saisit Karadoc. Il regarda son amie Guinier, qui se tenait assise au côté de la reine. Se rendant compte qu’il doutait d’elle, elle s’écria aussitôt : « Seigneur ! n’hésite pas, bois ! » Alors, il éleva le cor jusqu’à ses lèvres et en but tout le contenu sans qu’une seule goutte en fût renversée. « Dame ! dit-il à l’adresse de Guinier, jamais nulle femme n’a fait tant d’honneur à un homme que toi en ce moment ! » Et un grand brouhaha parcourut l’assemblée. Sans en rien montrer, tous les chevaliers présents furent remplis de colère et de haine envers Karadoc parce que lui seul avait pu boire dans le cor. Quant à la reine Guenièvre, elle en fut fort affectée, de même que nombre de dames. Toutes jalousaient Guinier et lui en voulaient grandement pour avoir eu l’audace d’encourager son ami. À dater de ce jour, Guinier fut de fait à la cour la femme la plus détestée par toutes les dames. Karadoc s’en aperçut tout de suite. Prenant Guinier à part, il la pria de se préparer à partir le soir même et à aller l’attendre auprès de son père, le roi de Vannes. Quant à Cador, qui avait bien compris que sa sœur et son ami s’étaient attiré l’animosité générale, il s’offrit à escorter Guinier, proposition que Karadoc accepta d’enthousiasme. Avant la tombée de la nuit, Cador s’en alla donc avec Guinier, laissant Karadoc parmi les compagnons de la Table Ronde {20} .
3 <strong>La</strong> Demoiselle d’Escalot Ce soir-là, avant que ne fût venue l’heure de s’aller coucher, le roi <strong>Arthu</strong>r convia tous les chevaliers présents à un tournoi qui se tiendrait à la fin de la semaine à Caerwynt {21} . Il espérait ainsi réveiller chez ses compagnons le sens de la prouesse qu’il trouvait passablement assoupi depuis leur retour de la quête. Ils accueillirent néanmoins l’annonce avec un grand enthousiasme, et nombre d’entre eux décidèrent de se mettre en route dès le lendemain. Cependant, <strong>La</strong>ncelot <strong>du</strong> <strong>La</strong>c s’était mis en tête d’y participer mais incognito. Aussi dit-il à son entourage que, se sentant souffrant, il resterait à Kamaalot. Bohort, Lionel et Hector renoncèrent alors aussi à s’y rendre, vu que lui-même n’y serait pas. Mais il rétorqua : « Ce n’est pas une raison pour vous abstenir. Aussi vous ordonné-je de partir dès demain matin. Moi, je resterai ici et, avant même que vous ne soyez de retour, je serai parfaitement remis. – Seigneur, dirent-ils, puisque tel test ton désir, nous partirons donc. Cependant, sache que nous préférerions demeurer en ta compagnie. » <strong>La</strong>ncelot s’opposa de nouveau à leur vœu, et la conversation en resta là. L’incident toutefois avait eu un témoin en la personne d’Agravain, fils <strong>du</strong> roi Loth d’Orcanie et frère de Gauvain, qui de longue date haïssait <strong>La</strong>ncelot ; affreusement jaloux de ses prouesses et de ses hauts faits, il attendait patiemment l’occasion favorable pour nuire au fils <strong>du</strong> roi Ban de Bénoïc. Et comme il ne cessait de l’épier, il acquit la certitude que celui-ci aimait la reine Guenièvre d’un fol amour et qu’elle l’aimait aussi. Plusieurs fois, il les avait surpris sur le point de se rejoindre dans quelque retraite écartée. Un jour, en passant près d’une chambre dont la porte était demeurée entrouverte, il les avait même vus tous deux nus sur un lit. Certes, la reine était fort belle et toujours désirable, encore qu’à cette époque elle eût dans les cinquante ans, au demeurant si avenante qu’on n’eût pu trouver sa pareille au monde {22} . Et comme sa beauté ne déclinait pas, certains chevaliers voyaient en elle la fontaine de toutes beautés. Aussi, en entendant <strong>La</strong>ncelot dire qu’il ne se rendrait pas au tournoi de Caerwynt, Agravain le soupçonna-t-il d’agir ainsi pour demeurer auprès de la reine et profiter en sa compagnie de l’absence <strong>du</strong> roi. Et, dès que, le lendemain matin, il eut vu partir Bohort et ses compagnons qui venaient de prendre congé de <strong>La</strong>ncelot, il s’arrangea pour avoir une conversation privée avec le roi <strong>Arthu</strong>r. « Mon oncle, ditil, je voudrais te révéler un secret dont je crains, à la vérité, que tu ne sois fort chagriné. Mais sache bien que je n’entreprends cette démarche qu’afin de te préserver de la honte. – Quelle honte ? répondit le roi. Tu m’intrigues, mon neveu. S’agit-il donc d’une chose si importante ? – Oui, seigneur roi, et je vais t’en faire la confidence. » Il entraîna <strong>Arthu</strong>r à l’écart et lui dit à voix basse : « Seigneur, je suis en mesure de t’affirmer que <strong>La</strong>ncelot et la reine, ton épouse, s’aiment d’un fol amour. Et ne pouvant se rencontrer à leur guise lorsque tu es là, ils profitent des heures où tu es absent. Voilà pourquoi <strong>La</strong>ncelot demeure