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Nulle part et partout - Je me livre ... Eric Vincent

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<strong>Nulle</strong> <strong>part</strong> <strong>et</strong> <strong>part</strong>out<br />

le signe qu'il attendait pour quitter ces lieux qu'il ne souhaitait plus jamais revoir. Alors qu'il se<br />

dirigeait vers la porte à double battant, Contini le rappela assez sèche<strong>me</strong>nt :<br />

- Monsieur Prieur !<br />

- Oui ?<br />

- Si vous ne tenez pas à voir la pri<strong>me</strong> de licencie<strong>me</strong>nt de vos collègues amputée de 3000<br />

euros, vous seriez assez aimable de laisser votre mall<strong>et</strong>te informatique sur la table.<br />

- Ah ?<br />

- Elle est comptabilisée dans les actifs de votre société. Ce n'est pas un eff<strong>et</strong> personnel.<br />

- Bien, fit Christian en exécutant l'ordre. Après tout, se dit-il, qui ne tente rien, n'a rien. Il avait<br />

pensé qu'ils oublieraient ce "détail". Hélas ! Vu l'importance des som<strong>me</strong>s dues, un matériel<br />

d'occasion, récent, performant, d'une valeur estimée à 3000 euros était tout sauf un détail. Il<br />

ne lui restait plus grand-chose, à présent. Sa voiture lui ap<strong>part</strong>enait encore, l'ap<strong>part</strong>e<strong>me</strong>nt plus<br />

pour longtemps.<br />

En faisant le bilan (décidé<strong>me</strong>nt c'était le jour), ses actifs affichaient la silhou<strong>et</strong>te d'un<br />

anorexique. Pas bien épais. Cela lui donnait-il une raison de désespérer ? Après tout, il lui<br />

restait la santé. Quoi que... Ses hallucinations à répétition s'accompagnaient de pertes de<br />

conscience de la réalité <strong>et</strong> de la portée de ses gestes. Il s'était j<strong>et</strong>é à terre, croyant avoir affaire à<br />

une véritable explosion. Non seule<strong>me</strong>nt il ne maîtrisait plus ses pensées mais, pire, il ne<br />

maîtrisait plus son corps. Si cela continuait ainsi, il serait bientôt mûr pour l'asile. S'absentant<br />

une nouvelle fois, il n'entendit pas les sarcas<strong>me</strong>s des <strong>me</strong>mbres du conseil à sa sortie. Lorsqu'il<br />

fut dehors, seul l'air frais de l'hiver parvint à l'extirper de sa torpeur. Pourtant, plus il prenait<br />

de coups dans la figure, moins il réagissait sans toutefois s'enfoncer davantage. Il paraissait<br />

avoir atteint un niveau d'insensibilisation tel que plus rien ne pouvait engendrer de réaction<br />

négative.<br />

Il inspira une bouffée d'oxygène encore assez pure, grâce au vent soufflant régulière<strong>me</strong>nt<br />

depuis quelques heures. Ses paupières s'abaissèrent <strong>et</strong> les images surgirent sans le ménager.<br />

Des hom<strong>me</strong>s vidaient des pièces. Il reconnut les lieux. Il ouvrit les yeux. Inutile de s'infliger<br />

davantage de vision. Cela arriverait forcé<strong>me</strong>nt, fatale<strong>me</strong>nt, inexorable<strong>me</strong>nt. Cela n'avait rien<br />

d'une prémonition. Il prit place à bord de son véhicule <strong>et</strong> lui ordonna de s'éloigner aussi vite<br />

que le program<strong>me</strong> de conduite l'autorisait.<br />

Lundi 27 décembre, 15 heures.<br />

*<br />

* *<br />

Com<strong>me</strong>nt leur dire ? Com<strong>me</strong>nt com<strong>me</strong>ncer ce qui va être la fin ? La fin d'une belle aventure<br />

de quelques années, la fin d'un voyage accompli sur le mê<strong>me</strong> bateau. La fin des joies <strong>et</strong> des<br />

frissons, des journées <strong>et</strong> des nuits interminables à chercher, à creuser, à imaginer, à créer, à<br />

faire, à défaire, à refaire mille fois jusqu'à atteindre la perfection, si tentée qu'elle ait existé un<br />

jour. Telle<strong>me</strong>nt de vie dans ces lieux, de naissances. Et maintenant, la mort. Pas la mort d'un<br />

proj<strong>et</strong>, com<strong>me</strong> cela arrivait parfois. Non, la mort tout court. Ajouté à cela, le spectre du<br />

chômage. La mort, la fin.

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