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Nulle part et partout - Je me livre ... Eric Vincent

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<strong>Nulle</strong> <strong>part</strong> <strong>et</strong> <strong>part</strong>out<br />

Il réapparut au bout de quelques minutes, s'efforçant d'arracher un rictus amical à son visage<br />

tendu. Il tenait à leur parler. A ses collègues. A ses fidèles collaborateurs. Presque des amis.<br />

- <strong>Je</strong> suis profondé<strong>me</strong>nt désolé pour vous tous. <strong>Je</strong> n'imaginais pas qu'on en arriverait là. Si<br />

seule<strong>me</strong>nt les autres sociétés ne se cassaient pas la figure à tour de bras, on aurait pu tenir.<br />

Jansen, les autres. Tous les autres qui ont coulé. Et puis, si je n'avais pas dû divorcer, j'aurais<br />

pu renflouer, peut-être. On aurait tenu, en attendant des jours <strong>me</strong>illeurs. Cela ne durera pas<br />

éternelle<strong>me</strong>nt. Et puis... je... je ne sais pas pourquoi je vous dis toutes ces banalités. Vous<br />

savez qu'il est trop tard <strong>et</strong> qu'aucun mot, qu'aucune parole ne pourra vous réconforter<br />

maintenant. C'est stupide <strong>et</strong> inutile de ma <strong>part</strong>. Allez ! Prenez-vous en main, ayez du courage<br />

pour r<strong>et</strong>rouver du travail. Prenez vos cartons avec vos eff<strong>et</strong>s <strong>et</strong> <strong>part</strong>ez le plus vite possible.<br />

Ils baissaient le nez, ne sachant quoi lui répondre. Il s'assit sur un coin de bureau <strong>et</strong> laissa son<br />

regard vagabonder dehors. Une dizaine de minutes s'écoulèrent avant que chacun ait<br />

rassemblé ses obj<strong>et</strong>s. Ils <strong>part</strong>irent en silence ou presque, les uns donnant une p<strong>et</strong>ite tape<br />

amicale, les autres lâchant un "<strong>me</strong>rci" sobre en ces mo<strong>me</strong>nts douloureux. Catherine osa une<br />

bise sur la joue <strong>et</strong> lui dit :<br />

- Merci d'avoir cru en nous jusqu'au bout, Christian.<br />

- Vous en valiez tous le coup. Vous allez <strong>me</strong> manquer.<br />

- A moi aussi. Cela va <strong>me</strong> manquer, c<strong>et</strong>te ambiance de veille de bataille. C'était si stimulant.<br />

- Oui, oui, répéta-t-il plusieurs fois, fondant déjà dans un océan de nostalgie.<br />

La porte se referma sur le dé<strong>part</strong> de la secrétaire. Il resta seul de longues minutes. Il attendait<br />

la suite pour boire la coupe jusqu'à la lie. Il j<strong>et</strong>a un coup d'oeil dehors. Trois camions de large<br />

contenance vinrent stationner au pied de l'im<strong>me</strong>uble. Des malabars, tatoués com<strong>me</strong> des<br />

taulards, en descendirent. Voilà ! Il écrivait le chapitre final de l'épopée du "Pub irlandais". Il<br />

avait insisté pour que ses collaborateurs dégagent le terrain le plus tôt possible parce qu'il<br />

refusait qu'ils assistent à ce qui allait suivre.<br />

Les gros balèzes entrèrent dans la pièce principale. Ils toisèrent à peine Christian, le<br />

poussèrent mê<strong>me</strong> pour enlever le bureau contre lequel il s'appuyait. Ils emportèrent les<br />

chaises, les armoires, les plans de travail, les ordinateurs, les imprimantes, tout, mê<strong>me</strong> le bocal<br />

rempli d'eau <strong>et</strong> le poisson rouge y barbotant. C'était hallucinant. Ces hom<strong>me</strong>s rompus à<br />

l'exercice vous déménageaient cent mètres carrés en une demi-heure. Ils ne mirent pas plus<br />

pour vider la société du mobilier qui faisait son char<strong>me</strong>, après le dé<strong>part</strong> des employés qui<br />

faisaient son â<strong>me</strong>. Christian ne les regarda mê<strong>me</strong> pas quitter le hall. Il fixa simple<strong>me</strong>nt leurs<br />

38 tonnes em<strong>me</strong>nant sa vie pour être vendue aux enchères dans l'heure qui suivrait.<br />

*<br />

* *<br />

Un autre camion, seul c<strong>et</strong>te fois, s'arrêta devant l'entrée de l'im<strong>me</strong>uble. Il crut reconnaître un<br />

hom<strong>me</strong> sortant d'un véhicule accompagnateur. Maître Caron, l'avocat de Christine. La<br />

pourriture ! Nul besoin d'être très intelligent pour comprendre la raison de sa venue, surtout<br />

avec un camion de déménage<strong>me</strong>nt. Il venait s'installer dans une place encore chaude. Il avait

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