Nulle part et partout - Je me livre ... Eric Vincent
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<strong>Nulle</strong> <strong>part</strong> <strong>et</strong> <strong>part</strong>out<br />
pourquoi devrait-il, suivant les indications d'Emilie, interpréter ces visions en supposant<br />
qu'elles contiennent des informations ? C'était ridicule.<br />
Il s'allongea sur le matelas après avoir rangé ses eff<strong>et</strong>s personnels dans un placard mural. Il<br />
desserra sa cravate, défit les deux premiers boutons de sa chemise bleue. Il ferma les yeux.<br />
Les visions apocalyptiques l'assaillirent sans pitié.<br />
Lundi 27 décembre, 9 heures.<br />
*<br />
* *<br />
La grêle martelait le titane <strong>et</strong> le carbone de sa voiture. Une averse était rare en décembre. Une<br />
averse était rare tout simple<strong>me</strong>nt car les fronts froids boudaient la France depuis quelques<br />
années. Le systè<strong>me</strong> de balayage du pare-brise, perfectionné, était incapable de stopper la glace<br />
proj<strong>et</strong>ée avec violence sur le verre. C<strong>et</strong>te soudaine <strong>et</strong> brutale intempérie brouillait les<br />
transmissions des satellites. Dans ce cas, le radar embarqué se m<strong>et</strong>tait en fonction <strong>et</strong> le<br />
pilotage devenait semi-automatique. Christian redoubla de vigilance <strong>et</strong> consulta sa carte<br />
électronique pour trouver le lieu du rendez-vous. Par chance, les balises installées sur les<br />
boulevards <strong>et</strong> autres avenues fonctionnaient à <strong>me</strong>rveille. Il recevait le signal du boulevard<br />
Joffre. Parfait !<br />
A hauteur du numéro 36, il s'engouffra dans un parking souterrain. L'im<strong>me</strong>uble bâti au 19è<strong>me</strong><br />
siècle, était en pierre de taille, des fondations au somm<strong>et</strong>. Le parking, creusé plus tard, vers la<br />
fin du 20è<strong>me</strong> siècle, était bien entendu entière<strong>me</strong>nt fait de béton. Ce qui n'empêchait pas que<br />
c<strong>et</strong> im<strong>me</strong>uble grand luxe constituait l'abri des plus riches oiseaux <strong>et</strong> oiselles de la ville. Le<br />
sous-sol était plongé dans l'obscurité. L'éclairage ne s'était pas déclenché lors de son entrée.<br />
Huit heures trente. Trop tôt. Il avait passé une nuit effroyable, peuplée de chimères <strong>et</strong> de<br />
fantô<strong>me</strong>s peu appétissants, une de ces nuits que l'on souhaitait voir s'achever au plus tôt. A<br />
cinq heures du matin, dans l'obscurité, il s'était éveillé, en sueur, tremblant, secoué par des<br />
visions hallucinantes. Des voix, des hurle<strong>me</strong>nts, des enfants, des fem<strong>me</strong>s, un amalga<strong>me</strong><br />
confus, tonitruant. C'était complète<strong>me</strong>nt idiot ! A quoi rimaient ces l<strong>et</strong>tres <strong>et</strong> ces chiffres qui<br />
défilaient sans cesse ? A présent, il faisait de bien curieux rêves. Certes, le propre d'un rêve<br />
était de paraître cocasse, anormal, délirant. Mais, tout en étant curieux, loufoque, il semblait<br />
suivre une certaine logique. Une chronologie. Le malheur <strong>et</strong> le désarroi allaient en croissant.<br />
Les destructions massives se superposaient sur le pare-brise de sa voiture alors que le contact<br />
était coupé. Com<strong>me</strong>nt était-ce possible ? Il se croyait dans l'un de ces antiques drive-in emplis<br />
de cabriol<strong>et</strong>s <strong>et</strong> de coupés américains aux for<strong>me</strong>s acérées <strong>et</strong> interminables, lieux aux mille<br />
baisers aux senteurs de pop-corn. En pleine séance de cinéma, film version catastrophe série<br />
Z. Invariable<strong>me</strong>nt, tout ceci s'achevait par une kyrielle de chiffres <strong>et</strong> de l<strong>et</strong>tres suivie, en<br />
dernier lieu, d'une lumière aveuglante l'empêchant d'en voir plus. Pourquoi ? Y avait-il des<br />
différences entre chaque phénomène ? En se posant la question, il se rendit compte qu'il<br />
pouvait répondre par l'affirmative. La ville vue en dessous à chaque fois, révélait peu à peu<br />
ses secr<strong>et</strong>s. Des for<strong>me</strong>s <strong>part</strong>iculières <strong>et</strong> familières mais éventrées, des amas de métal <strong>et</strong> de<br />
verre fumé, les ailes brisées d'un moulin orné d'ampoules électriques, un fleuve charriant une<br />
cargaison de cadavres.