Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage
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[XV] BULLETIN CARTÉSIEN XXXII 161<br />
pourvoir à l’implantation d’une vérité d’une telle importance en imprimant <strong>les</strong><br />
caractères ou vivantes impressions, par <strong>les</strong>quels <strong>les</strong> hommes peuvent connaître sa<br />
sagesse <strong>et</strong> bonté, aussi bien au-dehors, <strong>sur</strong> le monde extérieur, qu’au-dedans, <strong>sur</strong> nos<br />
esprits. Lorsqu’on envisage purement <strong>et</strong> simplement la fabrique du monde, sans<br />
considération d’aucune de ses parties, comme quelque chose qui serait destiné à<br />
certains usages déterminés, on peut encore ne pas être entièrement convaincu qu’il<br />
existe un Auteur <strong>et</strong> Dispensateur des choses intelligent, sage <strong>et</strong> prévoyant ; puisque<br />
nous voyons que <strong>les</strong> aristotéliciens (avant que certains d’entre eux ne fussent mieux<br />
instruits par la religion chrétienne) ont cru qu’il était éternel, en dépit de l’étendue,<br />
de la symétrie <strong>et</strong> de la beauté du monde. Et bien que (quoique leur maître eût pensé)<br />
ils ne crurent pas qu’il avait été créé par Dieu, cependant, parce qu’ils affirmaient que<br />
<strong>les</strong> animaux, <strong>les</strong> plantes, <strong>et</strong>c. agissent de manière finale, ils furent obligé de reconnaître<br />
un être prévoyant <strong>et</strong> puissant capable de maintenir <strong>et</strong> gouverner l’Univers qu’ils<br />
appelaient nature, quoiqu’ils se méprenaient dangereusement, tantôt en confondant<br />
c<strong>et</strong> être avec Dieu lui-même, <strong>et</strong> tantôt en parlant de lui comme s’il lui était coordonné,<br />
comme dans ce fameux axiome d’Aristote Deus <strong>et</strong> natura nihil faciunt frustra. Je<br />
reconnais par conséquent, que, de même que j’accorde une juste valeur à la preuve<br />
cartésienne de l’existence de Dieu, de même, je ne vois pas de raison qui devrait nous<br />
pousser à nous défaire de tout autre argument fort capable de prouver une vérité si<br />
noble <strong>et</strong> si importante. En particulier dans la me<strong>sur</strong>e où la manière cartésienne de<br />
considérer le monde est certes très propre à montrer la grandeur de la puissance de<br />
Dieu, mais non, au contraire de celle pour laquelle je plaide, à manifester sa sagesse<br />
<strong>et</strong> sa bonté. Car tandis qu’un cartésien ne fait que montrer que Dieu doit être<br />
admirablement sage parce qu’on suppose qu’il existe ; dans notre approche, la même<br />
chose est manifestée par <strong>les</strong> eff<strong>et</strong>s d’une sagesse, aussi bien que d’un pouvoir, qui ne<br />
peuvent être raisonnablement attribués à nul autre qu’à l’être suprêmement intelligent<br />
<strong>et</strong> puissant. De sorte que par ce moyen, <strong>les</strong> hommes peuvent être conduits par un<br />
seul <strong>et</strong> même argument tout à la fois à reconnaître l’existence de Dieu, à l’admirer <strong>et</strong><br />
à lui rendre grâce.<br />
Remarques de <strong>Hooke</strong> <strong>sur</strong> le manuscrit de la Disquisition<br />
Royal Soci<strong>et</strong>y <strong>Boyle</strong> Papers 10, fol. 116.<br />
Je ne me souviens pas que Des-Cartes traite des <strong>causes</strong> fina<strong>les</strong> en plus de deux<br />
endroits, à savoir vers le commencement de la troisième partie de ses Principes 14 ,<strong>et</strong><br />
dans la quatrième Méditation 15 , aussi vers le début, <strong>et</strong> dans ces deux endroits il<br />
semble n’en parler qu’incidemment <strong>et</strong> cependant avec beaucoup de prudence, <strong>et</strong><br />
dans le premier en particulier, qui fut écrit le plus tard, il semble à leur suj<strong>et</strong> ne rien<br />
affirmer qui n’aille au-delà que ce à quoi peut-être reviennent plusieurs des thèses<br />
que vous avancez dans c<strong>et</strong> excellent discours.<br />
14. Cf. art 2 <strong>et</strong> 3, AT VIII-1, 80-81.<br />
15. Cf. AT VII, 55:«[...] atque ob hanc unicam rationem totum illud causarum genus,<br />
quod a fine p<strong>et</strong>i sol<strong>et</strong>, in rebus Physicis nullum usum habere existimo ; non enim absque<br />
temertate me puto posse investigare fines Dei. »