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{16} L’épisode rappelle évidemment celui de la fontaine de Barenton, où Yvain, en aspergeant la margelle, déclenche un orage, lequel est<br />
suivi d’un concert d’oiseaux qui chantent en polyphonie (voir dans Le Cycle <strong>du</strong> Graal, 4 e époque, « <strong>La</strong> Fée Morgane », le chapitre intitulé<br />
« <strong>La</strong> Dame de la Fontaine »). Il s’agit là d’un conte mythologique au schéma fréquent : un animal de l’Autre Monde, en l’occurrence le<br />
sanglier qu’on ne peut rattraper, entraîne les chasseurs dans un univers féerique. L’orage brusque marque la rupture entre les deux mondes, et<br />
l’on verra par la suite que le grand chevalier auréolé de lumière est en fait un habitant de l’Autre Monde qui bénéficie de pouvoirs magiques<br />
éten<strong>du</strong>s.<br />
{17} Ce bouclier magique indique nettement l’appartenance d’Aalardin au monde féerique dont les habitants possèdent des talismans<br />
merveilleux.<br />
{18} Dans l’Autre Monde celtique, l’espace et le temps sont ou différents ou bien totalement ré<strong>du</strong>its à néant. Dans certains récits, le héros,<br />
qui croit avoir passé quelques heures dans un domaine féerique, se retrouve ensuite « vieux » de quelques mois, quelques années ou quelques<br />
siècles.<br />
{19} Il s’agit bel et bien là d’un interdit de type mélusinien. <strong>La</strong> belle Guinier a en effet plus d’un rapport avec Mélusine, comme en témoigne<br />
l’histoire <strong>du</strong> serpent qui se précipite sur son sein. En un certain sens, elle est une « femme-serpent » issue de la plus lointaine mythologie, mais<br />
le récit médiéval rationalise le thème et le débarrasse de sa coloration païenne en transformant l’héroïne en « femme au serpent ». À la lecture<br />
de cette histoire, on ne peut s’empêcher de penser à l’étrange stèle provenant de l’église d’Oo, dans les Pyrénées, et conservée au musée de<br />
Toulouse, qui semble l’illustration même <strong>du</strong> thème : elle représente une sorte d’androgyne dont les seins bien marqués accusent la féminité,<br />
mais dont le pubis est masqué par une espèce d’œuf, équivalent des testicules, d’où surgit un serpent tortueux et long dont la tête vise le sein<br />
gauche de la femme. Ce serpent, malgré l’analogie, n’a rien de véritablement phallique, et il est difficile, en dernière analyse, de soutenir la<br />
thèse de l’androgyne. Il est fort possible que la stèle, qui date probablement <strong>du</strong> XII e siècle, transpose simplement l’aventure de Karadoc et de<br />
Guinier.<br />
{20} D’après la Première Continuation de Perceval . L’épisode <strong>du</strong> « cor magique » figure également dans un récit antérieur, datant des<br />
environs de 1170, Le <strong>La</strong>i <strong>du</strong> Cor, de Robert Bicket, auteur anglo-normand qui fut sans doute, à l’instar de Marie de France, un familier<br />
d’Henry II Plantagenêt.<br />
{21} Nom gallois de Winchester. C’est dans le grand hall de cette ville que se trouve exposée la fameuse Table Ronde en marqueterie qui,<br />
comportant les noms des principaux chevaliers, date <strong>du</strong> règne d’Édouard III Plantagenêt (XIV e siècle).<br />
{22} Il semble que, dans de nombreux romans arthuriens, le modèle de la reine Guenièvre ait été Aliénor d’Aquitaine, épouse d’Henry II<br />
Plantagenêt. Tous les témoignages contemporains la décrivent en effet comme singulièrement belle en dépit de son âge.<br />
{23} Cet épisode, en apparence insignifiant et qui montre la disproportion entre l’attitude de <strong>La</strong>ncelot et celle <strong>du</strong> chevalier <strong>mort</strong>, ne peut être<br />
compris que par référence à un antique thème épique et mythologique : le sanglier est le jumeau « cosmique » de l’homme qui a été tué. C’est<br />
exactement l’histoire de Diarmaid, le prototype irlandais de Tristan, dans la célèbre légende de « la poursuite de Diarmaid et Grainné ». Voir<br />
J. Markale, L’Épopée celtique d’Irlande, pp. 173-184.<br />
{24} C’est l’une des règles absolues de l’Amour Courtois.<br />
{25} <strong>La</strong>ncelot est le fils légitime de Ban, roi de Bénoïc, Hector son fils bâtard. Bohort et Lionel sont les fils <strong>du</strong> roi Bohort de Gaunes, luimême<br />
