Nulle part et partout - Je me livre ... Eric Vincent
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<strong>Nulle</strong> <strong>part</strong> <strong>et</strong> <strong>part</strong>out<br />
Et là, Christian n'avait pas le coeur à passer un savon à son ange gardien. Au contraire : ce<br />
dernier venait d'envoyer un <strong>me</strong>ssage visuel clair à son attention. Soit il s'agissait d'un futur saut<br />
en parachute, soit ils allaient se planter.<br />
- Patrick ?<br />
- Oui !<br />
- J'ai com<strong>me</strong> une drôle d'impression !<br />
- Qu'est-ce que tu <strong>me</strong> fais ? Tu as trop mangé ?<br />
- Non ! Rien à voir avec mon déjeuner. J'ai eu une vision !<br />
Il se rendit compte que Patrick, militaire cartésien, appréciait peu de rem<strong>et</strong>tre un vol pour des<br />
raisons issues de l'obscurantis<strong>me</strong>.<br />
- Une vision ? C'est ce que tu as quand tu t'absentes ? Com<strong>me</strong> à l'enterre<strong>me</strong>nt ?<br />
- Oui.<br />
- <strong>Je</strong> vois. Ecoute ! J'ai fait la visite pré vol <strong>et</strong> il n'y a rien. En plus, si cela peut te rassurer,<br />
l'avion sort de révision complète vendredi. Tu vois !<br />
- Si tu le dis !<br />
- Contact !<br />
Patrick appuya sur le démarreur. Il fit les vérifications d'usage. Et alla se positionner en bout<br />
de la piste 27. Christian se réjouit. Le vent venait de l'ouest. Donc, le décollage se ferait face à<br />
l'ouest, face au soleil rasant l'horizon. Ils s'élancèrent assez lente<strong>me</strong>nt. Evidem<strong>me</strong>nt, Patrick<br />
allait lui faire le coup de la sortie de piste au bout du plateau, plongeant vers la ville, deux<br />
cents mètres plus bas. A chaque fois, s'envoler par c<strong>et</strong>te piste unique dans la région offrait<br />
mille fois plus de sensations que n'importe quel décollage.<br />
Et c<strong>et</strong>te fois ne dérogea pas à la règle. Face au disque solaire rougeoyant, ils sentirent le sol se<br />
dérober <strong>et</strong> l'appareil plongea. Le temps de m<strong>et</strong>tre la sauce dans le moteur, l'avion prit de la<br />
vitesse <strong>et</strong> de l'altitude. Ils grimpèrent plein pot, à vive allure.<br />
Lorsqu'ils furent à environ 1500 mètres, Patrick entama un premier looping, classique <strong>et</strong><br />
efficace pour se r<strong>et</strong>rouver scotché au fond de son siège, pesant quatre à cinq fois son poids<br />
ordinaire dans la phase ascensionnelle. La descente apportait une autre sensation : le sang<br />
jaillissait des jambes vers la tête, provoquant ce qu'on appelait une accélération négative ou G<br />
négatif. Rien à voir avec l'hypothétique point G bien que les deux lascars prennent leurs pieds<br />
au possible dans leurs figures acrobatiques. Ces G négatifs étaient les plus éprouvants<br />
physique<strong>me</strong>nt : ils provoquaient éventuelle<strong>me</strong>nt ce que les pilotes nommaient le voile noir. Le<br />
danger de ces figures provenait de leur enchaîne<strong>me</strong>nt rapide. G positifs <strong>et</strong> négatifs, ajoutés à la<br />
nécessité d'avoir toujours l'horizon dans l'oeil, secouaient les carcasses humaines.<br />
Christian adorait les tonneaux déclenchés <strong>et</strong> les vrilles. Il appréciait aussi les chandelles avec<br />
décrochage final. A un mo<strong>me</strong>nt donné, le Pitt's <strong>part</strong>it en vrille. Au bout de deux tours, voire<br />
trois, Patrick balançait un grand coup de pied dans le palonnier pour arrêter la figure. Au coup<br />
de pied, rien ne se passa. Au contraire, un craque<strong>me</strong>nt sinistre se produisit <strong>et</strong> l'appareil<br />
tournoya de plus belle.