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La mort du Roi Arthu..

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une forteresse ou un village, dans une ville ou un ermitage, demandait-il : « Au nom de Dieu, braves gens,<br />

auriez-vous vu un homme qui porte un serpent lié à son bras ? » Hélas ! la réponse était invariable :<br />

« Dieu merci, nous ne l’avons pas vu par ici ni n’avons jamais enten<strong>du</strong> parler d’une horreur semblable ! »<br />

Karadoc, cependant, ne se nourrissait plus que d’herbes, car, cet été-là, il avait quitté l’ermite auprès<br />

<strong>du</strong>quel il avait vécu près de deux ans pour se mettre à la recherche d’autres saints hommes. Explorant<br />

forêts, landes et bocages, il mangeait des racines crues. Le serpent le tourmentait toujours aussi fort en lui<br />

suçant la chair et le sang, et il était désormais si abattu et si affaibli qu’à peine pouvait-il se déplacer.<br />

Finalement, il élut domicile dans des fourrés, au milieu d’un bois, non loin d’un bel ermitage. Là<br />

séjournaient plusieurs serviteurs de Dieu, aussi généreux que discrets. Leur église, toute petite, dominait<br />

un mince ruisseau qui prenait sa source aux flancs de la vallée. Peu de gens se risquant par là, l’endroit<br />

était calme et tranquille.<br />

Au fond <strong>du</strong> buisson dans lequel il s’était installé, Karadoc vivait donc en attendant la <strong>mort</strong>, sans plus<br />

rechercher nul remède. Chaque jour de la semaine, un étroit sentier le menait prier à la chapelle, puis il<br />

assistait à l’office. Les reclus lui donnaient des vêtements et le nourrissaient <strong>du</strong> peu qu’ils avaient pour<br />

eux-mêmes, en dépit <strong>du</strong> serpent diabolique qui lui étreignait le bras, et tout émus de l’entendre se plaindre<br />

si doucement <strong>du</strong> mauvais sort qui lui avait infligé cette cruelle pénitence. Après s’être un peu restauré,<br />

Karadoc retournait à sa tanière. Il n’espérait pas d’autre soulagement que la <strong>mort</strong>, aussitôt que Dieu<br />

daignerait la lui envoyer.<br />

Or, un jour, Cador de Cornouailles, toujours par monts et par vaux, laissa sa sœur, épuisée par ce<br />

voyage perpétuel, dans la maison d’une veuve dame qui leur avait offert l’hospitalité. Dès le matin, il<br />

résolut d’explorer toute la région, mais la nuit le surprit près de l’ermitage dans les parages <strong>du</strong>quel se<br />

trouvait Karadoc. Il y demanda l’hospitalité et les ermites l’accueillirent avec bonté, lui offrant pour<br />

repas la maigre chère qui était la leur. Sur ce, Cador leur demanda s’ils connaissaient ou avaient<br />

rencontré un homme aux manières nobles qui portait, attaché à son bras, un horrible serpent qui lui suçait<br />

la chair et le sang. « Cher seigneur, répondit l’un des ermites, nous le connaissons. Il habite dans le<br />

voisinage et demain, tu pourras le voir ici même, car il vient tous les jours entendre la messe. »<br />

<strong>La</strong> joie fit battre le cœur de Cador. « Est-ce un homme brun et de belle taille ? » demanda-t-il. On lui<br />

répondit : « Cher seigneur, il est comme tu dis, mais dans quel état ! Il n’a plus que la peau sur les os.<br />

Quant à son nom, nous l’ignorons. » Sans insister, Cador alla se coucher, si heureux de ce qu’il venait<br />

d’apprendre qu’il ne s’avisa même pas de la <strong>du</strong>reté de son lit. Les ermites, d’ailleurs, l’avaient traité de<br />

leur mieux… Aussi, dès le matin, se leva-t-il, impatient de revoir Karadoc.<br />

Comme prévu, celui-ci vint. Afin de mieux le guetter, Cador s’était placé dans un recoin de l’église où<br />

on ne pouvait le voir. Karadoc, sans se douter de rien, entra donc sans crainte dans la nef et se mit à prier<br />

Dieu avec ferveur. Mais son ami, ne le reconnaissant pas, résolut de s’approcher. Karadoc, plongé dans<br />

ses oraisons, ne l’entendit pas venir. Alors, Cador lui dit doucement : « Frère ! frère ! je t’ai enfin<br />

retrouvé ! Tant de fois je me suis mis les jambes et les pieds en sang à explorer jusqu’à l’épuisement<br />

d’innombrables pays ! Voilà deux ans et plus que je te cherche sans relâche. Mais qui donc t’a fait<br />

prendre cet habit-là ? Certes, il est indigne de toi de porter des hardes pareilles ! »<br />

Karadoc était en effet vêtu de deux tuniques, chaussé de grandes bottes et coiffé d’un capuchon si troué<br />

que plus Cador le regardait, plus croissait sa pitié. Mais Karadoc ne répondit rien. Il avait reconnu Cador<br />

et éprouvait tant de honte de son état qu’en présence de son compagnon il n’arrivait pas à desserrer les<br />

dents. Baissant son capuchon sur ses yeux, il se coucha sur le sol. Mais Cador, s’approchant de lui, le<br />

releva et l’embrassa. « Ami très cher, dit-il, tu as longtemps souffert à cause <strong>du</strong> serpent qui te mine et<br />

détruit le corps. Mais ne me déguise pas la vérité : nous sommes dans une église et tu ne dois pas me<br />

mentir. Qui t’a poussé à quitter ton pays ? Pourquoi avoir ainsi fui ton amie Guinier qui t’aime plus<br />

qu’elle-même ? »

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