à Kamaalot au lieu de se rendre au tournoi de Caerwynt. Il s’est contenté d’y envoyer ceux de sa maison et fait semblant d’être malade. De cette façon, sa feinte lui permettra, sitôt que tu seras parti, d’aller cette nuit même rejoindre à loisir la reine. » En entendant ce discours, le roi <strong>Arthu</strong>r ne put s’empêcher d’y déceler la calomnie : « Agravain, mon cher neveu, répliqua-t-il, ne répète jamais pareille accusation, car je ne suis guère disposé à la prendre au sérieux. Je ne nie certes pas que <strong>La</strong>ncelot n’ait pas eu désir de la reine : nombre des chevaliers de ma cour sont plus ou moins épris de Guenièvre, cela, je le sais fort bien. Belle et avenante comme est Guenièvre, comment ne susciterait-elle pas des regards d’admiration et d’amour ? Mais de là à croire que
- Page 2 and 3: Jean Markale LA MORT DU ROI ARTHUR
- Page 4 and 5: l’ancien temps. Ils abondent, dan
- Page 6 and 7: charnel et, pour qui comprend bien
- Page 8 and 9: évélatrice : le héros est en eff
- Page 10 and 11: De plus, on observe dans tous les r
- Page 12 and 13: Avertissement Les chapitres qui sui
- Page 14 and 15: le roi, je crois bien que je t’av
- Page 16 and 17: autre cérémonie, la conduisit à
- Page 18 and 19: Comme, en conséquence, le roi Arth
- Page 20 and 21: sans l’intervention visible d’a
- Page 22 and 23: Karadoc était demeuré prostré. E
- Page 24 and 25: Ainsi, quatorze chevaliers au moins
- Page 26 and 27: encontre ! » Il se tut un instant,
- Page 28 and 29: une forteresse ou un village, dans
- Page 30 and 31: grandes ni trop petites, à trois p
- Page 32 and 33: où bon lui plairait, tant à pied
- Page 34 and 35: l’appliqua d’emblée sur la cic
- Page 38 and 39: Lancelot et Guenièvre sont liés p
- Page 40 and 41: Lancelot répondit que, pour l’am
- Page 42 and 43: Pendant que le roi et ses neveux de
- Page 44 and 45: aux armes. Si je peux le battre, la
- Page 46 and 47: coupable d’une si noire forfaitur
- Page 48 and 49: mourir. Ce jeune homme en était fo
- Page 50 and 51: 4 L’Éternelle Brûlure Depuis so
- Page 52 and 53: flanc droit qui me fait souffrir de
- Page 54 and 55: désespérer quand il aperçut un p
- Page 56 and 57: — Au contraire, dit le roi, j’e
- Page 58 and 59: Il y a autant de vérité chez les
- Page 60 and 61: même, son compagnon d’armes favo
- Page 62 and 63: Une fois seul avec Kaherdin, Trista
- Page 64 and 65: « Hélas ! se mit à crier Yseult,
- Page 66 and 67: lui survivre, et parce qu’ils ava
- Page 68 and 69: saurait trouver place, à moins que
- Page 70 and 71: Le lendemain matin, Gauvain et les
- Page 72 and 73: néanmoins et vint à sa rencontre.
- Page 74 and 75: compagnie placèrent le mort dans l
- Page 76 and 77: par le sort qui malmenait son innoc
- Page 78 and 79: fort affligé et demanda ce qui s
- Page 80 and 81: Bohort se fut éloigné, elle s’a
- Page 82 and 83: assistants ne doutèrent plus que M
- Page 84 and 85: Arthur demanda à Sagremor : « As-
- Page 86 and 87:
doué de parole. Je résidais en Ca
- Page 88 and 89:
épondit Morgane, que me demandes-t
- Page 90 and 91:
8 Le Réveil du Dragon Un jour que
- Page 92 and 93:
Lancelot était présent, et il a s
- Page 94 and 95:
edoute rien et, à l’adresse de c
- Page 96 and 97:
murs de la forteresse, un immense b
- Page 98 and 99:
Or, entre-temps, voici ce qui s’
- Page 100 and 101:
que je sois accablé de terribles m
- Page 102 and 103:
9 Le Siège de la Joyeuse Garde Au
- Page 104 and 105:
pardonner un méfait, car, assurém
- Page 106 and 107:
venue, les chevaliers du roi, haras
- Page 108 and 109:
arons, de te traiter désormais com
- Page 110 and 111:
chevalier, de tout ce que tu as fai
- Page 112 and 113:
10 La Trahison Escorté de ses comp
- Page 114 and 115:
nous et nous veut tant de mal, qu
- Page 116 and 117:
Qu’avait donc voulu lui annoncer
- Page 118 and 119:
d’envoyer un messager vers Lancel
- Page 120 and 121:
et lui dit : « Seigneur, le cheval
- Page 122 and 123:
Gauvain. Moi, je t’affirme que le
- Page 124 and 125:
Quant aux gens du roi, ils s’éta
- Page 126 and 127:
davantage encore affecté par l’
- Page 128 and 129:
il trépassa de ce monde, les mains
- Page 130 and 131:
pardon, il fit part au prélat des
- Page 132 and 133:
guerriers empoignèrent l’épée,
- Page 134 and 135:
12 Quelque part en l’Île d’Ava
- Page 136 and 137:
Arthur. - Seigneur, je n’ai rien
- Page 138 and 139:
troupes, ils firent mouvement un ma
- Page 140 and 141:
envers un chevalier qui est ton hô
- Page 142 and 143:
tombeau somptueusement drapé et au
- Page 144 and 145:
Hector demanda alors au roi Bohort
- Page 146 and 147:
la lumière du jour se faisait de p
- Page 148 and 149:
{1} Voir J. Markale, L’Amour Cour
- Page 150 and 151:
ont perduré sous la forme des déf
- Page 152 and 153:
cornique Mordred ou Mordret), rival
- Page 154:
dieu celtique Lug. De nombreuses r