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IO HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS<br />
yaient point d'un bon œil les rivalités des traiteurs. Ils comprenaient instinctivement que<br />
vo<br />
les compagnies de commerce mettraient des entraves à tout ce qui pourrait être tenté pour<br />
l'augmentation de la vraie colonie. C'est l'esprit canadien qui dicta leur assemblée du 18<br />
août 1621, le même esprit que deux siècles et demi de luttes ont rendu si puissant parmi<br />
nous. Une voix s'élevait de Québec, demandant que la mère-patrie accordât à ses enfants<br />
du Nouveau-Monde la protection qu'elle leur devait contre les empiétements des hommes<br />
qui couraient après la fortune et n'acceptaient que pour la forme l'obligation de peupler le<br />
pays qu'ils exploitait. " Champlain, les Récollets et les habitants les mieux intentionnés du<br />
pays tenaient un tiers parti et, n'ayant en vue que l'établissement de la Foi et de la colonie,<br />
gémissaient de voir que tout allait se détruire par des querelles d'intérêt V<br />
Les Canadiens-français descendent de Y habitant et non pas de Y hivernant. Ce dernier<br />
était aux gages des compagnies de traite ; après trois ou quatre années, il retournait en<br />
France. L'habitant était celui qui prenait une terre, se fixait à demeure dans le Canada et y<br />
laissait ses enfants ; dès les jours de Champlain, on le distingua de l'hivernant. Abatteur de<br />
la forêt, conquérant du sol par la charrue, milicien dans les heures de danger, croyant aux<br />
destinées du Canada comme les Gaulois ses pères avaient cru à l'avenir de leur noble patrie<br />
l'habitant est la souche unique du peuple canadien-français.<br />
Gouverneurs, fonctionnaires civils, officiers militaires, missionnaires, employés de la<br />
traite, tout ce qui représentait la France proprement dite se reconnaissait comme Français<br />
ou Hivernants. Il en a été ainsi jusqu'à 1760.<br />
Celui qui faisait du Canada son pays d'adoption, et les enfants nés sur les bords du<br />
Saint-Laurent, furent de suite considérés comme groupe distinct : les Habitants.<br />
Entre ces deux classes, il y a toujours eu divergences d'idées : l'une tenait pour le<br />
Canada, l'autre pour la France. L'Habitant ne se retrouvait Français que le jour où on l'ap<br />
pelait aux armes, et alors il gagnait les bonnes batailles et se ruinait généreusement pour la<br />
cause commune.<br />
Le terme Habitant est bien à nous. Durant plus de deux siècles, personne ne nous l'a<br />
contesté. Sous l'ancien régime, il y avait les " Canadiens ou habitants," et les " Français ;"<br />
plus tard, les " Canadiens " et les " Anglais." La politique anglaise distingua très bien entre<br />
les Habitants, qui formaient le gros de la population, et les Français restés au milieu de nous<br />
après 1760. Ceux-ci finirent par disparaître : ils n'avaient point de racine dans le sol.<br />
Ce sont les fils de l'Habitant qui ont créé notre clergé national, livré les combats<br />
politiques, reconstitué l'administration publique, ouvert des écoles, établi des chemins de fer.<br />
De l'Habitant aussi viennent ces écrivains passionnés pour nos gloires nationales, et dont<br />
la tâche est aujourd'hui plus belle que jamais.<br />
La base de tous les projets dont s'occupent à présent les chambres fédérales est 1<br />
e sen-<br />
timent de la patrie nouvelle : l'esprit canadien. Nous sommes d'accord là-dessus, d'autant pl<br />
us<br />
d'accord que l'habitant du Canada avait adopté ce principe comme étoile polaire dès les<br />
1<br />
Le Clercq : Premier Etablissement de la Foi, I, p. 17^.