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Boyle et Hooke sur les causes finales - Savoirs Textes Langage

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[VII] BULLETIN CARTÉSIEN XXXII 153<br />

Historiquement, ce texte présente l’intérêt d’expliciter <strong>et</strong> d’exposer de manière<br />

articulée un certain nombre de positions <strong>sur</strong> <strong>les</strong> relations du physique <strong>et</strong> du théologique<br />

qui sont appelées à une postérité remarquable dans le discours anglais <strong>sur</strong> la<br />

science. L’étude des œuvres particulières de Dieu <strong>et</strong> de leur structure finale constitue<br />

une forme de culte que l’on rend à l’intelligence organisatrice du monde ; elle est<br />

supérieure dans sa capacité de restitution des véritab<strong>les</strong> attributs de Dieu à la simple<br />

considération de la contingence du monde, ou à celle de l’idée innée que nous<br />

pourrions avoir de l’être parfait. Dieu est présent au monde matériel, non seulement<br />

parce qu’il en soutient l’être continuellement, mais parce qu’il est également susceptible<br />

d’en renouveler <strong>les</strong> forces périodiquement en communiquant une nouvelle<br />

quantité de mouvement à la matière. Ce fait, aux yeux de <strong>Boyle</strong>, ne peut contredire<br />

l’immutabilité divine, car celle-ci ne requiert pas la concentration de l’acte moteur<br />

dans le seul instant initial de la création. Enfin, si la détermination des phénomènes<br />

par <strong>les</strong> <strong>causes</strong> efficientes suffit à leur explication physique, il n’y a pas lieu pour<br />

autant d’affirmer une complète autonomie du discours physique à l’égard de celui de<br />

la « raison commune » ou de la métaphysique <strong>et</strong>, partant, à l’égard des considérations<br />

fina<strong>les</strong> qu’ils véhiculent ¢ l’œuvre physique de Descartes elle-même offre d’ailleurs<br />

l’exemple de la nécessaire conjugaison de ces discours. On peut estimer que chacun<br />

des thèmes esquissés ici aura une postérité importante en Angl<strong>et</strong>erre, <strong>et</strong> notamment<br />

chez Newton 9 <strong>et</strong> <strong>les</strong> newtoniens ou chez <strong>les</strong> naturalistes du tournant du siècle, tels<br />

John Ray ou Nehemiah Grew 10 , dont l’œuvre est toute vibrante de physicothéologie.<br />

La Disquisition fut écrite en 1677, probablement à la demande d’Oldenburg, le<br />

secrétaire de la Royal Soci<strong>et</strong>y, juste avant sa mort. Comme il le fit pour nombre de ses<br />

écrits, <strong>Boyle</strong> publia ce traité tardivement, en 1688. Il en avait entr<strong>et</strong>emps modifié<br />

certains passages, notamment <strong>sur</strong> <strong>les</strong> conseils de <strong>Hooke</strong>. Nous donnons ici une<br />

traduction française de la plus grande partie de la section I consacrée à Descartes.<br />

Nous y avons adjoint une traduction des remarques que <strong>Hooke</strong> avait rédigées, à<br />

l’intention de <strong>Boyle</strong>, <strong>sur</strong> la version primitive du texte. C<strong>et</strong>te page manuscrite a été<br />

récemment découverte dans <strong>les</strong> papiers de <strong>Boyle</strong>, attribuée à <strong>Hooke</strong>, <strong>et</strong> r<strong>et</strong>ranscrite<br />

par Edward B. Davis en appendice à son article «‘Parcere Nominibus’ : <strong>Boyle</strong>, <strong>Hooke</strong><br />

and the rh<strong>et</strong>orical Interpr<strong>et</strong>ation of Descartes », in Michael Hunter, Robert <strong>Boyle</strong><br />

Reconsidered (Cambridge, University Press, 1994). Nous n’en donnons ici que la<br />

partie relative au traitement de Descartes par <strong>Boyle</strong>, <strong>et</strong> nous avons tâché, à la suite de<br />

Davis, d’indiquer dans le texte de <strong>Boyle</strong> <strong>les</strong> lieux probab<strong>les</strong> auxquels <strong>les</strong> notes de<br />

9. Dans son Opticks,2 e éd. Londres, 1717, Query 28, Newton développe l’argument selon<br />

lequel le dessein qui préside à la constitution des créatures doit conduire à l’affirmation d’un<br />

«être intelligent, immatériel <strong>et</strong> présent partout ». Ladécouverte de c<strong>et</strong>te cause première, qui<br />

« certainement n’est pas mécanique », constitue une tâche à part entière de la philosophie<br />

expérimentale (ibid.). Enfin, s’appuyant <strong>sur</strong> le constat que <strong>les</strong> divers mouvements qu’on<br />

observe dans le monde « diminuent sans cesse », il indique qu’il est absolument nécessaire qu’ils<br />

soient « réapprovisionnés par des principes actifs » (ibid., Query 31). Voir également le « Scholium<br />

Generale » dans Philosophia Naturalis Principia Mathematica 2 e éd. 1713.<br />

10. Cf. Nehemiah Grew , The Anatomy of Plants, Londres, 1682 ; Cosmologia Sacra,<br />

Londres, 1701 ; John Ray, The Wisdom of God Manifested in the Works of the Creation,<br />

Londres, 1691.

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