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La mort du Roi Arthu..

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Karadoc était demeuré prostré. Et la belle Guinier eut beau venir à lui et l’embrasser tendrement, il<br />

répondit à peine à sa tendresse. L’interrogeait-on sur les confidences <strong>du</strong> chevalier à la robe d’hermine, il<br />

ne répondait rien et se retranchait dans un silence obstiné qu’il observa tout le reste de la journée. Enfin,<br />

le soir, après avoir demandé au roi <strong>Arthu</strong>r la permission de quitter la cour et assuré Guinier de son<br />

indéfectible amour, il s’enfonça seul dans la nuit.<br />

Quelques jours plus tard, il parvint auprès <strong>du</strong> roi de Vannes qui l’avait élevé et qu’il avait toujours<br />

pris pour son père. Celui-ci manifesta la plus grande joie à le voir de retour sain et sauf. Mais Karadoc,<br />

le prenant à part, lui conta tout ce qu’il avait appris d’Éliavrès, non sans l’assurer qu’il demeurerait<br />

éternellement le meilleur et le plus dévoué des fils. Les révélations de Karadoc plongèrent d’abord le roi<br />

de Vannes dans un désespoir affreux ; puis la colère l’envahit et il voulut en personne châtier la reine<br />

Ysave en la passant au fil de l’épée pour l’avoir odieusement trompé. Mais Karadoc s’interposa. « Non,<br />

seigneur, dit-il. Toute coupable qu’est la reine, elle est ma mère, et je dois la protéger. Voici ce que je te<br />

conseille : afin que le maudit enchanteur ne puisse plus jamais la rejoindre, enferme-la dans une tour<br />

aussi haute qu’étroite ou <strong>du</strong> moins pourra-t-elle méditer sur ses forfaits et se repentir à loisir. »<br />

Ainsi fut fait. Le roi fit enfermer l’infidèle dans une tour où nul ne pouvait pénétrer hormis lui-même et<br />

ceux qu’il y autorisait. <strong>La</strong> reine Ysave n’y avait aucun homme pour compagnie. Seules des femmes la<br />

servaient. Une fois assuré que sa mère se trouvait sous bonne garde, Karadoc prit congé <strong>du</strong> roi de Vannes<br />

et regagna la cour d’<strong>Arthu</strong>r, car il lui tardait de revoir la belle Guinier.<br />

Cependant, l’enchanteur Éliavrès, père de Karadoc, était fort ennuyé qu’on l’eût séparé de la reine. Il<br />

ne désirait en effet rien tant que d’aller la retrouver, et il s’y employa. Ses connaissances en matière de<br />

magie lui permirent de pénétrer dans la tour à l’insu de quiconque et à la grande joie de la dame.<br />

Toujours grâce à sa magie, il manda des musiciens qui lui jouaient de la harpe et de la vielle, des<br />

jongleurs qui la divertissaient, des danseurs qui menaient le bal et des acrobates qui accomplissaient des<br />

prodiges. De sorte que la reine Ysave et son amant menaient joyeuse vie dans la tour chaque fois que le<br />

roi de Vannes s’absentait pour visiter ses sujets.<br />

Mais tout cela n’allait pas sans bruit. Comme, pour peu qu’il y eût fête dans la tour, les voisins en<br />

étaient réveillés, ils finirent par se plaindre auprès <strong>du</strong> souverain. Bouillant de colère, celui-ci décida de<br />

faire garder plus étroitement la tour, nuit et jour, mais il ne put rien empêcher : certaines nuits, le tapage<br />

était si infernal et les réjouissances si tapageuses que la tour finit par être connue dans la région sous le<br />

nom de Joyeux Vacarme. Quant au roi, à qui parvenaient les échos des divertissements grandioses et<br />

extraordinaires qu’organisait l’enchanteur, il en éprouvait un tel déplaisir qu’il finit par envoyer un<br />

messager auprès de Karadoc pour le prier de venir le conseiller.<br />

Lorsque Karadoc survint, le roi de Vannes l’accueillit avec force démonstrations de tendresse et,<br />

après le repas, lui conta les scandales de la tour. Alors, Karadoc entreprit de guetter, et il le fit avec tant<br />

de zèle et d’intelligence qu’une nuit il parvint à s’emparer de l’enchanteur, son père, au moment où celuici<br />

se mettait au lit avec la reine, sa mère. Aussi décida-t-il de lui infliger un châtiment exemplaire qui<br />

laverait l’opprobre <strong>du</strong> malheureux roi de Vannes. À cet effet, il obligea l’enchanteur Éliavrès à coucher<br />

avec une levrette, une truie et une jument. Avec la première, l’enchanteur engendra un grand lévrier qu’on<br />

appela Guinaloc, avec la truie, un gros sanglier qui reçut le nom de Tortain, et avec la jument, un haut<br />

cheval de combat, le puissant et farouche Loriagort, tous trois frères de Karadoc et enfants de son père {13} .<br />

Karadoc avait d’abord envisagé de pendre et d’écorcher vif l’enchanteur, mais celui-ci étant malgré tout<br />

son père, il résolut de l’épargner et le laissa aller où il voudrait.<br />

Terriblement fâché de tant d’humiliations, Éliavrès ne tarda pas à réagir, et il s’employa vivement à<br />

retourner dans la tour où la reine était prisonnière. Aussitôt en sa présence, il se plaignit amèrement que<br />

son fils eût été son bourreau. Or, elle, après avoir pleuré longuement et compati aux grandes souffrances<br />

qu’avait en<strong>du</strong>rées son amant, s’exclama enfin : « Venge-toi ! Tu n’es pas sans moyens pour le faire ! – Je

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