frère de Ban. Ce lignage <strong>du</strong> roi Ban constitue, parmi les chevaliers de la Table Ronde, un groupe à part que l’on pourrait qualifier de<br />
« clan armoricain ».<br />
{26} D’après <strong>La</strong> Mort le roi Artu, faussement attribué à Gautier Map, texte des environs de 1235, édité par Jean Frappier, Paris, Droz,<br />
1964. Trad. française partielle par G. Jeanneau, coll. 10/18, Paris, 1983.<br />
{27} <strong>La</strong> plupart des versions le nomment Tristan de Léonois ou de Loonois. Les commentateurs ont identifié ce pays successivement avec<br />
le Lothian d’Écosse (sous prétexte que le nom de Tristan, Drustanos, est attesté dans une inscription picte), Caerlion-sur-Wysg, au sud <strong>du</strong><br />
Pays de Galles (Caerlion signifiant « forteresse des Légions », sous-enten<strong>du</strong> « romaines »), l’une des résidences prêtées à <strong>Arthu</strong>r, enfin avec<br />
le Pays de Léon, dans le nord <strong>du</strong> Finistère, où l’on a d’ailleurs localisé le manoir de Tristan à Penmarc’h en Saint-Frégant. <strong>La</strong> version galloise<br />
dit seulement que Tristan était le fils d’un certain Tallwch, tandis que la compilation de Thomas Malory, au XV e siècle, ne le connaît que sous<br />
le nom de « Tristan de Lyonès ». Cette dernière appellation doit seule être retenue, car elle est conforme à la légende locale <strong>du</strong> comté de<br />
Cornwall, en Grande-Bretagne, où se déroule la plus grande partie de l’histoire de Tristan et Yseult. Cette légende locale concerne un pays<br />
qui, englouti par la mer, se serait éten<strong>du</strong> autrefois entre les îles Scilly et la côte de la péninsule de Lizard, non loin <strong>du</strong> Mont-Saint-Michel de<br />
Penzance, et que l’on nommait Lyonesse. Voir dans J. Markale, Contes et légendes des pays celtes, Rennes, Ouest-France, 1995, pp. 77-<br />
80, le conte intitulé « <strong>La</strong> terre per<strong>du</strong>e de Lyonesse ».<br />
{28} D’après les premiers fragments <strong>du</strong> Roman de Tristan de Thomas d’Angleterre, récit des environs de l’an 1170. Texte et tra<strong>du</strong>ction<br />
française publiés par Philippe Walter, Tristan et Yseult, Paris, Lettres gothiques, 1989.<br />
{29} D’après un épisode de la Tristrams saga de Isöndar, récit norvégien composé en 1226, sur l’ordre <strong>du</strong> roi Haakon IV, par un certain<br />
« frère Robert ». Il s’agit en fait d’une tra<strong>du</strong>ction abrégée <strong>du</strong> récit de Thomas d’Angleterre. Tra<strong>du</strong>ction française par Daniel <strong>La</strong>croix, Tristan<br />
et Iseut, Paris, 1989.<br />
{30} Ce texte (<strong>du</strong> XII e siècle) est l’un des rares à signaler l’existence d’une tradition populaire à propos de Tintagel, mais une légende locale<br />
la perpétue de nos jours encore. Il faut rappeler que le château de Tintagel serait l’endroit où fut conçu le roi <strong>Arthu</strong>r (voir dans Le Cycle <strong>du</strong><br />
Graal, 1 e époque, « <strong>La</strong> Naissance <strong>du</strong> roi <strong>Arthu</strong>r ») et qu’on y peut voir une anfractuosité, sous la falaise, nommée « la Grotte de Merlin ». Le<br />
site lui-même est au surplus tout à fait extraordinaire. Il s’agit d’un promontoire rocheux qui s’avance dans la mer et constitue une position<br />
stratégique inexpugnable. Historiquement s’y sont succédé une forteresse celtique, un monastère de type celtique et un château fort médiéval.<br />
<strong>La</strong> référence aux géants, constructeurs <strong>du</strong> donjon, figure dans un récit <strong>du</strong> haut Moyen Âge, selon lequel l’île de Bretagne aurait d’abord été<br />
habitée par des géants nés des filles d’un roi de Grèce et de démons incubes (voir Le Cycle <strong>du</strong> Graal, ibid.). <strong>La</strong> légende fait donc de la<br />
forteresse une sorte de lieu féerique, à l’instar de Corbénic, le château <strong>du</strong> <strong>Roi</strong> Pêcheur.<br />
{31} Le port de la massue (la « marotte ») et celui de la tonsure (parodie de la tonsure cléricale) sont les deux caractéristiques des fous –<br />
authentiques ou simulateurs – au Moyen Âge. Ils constituent en tout cas l’uniforme de tous les membres des fameuses confréries de fous ou<br />
de sots qui se manifestaient à l’occasion de certaines fêtes qui, notamment aux environs de Noël, correspondent aux Saturnales romaines et