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4 HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS<br />
Inutile de raconter les vicissitudes de la vie du courageux fondateur e Québec. Elles<br />
sont dans l'esprit de chacun. C'est une gloire de plus attachée à son œuvre. Une idée ne<br />
triomphe pas impunément. Champlain avait réussi à placer un établissement sur le fleuve du<br />
Canada; mais dès l'heure où l'on vit qu'il était possible d'y entretenir un poste permanent, il<br />
fut trouvé à propos de lui créer des embarras. Le tout n'est pas d'avoir conçu un plan et de<br />
l'exécuter à l'encontre du vulgaire, il faut encore être capable de résister aux ouvriers de la<br />
onzième heure, qui, non-seulement réclament une part du succès, mais veulent se l'approprier<br />
exclusivement. Les marchands catholiques n'étaient, sous ce rapport, que très peu disposés<br />
à bien faire, et les protestants pas du tout.<br />
Il y avait pour protéger l'entreprise le prince de Condé, vice-roi de la Nouvelle-France ;<br />
mais quelle mazette que ce personnage ! Il est fort heureux que Dieu lui ait donné un fils<br />
qui s'est appelé le " grand Condé " ; sans cela, rien ne resterait de son nom qu'un souvenir<br />
insupportable. Il se donnait l'air de faire de la politique ou d'être trop embesogné pour voir<br />
au Canada, et la porte restait ouverte aux intrigues. Les huguenots en profitèrent. Il est à<br />
remarquer que leur entrée en nombre dans la compagnie date du temps (1616-1619) où le<br />
prince, tout prisonnier qu'il était, gardait le titre de vice-roi de la Nouvelle-France et les<br />
emoluments y attachés. ;<br />
Les vues de Champlain et des Récollets sont exposées en peu de mots dans le passage<br />
suivant : " On n'avancerait à rien si l'on ne fortifiait la colonie d'un plus grand nombre d'ha<br />
bitants, laboureurs et artisans ; il fallait que la liberté de la traite avec les Sauvages fût<br />
indifféremment permise à tous les Français ; qu'à l'avenir, les huguenots en fussent exclus ;<br />
qu'il était nécessaire de rendre les Sauvages sédentaires et les élever à nos manières et à<br />
nos lois 1<br />
."<br />
Selon le Père Le Clercq, les Récollets avaient observé qu'on ne réussirait pas à con<br />
vertir les Sauvages " si, avant que de les rendre chrétiens, on ne les rendait hommes. Pour<br />
les humaniser, il fallait nécessairement que les Français se mêlassent avec eux, et les<br />
habituer parmi nous, ce qui ne se pourrait faire que par l'augmentation de la colonie, à<br />
laquelle le plus grand obstacle était de la part des messieurs de la compagnie, qui, pour<br />
s'attirer tout le commerce, ne voulaient point habituer le pays, ni souffrir même que nous<br />
rendissions les Sauvages sédentaires, sans quoi on ne pourrait rien avancer pour le salut de<br />
ces infidèles 2<br />
." Il ajoute que, de 1615 à 1625, on prenait la peine de faire passer en France<br />
des Sauvages désireux de s'instruire des choses de la vie civilisée, et que l'on en cultivait<br />
plusieurs dans la maison des Récollets, à Québec, lesquels étaient adoptés par des habitants<br />
ou autres Français, le tout à la gloire de la religion et de la civilisation, tandis que, plus tard,<br />
ces bonnes coutumes se perdirent 8<br />
. Cela n'avait lieu, toutefois, qu'en autant qu'il fut possible<br />
de surmonter les obstacles accumulés par la compagnie. Aussi dit-il : " Les protestants ou<br />
1<br />
Le Père Le Clercq : Premier Etablissement de ta Foi, I, p. 98.<br />
.* Premier Etablissement, I, p. 96. ;<br />
*<br />
* Prenùer Et blissemeiit, I, p. 337. -