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La mort du Roi Arthu..

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malheureux aujourd’hui, car tu ne comprends pas dans quel but tu es le témoin d’une aventure qui n’a pas<br />

de fin. – Qui es-tu donc ? murmura Bohort. – Autrefois, on m’appelait Balin, le Chevalier aux deux<br />

Épées. Je suis <strong>mort</strong> depuis bien longtemps, roi Bohort, après m’être ren<strong>du</strong> coupable, et cela en dépit des<br />

avertissements que m’avait donnés le sage Merlin, <strong>du</strong> Coup Douloureux qui désola la Terre Foraine. J’ai<br />

<strong>du</strong>rement expié ma faute, et bon nombre de chevaliers avec moi, car le crime que j’avais commis ne<br />

m’engageait pas seul. – Mais, dit Bohort, es-tu un fantôme ou un être vivant ? – Cela ne veut rien dire,<br />

répondit l’autre. Être ou ne pas être n’est pas une question qu’on puisse résoudre aussi facilement que le<br />

pensent les humains. Sache donc que je suis et que je ne suis pas. Mais peu importe. Je suis venu te<br />

guider. – Mais, reprit Bohort, que tu sois ou que tu ne sois pas, dis-moi <strong>du</strong> moins où tu es. – Je suis en un<br />

très beau lieu et j’y resterai jusqu’à ce que soit accomplie la prophétie de Merlin. Ensuite, j’irai dans un<br />

autre lieu encore plus beau et plein de délices, jusqu’à ce que Dieu récompense ceux qui lui ont été<br />

fidèles, malgré les tourments et les erreurs de la vie. »<br />

Bohort ne savait que penser de tout ce discours. « Écoute-moi bien, roi Bohort, reprit celui qui<br />

affirmait être Balin, car je ne saurais demeurer davantage et vais être obligé de te quitter : si tu m’en<br />

crois, passe la nuit sous l’arbre où tu te trouves. Prends l’une des fleurs que tu vois dans l’herbe et placela<br />

sur ta poitrine, elle te garantira contre tout ce qui pourrait arriver. Sache que, cette nuit, tu verras<br />

d’étranges choses, mais garde-toi bien de répondre lorsqu’on t’appellera par ton nom et que des gens<br />

t’inviteront à les rejoindre. Si tu veux rester en vie, il faudra te retenir de les rejoindre, car tu serais alors<br />

frappé d’un coup <strong>mort</strong>el et par une arme telle qu’il n’est nul médecin au monde qui puisse en guérir même<br />

une égratignure. Demeure sous l’arbre, tu n’y risqueras rien, car son ombre, ainsi que l’odeur de ses<br />

fleurs, te protégeront. Et quand viendra le matin, tu sauras ce que tu dois faire. Maintenant, je te<br />

recommande à Dieu. » Ayant ainsi parlé, le chevalier disparut derrière les murs écroulés de la forteresse,<br />

et Bohort se retrouva seul.<br />

Il attacha son cheval à l’arbre et décida de dormir là. Il ramassa l’une des fleurs et la respira : elle<br />

répandait une senteur d’une suavité telle que l’on se croyait en un lieu céleste, et si nourrissante que l’on<br />

n’avait plus envie ni de boire ni de manger. Bohort alors s’allongea sous l’arbre et plaça la fleur sur sa<br />

poitrine.<br />

Une fois bien noire la nuit, il vit venir des jeunes gens et des serviteurs qui, dans la prairie, se mirent<br />

en devoir de dresser des pavillons, des tentes et des auvents de soie. Il vit ensuite venir à cheval des<br />

dames et des jeunes filles magnifiquement vêtues et qu’escortait une grande débauche de torches et de<br />

cierges, au son de vielles et de beaucoup d’autres instruments. À la suite des dames, il vit également<br />

s’avancer des chevaliers et des seigneurs, les mieux équipés qu’il eût jamais vus dans nulle cour, même<br />

celle <strong>du</strong> roi <strong>Arthu</strong>r. Chacun mit pied à terre devant sa tente, et, après avoir pris un peu de repos, tous<br />

commencèrent un tournoi d’aspect aussi beau que plaisant. Au bout d’un moment, ils se mirent à crier<br />

d’une voix forte : « Où est le roi Bohort ? Pourquoi n’est-il pas à ce tournoi ? »<br />

Alors, les chevaliers qui fuyaient devant ceux qui les poursuivaient se précipitèrent vers l’arbre sous<br />

lequel était allongé Bohort, et ils s’écrièrent, de plus en plus fort : « <strong>Roi</strong> Bohort ! noble créature,<br />

seigneur, pitié ! Aide-nous contre nos ennemis, car si nous sommes défaits devant toi, dont nous<br />

implorons la pitié et à qui nous demandons si instamment de l’aide, tu en seras blâmé tous les jours <strong>du</strong><br />

monde, aussi bien après ta <strong>mort</strong> que <strong>du</strong>rant ce qui te reste à vivre ! »<br />

Ils insistèrent tellement que la pitié s’empara de Bohort, et il en oublia les conseils de celui qui<br />

prétendait être Balin. Il se leva et commença à équiper son cheval. Mais à peine s’apprêtait-il, ayant<br />

bridé et sellé sa monture, à se lancer dans cette folle entreprise qu’il entendit une cloche sonner, à travers<br />

les arbres, non loin de là. Au premier son de cette cloche, le tournoi s’évanouit si merveilleusement que<br />

Bohort ne put voir ni savoir ce qu’étaient devenus dames et chevaliers, tentes et pavillons. En un clin<br />

d’œil, tout avait disparu, et Bohort se retrouva seul sous les murailles de la forteresse en ruine, tandis que

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