d’une providence sont dépourvus. Car la seule supposition par exemple que<br />
<strong>les</strong> yeux d’un homme sont le résultat du hasard implique qu’ils n’entr<strong>et</strong>iennent<br />
aucune relation avec un agent capable de desseins, <strong>et</strong> il doit en résulter que l’usage<br />
qu’un homme en fait sera soit, lui aussi, le fruit du hasard, soit au moins l’eff<strong>et</strong> de sa<br />
connaissance, non de la nature. Mais lorsque la dissection anatomique d’un œil<br />
humain <strong>et</strong> la considération de son fonctionnement optique nous montrent qu’il est<br />
aussi parfaitement adapté àêtre un organe de vision qu’aurait pu l’être un p<strong>et</strong>it<br />
ustensile conçu pour cela <strong>et</strong> forgé par le meilleur artisan du monde, il devient fort<br />
difficile <strong>et</strong> incongru de dire qu’un artisan, qui est trop intelligent pour faire quoi que