25.06.2013 Views

Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage

Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage

Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

[V] BULLETIN CARTÉSIEN XXXII 151<br />

déracinement de thèmes cartésiens, physiques ou métaphysiques, qu’on r<strong>et</strong>rouve<br />

chez <strong>les</strong> Anglais, parfois ad literam, alors même que se voient récusés certains de<br />

leurs fondements théoriques.<br />

Le texte de Robert <strong>Boyle</strong> que nous présentons ici en traduction, un extrait de sa<br />

Disquisition about the Final Causes of Natural Things 5 , offre une illustration<br />

symptomatique de la manière ambiguë <strong>et</strong> complexe dont la figure cartésienne a pu<br />

être mobilisée dans le débat anglais <strong>sur</strong> la science <strong>et</strong> sa portée religieuse.<br />

Ce texte, le plus long que <strong>Boyle</strong> ait jamais consacré àDescartes, développe<br />

as<strong>sur</strong>ément une critique, mais qui est loin d’être unilatérale <strong>et</strong> sans nuance. L’attaque<br />

contre la forme d’agnosticisme préconisé par Descartes en matière de causalitéfinale<br />

ne peut se comprendre ici si l’on ne voit que <strong>Boyle</strong> ne se sépare de Descartes que<br />

parce qu’il souhaite protéger, mieux que Descartes ne le faisait, une option philosophique<br />

<strong>sur</strong> la nature qu’il partage avec lui <strong>et</strong> que, dans toute son œuvre, il veut<br />

défendre contre deux sortes d’adversaires : <strong>les</strong> uns, qu’il désigne comme épicuriens,<br />

rej<strong>et</strong>tent l’existence même d’un quelconque dessein dans la production des choses<br />

naturel<strong>les</strong> ; <strong>les</strong> autres se rangent explicitement, ou implicitement, sous la bannière<br />

d’Aristote, considérant que c’est, non pas seulement Dieu, mais la nature elle-même,<br />

qui, dans sa faculté formatrice ou plastique, serait capable de se donner des fins. Un<br />

des points qui importe à <strong>Boyle</strong> est de rectifier une représentation faussée de Descartes<br />

qui commence àêtre véhiculée en Angl<strong>et</strong>erre, selon laquelle Descartes, en<br />

attaquant <strong>les</strong> seconds, aurait volontairement ou involontairement donné des armes<br />

aux premiers, c’est-à-dire au matérialisme <strong>et</strong> à l’athéisme. <strong>Boyle</strong> qui énonce pour son<br />

propre compte <strong>les</strong> attendus de la critique cartésienne contre le « concept vulgaire de<br />

nature » 6 , <strong>et</strong> qui défend une version stricte de la « philosophie mécanique », assez<br />

proche de la version cartésienne 7 , perçoit que, à bien des égards, c’est sa propre<br />

identité philosophique qui est menacée dans c<strong>et</strong>te distorsion de la figure cartésienne.<br />

5. A Disquisition about the Final Causes of Natural Things, inThe Works of the<br />

Honourable Robert <strong>Boyle</strong>, édité par Thomas Birch, 2 e éd., 6 volumes, Londres, J. & F.<br />

Rivington, 1772 (ci-après Birch), vol. V, p. 392-444. Voir, pour une présentation assez fidèle de<br />

l’ouvrage, Timothy Shanahan, « Teleological Reasoning in <strong>Boyle</strong>’s Disquisition about The<br />

Final Causes », in Michael Hunter (éd.), Robert <strong>Boyle</strong> Reconsidered, Cambridge, University<br />

Press, 1994.<br />

6. Cf. A Free Inquiry into the Vulgarly received Notion of Nature, (1686 ; écrit en 1665-6)<br />

Birch, vol. V, p. 158-254.<br />

7. <strong>Boyle</strong> s’est toujours mis à distance de l’œuvre cartésienne, affirmant même dans son<br />

Proëmial Essay (cf. Certain Physiological Essay, in Birch, vol. I, p. 302) s’être délibérément<br />

abstenu de la lire en détail, pour être en me<strong>sur</strong>e de se forger une opinion propre. Incontestablement,<br />

<strong>sur</strong> bien des points de doctrine ou de méthode (le vide, l’impénétrabilité, le statut de<br />

l’expérience), la distance avec Descartes est considérable. On peut estimer néanmoins qu’avec<br />

<strong>Hooke</strong>, <strong>Boyle</strong> représente <strong>et</strong> défend en Angl<strong>et</strong>erre une option stricte <strong>sur</strong> la « mechanical<br />

philosophy » qui, par la rigueur de ses exclusives, s’apparente fortement à l’option cartésienne.<br />

L’affirmation célèbre selon laquelle « <strong>les</strong> deux principes catholiques » de la nature sont<br />

« matière <strong>et</strong> mouvement » en donne la formule : d’une part, tous <strong>les</strong> phénomènes de la nature<br />

sont susceptib<strong>les</strong> d’être rapportés à ces principes <strong>et</strong> à eux seuls ; <strong>et</strong> d’autre part le mouvement,<br />

dont la source est divine, est un principe extrinsèque à la matière, <strong>les</strong> corps le véhiculent <strong>et</strong> le<br />

transm<strong>et</strong>tent mais ne sont en aucune façon capab<strong>les</strong> de le créer ou de l’annihiler. En d’autres<br />

termes, à l’encontre de ce que pourra penser More, il n’existe pas dans la nature matérielle

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!