Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage
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[XIII] BULLETIN CARTÉSIEN XXXII 159<br />
find’éclairer l’homme qui n’en occupe qu’une très p<strong>et</strong>ite partie, est quelque peu mal<br />
intentionné, peu d’auteurs compétents en eff<strong>et</strong> entendent confiner l’utilité du soleil<br />
uniquement à l’éclairement de l’homme, <strong>et</strong> la p<strong>et</strong>itesse de ses dimensions ne doit pas<br />
nous conduire à tenir pour ab<strong>sur</strong>de que Dieu ait eu une considération spéciale du<br />
bien être de l’homme lorsqu’il a forgé ce globe lumineux ; car non seulement ¢ pour<br />
autant que <strong>les</strong> apparences nous perm<strong>et</strong>tent d’en juger ¢ c<strong>et</strong> instrument très excellent<br />
qu’est le corps de l’homme est une chose plus admirable que le soleil, mais l’âme<br />
rationnelle <strong>et</strong> immortelle qui réside en lui peut être justement considérée comme<br />
incomparablement plus noble qu’une immense quantité de matière brute, qui, elle,<br />
est bien loin de présenter une telle organisation (comme nous le montrerons plus loin<br />
de manière plus étendue). Et puisque, dans ce même discours, l’auteur pénétrant<br />
confesse que nous pouvons connaître <strong>les</strong> fins des œuvres corporel<strong>les</strong> de Dieu s’Il nous<br />
<strong>les</strong> révèle ; un philosophe chrétien peut être autorisé àpenser que le soleil fut fait,<br />
entre autres choses, pour éclairer la terre <strong>et</strong> pour l’usage de l’homme (e), puisque<br />
l’Ecriture nous apprend que, non seulement le soleil <strong>et</strong> la lune, mais <strong>les</strong> étoi<strong>les</strong> du<br />
firmament (que Descartes, de manière plausible, considère comme autant de soleils)<br />
furent faites pour donner de la lumière à la terre <strong>et</strong> furent réparties entre toutes <strong>les</strong><br />
nations qui l’habitent (Deutéronome 4,19). Peut-être ne sera-t-il pas trop hardi<br />
d’ajouter que je ne vois pas pourquoi le fait de croire qu’un homme puisse connaître<br />
quelques-unes des fins de Dieu dans <strong>les</strong> choses corporel<strong>les</strong> porterait plus atteinte à la<br />
vénération de sa sagesse, que la pensée que nous connaissons quelques-unes de ses<br />
fins en d’autres matières, chose dont l’Ecriture nous fournit bien des exemp<strong>les</strong>,<br />
comme en particulier celui de Job sacrifiant pour ses amis ; <strong>et</strong> celui des usages<br />
déclarés d’Urim <strong>et</strong> Thummim 11 : puisque Dieu peut, s’il le Désire, déclarer des<br />
vérités aux hommes <strong>et</strong> <strong>les</strong> instruire par ses créatures <strong>et</strong> ses actions aussi bien que par<br />
ses paro<strong>les</strong>. C’est ainsi qu’il instruisit Noé par le moyen de l’arc-en-ciel, <strong>et</strong> Jonas par<br />
une citrouille <strong>et</strong> un ver 12 ,régla <strong>les</strong> campements des Hébreux en <strong>les</strong> guidant par le<br />
moyen d’un nuage <strong>et</strong> d’une colonne de feu 13 .Enfin, tandis que Monsieur Descartes<br />
objecte que ceux dont il se sépare parlent de Dieu comme s’il s’agissait d’un homme<br />
superbe, qui n’aurait eu d’autre fins en concevant ses œuvres que d’être loué pour<br />
el<strong>les</strong>, je me demande si en ce lieu il parle de Dieu avec la prudence <strong>et</strong> la révérence qui<br />
sont ici requises <strong>et</strong> qui lui sont coutumières ailleurs. Car, de même que l’humilité, qui<br />
est une vertu en l’homme, est très loin de constituer l’une des perfections de Dieu, de<br />
même l’orgueil, [vice] pour l’homme, qui n’est qu’une créature, imparfaite, dépendante,<br />
ne possédant rien qu’elle n’ait reçu, ne l’est en rien en Dieu qui est incapable<br />
de vice <strong>et</strong> qui peut à bon droit, s’Il le veut, se proposer à Lui-même sa propre gloire<br />
comme l’une de ses fins, réclamer des hommes qu’ils Le louent pour ses œuvres <strong>et</strong> se<br />
réjouir de cela, puisqu’Il est suprêmement digne de tous <strong>les</strong> éloges, <strong>et</strong> qu’il est du<br />
devoir des hommes de Le glorifier <strong>et</strong> de Lui rendre ce service raisonnable qu’Il lui<br />
plaîtd’approuver gracieusement.<br />
11. Dans l’Ancien Testament, l’expression désigne des obj<strong>et</strong>s ¢ dont la nature ne nous est<br />
pas connue ¢ exhibés par le grand prêtre, <strong>et</strong> par <strong>les</strong>quels la volonté de Dieu se déclarait. Cf.<br />
Exode 28,30 ; Deutéronome 33,8, <strong>et</strong>c.<br />
12. Jonas 4,6-10.<br />
13. Exode 13,21